Séisme au Maroc : Le choix judicieux de la planification et de l’organisation avant l’action

Par Hassane Saoud (*)

Notre pays a subi une calamité naturelle inédite dans les annales de son histoire, au regard de son ampleur en terme de brutalité, d’ampleur géographique et de la dimension des dégâts humains, infrastructurels et de conséquences psychologiques sur les populations sinistrées.

Mon propos consiste ici à éclairer sur la signification de certains concepts définis par la «  crisologie » qui fait la distinction entre la crise sureté provoquée directement par l’action humaine tel que le terrorisme par exemple, et de sécurité qui concerne les catastrophes naturelles quelles qu’elles soient ; La jonction des deux est désignée cirse de « sureté –sécurité » dont l’approche est différente en terme d’évaluation  et d’organisation de la riposte.

Cet événement tragique est brutal, aléatoire  a pour fonction immédiate un effet majeur de désorganisation aussi bien des services publics (qui ne bénéficient malheureusement pas de ‘’ l’immunité sismique’’) dont les structures humaines et les édifices ont été entamées que de la population  qui en plein sommeil est démunie face à l’imprévisible, paralysée par ce cataclysme inattendu et livrée à son sort avant l’intervention des services publics eux mémés astreints à la difficulté du moment et à la difficulté d’accès de nuit aux territoires sinistrés épars et éloignés.

 Fort heureusement les mécanismes de crise dans les chefs lieux des Régions et des provinces, mis en œuvre dés l’alerte ont pu se déployer le lendemain pour venir en aide à une population traumatisée par l’ampleur des dégâts humains et matériels subis.

L’approche stratégique du Maroc : ‘’doucement, je suis pressé’’ Talleyrand.

Le Maroc qui a connu des crises de sureté- sécurité multiples et variées a accumulé une expérience et une expertise non négligeables sur lesquelles il capitalise en terme d’institutions , de structures , d’outils et de mécanismes rodés ,dont le déclenchement  est automatique dans le temps et dans l’espace avec des ressources humaines et matérielles dédiées , une organisation stratégique nationale et des structures territoriales de gestion de crise mises en œuvre dés  le déclenchement de l’alerte. 

Le Maroc est un pays organisé, structuré et capable de faire face à l’urgence dans l’ordre et la bonne organisation ; la constitution du Royaume entr’autres institutions a créé le conseil supérieur de la sécurité qui dispose dans son article 54 :   «  Il est créé  un conseil supérieur de sécurité en tant qu’instance de concertation sur les stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de crise. Le conseil veille également à l’institutionnalisation des normes d’une bonne gouvernance sécuritaire.

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Le Roi préside ce conseil et peut déléguer au chef du Gouvernement la présidence d’un réunion sur la base d’un ordre du jour déterminé ». ……….

La  séance de travail présidé par Sa Majesté le Roi  samedi 8 septembre est la traduction de cette disposition pour le point de situation, les mesures d’urgence appropriées, et les actions à court et moyen terme au profit des populations sinistrés.

Une cellule interministiélle de gestion de crise dont le ministère de l’intérieur est le coordonnateur est mise immédiatement en œuvre dés le déclenchement de l’alerte pour le suivi de la situation remontée du terrain, les besoins en renforts humains et matériels dont l’emploi rationnel est la garantie de réussite face à cet imprévu douloureux.

Parallèlement, les cellules régionales, provinciales et locales concernées se sont mobilisées pour faire face à cette tragédie ou l’organisation est le seul gage de réussite ; La coopération interrégionale et l’intégration du monde associatif dédié a constitué une valeur ajoutée à cette entreprise dont les maitres mots sont l’harmonie, la coordination, la complémentarité des compétences  la synergie et la mutualisation des moyens.

