Sécheresse et chaleur : le secteur agricole en péril
L’année dernière, le secteur agricole avait subi de lourdes pertes à cause d’une vague de chaleur inhabituelle en hiver, qui avait brûlé une grande partie des cultures. Cette année, le risque de revivre le même scénario est réel, si la situation climatique ne s’améliore pas.
En 2022/2023, le secteur agricole national a perdu une grande partie de la production, en seulement quatre jours de forte chaleur en hiver. Si cette situation perdure cette année, la production ne sera pas au rendez-vous, il risque de ne pas y avoir tout simplement pas de production. Et cette année, Les agriculteurs vivent trois phénomènes en même temps : le manque de pluies, le manque d’eau au niveau des barrages et des nappes, et surtout la chaleur excessive pendant des périodes habituellement de basses températures. Le secteur vit un changement, voire un bouleversement total du climat. « La plante a besoin d’eau et de froid en cette saison, et malheureusement, c’est loin d’être le cas », alerte un expert agronome.
Face à cette situation, les agriculteurs tentent de s’adapter en recourant à des techniques d’irrigation plus économes en eau, comme le goutte-à-goutte, ou en diversifiant leurs cultures vers des espèces plus résistantes à la sécheresse, comme les légumineuses ou les plantes aromatiques. Mais ces solutions ne sont pas suffisantes pour faire face à la crise de l’eau, qui nécessite une politique globale et concertée entre les différents acteurs.
Le secteur agricole national est souvent critiqué pour sa consommation excessive d’eau, notamment pour les cultures destinées à l’exportation, comme les fruits rouges ou les tomates. Ces cultures sont considérées comme des exportations d’eau virtuelle, c’est-à-dire la quantité d’eau nécessaire à leur production. Certains experts estiment que le pays devrait privilégier les cultures destinées à la consommation nationale, qui sont moins gourmandes en eau et plus adaptées aux besoins alimentaires de la population.
Cependant, les acteurs du secteur agricole défendent l’importance de l’exportation, qui représente une source de revenus, de devises et d’emplois pour le pays. Ils soulignent également que le Maroc importe beaucoup plus d’eau virtuelle qu’il n’en exporte, à travers les produits comme les céréales, les oléagineux ou les aliments de bétail.
« Quand on parle d’exportation d’eau à cause de l’agriculture, il faut savoir que nous en importons trois fois plus, en raison des céréales et des oléagineux, avec environ 400.000 tonnes d’huile végétale importée. Les aliments de bétail sont également importés et cela représente trois à quatre fois ce que nous exportons. Cela dit, le pays a forcément besoin de certaines cultures, ce sont des écosystèmes nécessaires. Les fruits rouges et les tomates sont des cultures indispensables, car elles assurent l’emploi dans le monde rural. Ce sont même les principales sources d’emploi. Dans le monde rural, 13 millions de personnes travaillent dans l’agriculture. Si on interdit certaines cultures, ce sont tous ces gens que l’on risque de priver de leurs sources de revenus », argumente un responsable de la Fédération des exportateurs de fruits et légumes.
Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, le secteur agricole dispose normalement de 4,6 milliards de mètres cubes d’eau par an, dont 2,6 milliards proviennent des barrages et 2 milliards des nappes souterraines. Mais cette année, la quantité d’eau disponible pour l’agriculture a chuté à 700 millions de mètres cubes, soit une baisse de 85%. Face à cette situation critique, le ministère a mis en place un plan d’urgence pour rationaliser l’utilisation de l’eau et soutenir les agriculteurs affectés par la sécheresse. Le plan prévoit notamment la réduction des superficies irriguées, la distribution de fourrages subventionnés, la mise en place de crédits spéciaux, et la mobilisation de camions-citernes.
De plis en plus, le secteur agricole est confronté à un défi majeur : assurer sa pérennité et sa compétitivité dans un contexte de stress hydrique croissant. Pour trouver des alternatives à cette équation, les agronomes appellent à repenser le modèle agricole du pays, en tenant compte des impératifs écologiques, économiques et sociaux. Il faudra également renforcer la coopération entre les différents acteurs, publics et privés, pour une gestion intégrée et durable de l’eau.