A- l’échelon stratégique :

Au niveau national, le 9 septembre, la première réunion de la cellule de crise présidée par le souverain  avec les acteurs concernés  a eu pour objet  les mesures d’urgence à même de répondre à la catastrophe par le déclenchement des moyens de sauvetage et d’évacuation des blessés, ainsi que le déploiement des moyens stratégiques nationaux en appoint des moyens mis en œuvre sur les territoires (hôpitaux médico-chirurgicaux avancés, moyens terrestres et aériens , d’ébergement, des unités d’intervention spécialisés .. etc. ..). Par ailleurs, un fond spécial dédié a été ouvert et suscite toujours un engouement de solidarité inédit des citoyens et des organisations nationales et étrangères.

La visite royale aux blessés, témoignage de la compassion et de l’empathie royale à l’endroit des blessés nationaux et étrangers dans les établissements hospitaliers pour s’enquérir de leur état, et de la qualité de prise en charge a été  un booster de résilience collective rarement vu ailleurs.

Une deuxième réunion consacrée à l’activation du programme d’urgence pour le relogement provisoire des sinistrés et leur prise en charge, l’octroi d’aide financière d’appoint, l’octroi de statut de pupilles de la nation aux orphelins et autres mesures sociales sont venus compléter la feuille de route de court  terme préconisée par le souverain.

Une troisième réunion présidé par SM le Roi le 20courant est dédiée aux mesures à long terme ; elle dédiée à la reconstruction et la mise à niveau dans les provinces affectées par le séisme. Un budget quinquennal de 120 MMDH a été consacré et repose sur ‘’le bon diagnostic, la rapidité, l’efficacité, la rigueur et des résultats probants’’ et dans le crédo doit être la bonne gouvernance,  l’inclusivité et la concertation. Cette réunion est tombée à point nommé pour rappeler les préconisations royale relatives à la ‘’ réduction des disparités spatiales et sociales ‘’ réitérées à maintes reprises.

B-L’échelon opérationnel : Le plan ORSEC.

Les cellules territoriales de gestion de crise revêtent un caractère automatique  et spontané de déclenchement dés l’alerte ; Les premières remontées d’information  ayant permis une évaluation provisoire  de la nature et de l’ampleur des dégâts, les moyens urgents d’accès aux zones sinistrées, de sauvetage, de secours et le choix des implantations des services dédiés au plus prés des populations. Coordonnées par les walis et les gouverneurs, ‘’représentants du pouvoir central’’ (Art 145 de la constitution) la cellule de crises adapte les dispositifs à la nature de la calamité en terme de déploiement et d’action sur les territoires touchés. La cellule travaille sur des dossiers préétablis  des ressources humaines et matérielles des services de sécurité, des départements techniques, des collectivités territoriales et du secteur privé (réquisitionnable au besoin)  consignés et actualisées au fur et à mesure. Par ailleurs les scénarios plausibles, l’historicité des calamités, les retours d’expériences et les exercices de simulation procurent aux acteurs de crises les automatismes et les interactions nécessaires pour plus de coordination et de fluidité dans la gestion. Par ailleurs La coopération interrégionale et les moyens  stratégiques de l’Etat central  apportent un renforcement capacitaire adéquat 

Aux acteurs publics locaux touchés par le séisme pour être à même d’affronter l’incertitude, la difficulté du terrain et la complexité du travail de secours et d’aide immédiate aux populations sinistrées.

Les Forces Armées Royales sur tous les fronts.

Présentes sur le champ de la défense de l’intégrité territoriale du Maroc depuis un demi siècle et dans les contingents des opérations de maintien de la paix bien, elle est présente sur le terrain des catastrophes naturelles aux cotés de ses consœurs de la sécurité et de la défense civile dans la noble mission de protection des personnes et des biens. Capitalisant sur ses moyens stratégiques importants et sa capacité de projection, son expérience nationale et internationale, elle apporte une valeur ajoutée au cadre coordonnée de gestion de crise en milieu dégradé et désorganisé. Ses composantes (Gendarmerie, santé, sociale, Genie, unités cynophiles, intendance etc…) ont démontré leur propension d’intégration et d’acculturation au travail collectif suscitant ainsi le respect et l’admiration de leurs partenaires et de la population.   

La culture de crise : Le label Maroc.

Toute une littérature a été produite dans ce domaine, j’en retiens ceci : « la culture de crise est un ensemble de connaissance de savoir être, penser ,sentir agir et formaliser dans un domaine plus ou mois particulier, acquises , partagés par une pluralité d’acteurs qui servent à former un groupe identifiable, solidaire, homogène et apte à faire face à une situation dégradée, inhabituelle, inattendue et causant la rupture du système d’une organisation ».

Cela s’appelle aujourd’hui le management des crises qui allie les ressources humaines et matérielles, les organisations, les systèmes au profit  d’une population en situation de détresse en grande attente accentuant ainsi la complexité de l’exercice. Le concept de résilience, ‘’capacité à surmonter un choc traumatique important et revenir à une situation normale ou tout au moins acceptable’’ prend tout son sens. Le choix des acteurs aussi bien à l’échelon stratégique que territorial ont privilégié la mise au point de la situation, son évaluation et analyse avant la projection ordonnée des moyens au matin sur les lieux des sinistres. Ce travail en amont a permis de raccourcir les délais et gagner en efficacité. 

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L’aide internationale : Les pays amis proposent, le Maroc dispose en toute souveraineté.

 Il s’agit d’un chantier stratégique qui relève de la souveraineté de l’Etat ; l’évaluation des besoins, leur nature, les modalités pratiques d’arrivée et de dispatching  nécessite toute une organisation logistique pointue.  un élan de solidarité, de plus d’une soixantaine de pays ayant manifesté leur disposition à apporter leur concours  humain et matériel que le Maroc n’a pas refusé, mais devait auparavant  en pays structuré déterminer la nature des besoins (hors moyens intrinsèques non négligeables) et sur un critère rationnel de compatibilité des moyens  et de l’interopérabilité des systèmes seul gage de réussite des actions d’urgence. Les pays choisis répondent à cette exigence technique que certains ont politisé et géopolitisé outre mesure, alors que les résultats en terme de professionnalisme et de performance sur le terrain ont démontré la pertinence du choix fait sur la base d’une planification minutieuse, sans  improvisation, ni de confusion entre la vitesse et  la précipitation.  Winston Churchill avait raison de dire que la ‘’ meilleure improvisation est celle qui se prépare avant’’ et donc en situation de crise il n’y a pas de place pour la « pifométrie » ou le «  belmize » comme il se dit dans nos contrées.

Il est regrettable que ceux qui nous reprochaient pendant le séisme d’Al Hoceima l’embouteillage,  le cafouillage et la rapidité sont ceux là mêmes qui en ‘’détenteurs de la science infuse’’ nous font le procès contraire à cause du choix d’autres intervenants. Il faut rappeler au demeurant que  c’est en période de crise, que la planification, l’organisation et la coordination rigoureuses sont  la condition sine qua non  à la réalisation de la performance.

En guise de conclusion, le Maroc a fait le choix de gérer cette crise avec ses moyens et une aide internationale ciblée pour des raisons de cohérence et de rationalité. Au stade des opérations le challenge est de mon point de vue gagné ; Il reste néanmoins l’enjeu de la stabilisation et surtout de la reconstruction dont le souverain a tracé les contours et les modalités.

La gestion marocaine de cette crise me rappelle Hervé Couteau -Bégarie, stratège de grande renommée qui pense que ‘’ la force est de l’ordre de l’addition, la puissance est de l’ordre de la multiplication ; La force est de part et d’autre quantitativement dénombrable, la puissance se caractérise par la manière dont on utilise les forces disponibles, elle dépend de la volonté des hommes qui servent ses forces’’. Visiblement le souverain a fait le choix de la puissance multiplicatrice portée par des institutions solides ; des ressources humaines pétries de compétences et d’abnégation et un peuple résilient, solidaire et généreux dans la difficulté.  

(*) Hassan Saoud est un Analyste en stratégie et en géopolitique, chercheur associé de l’IRES

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