Séisme au Maroc : Une opportunité pour retrouver nos marques
Par Hubert Seillan (*)
Alors qu’un séisme d’une rare violence vient de toucher le Maroc, Il nous faut l’admettre, la France et le Maroc ne partagent plus le pain comme pendant plus d’un siècle. Ce pain qui était façonné par d’innombrables communautés d’idées avait permis aux deux nations de s’exprimer bien souvent d’une seule voix, sur les sujets d’importance. Ce patrimoine culturel s’est rétréci. Leurs relations sont plutôt tendues, l’écoute fait défaut et les attitudes de chacun dans son rapport à l’autre et au monde, sont de plus en plus individuelles.
Les actions mécaniques du contexte mondial, politique, économique et social favorisent les nationalismes égoïstes plus que les solidarités. Pourtant la France et le Maroc sont étroitement réunis dans une communauté culturelle, économique et sociale très ancienne et généreuse.
Deux interrogations surviennent.
Pourquoi cette communauté a-t-elle perdu de sa vigueur ?
Cette catastrophe ne pourrait-elle pas être une opportunité de rassemblement ?
Les facteurs sont de trois ordres : le corpus identitaire de chacun des deux pays, les liens qui les unissent et le monde extérieur.
Nos sociétés de l’instant perdent régulièrement de vue les marques du temps. Ainsi la substance des événements et des actes antérieurs, est souvent méconnue.
Mais, lorsque les fondations et les constituants de cette communauté sont éclairés par la preuve des faits et des actes, on constate alors l’existence d’une formidable unité entre les deux peuples. C’est ce qui vient de se passer avec le séisme de Marrakech, ce 9 septembre.
Le mot communauté est fort. Il demande de faire la balance entre ce qui est commun à un groupe ou plus exactement à tous ceux qui le constituent, et ce que sont ses différences, du moins sur les sujets qui importent. Il nous apprend alors que la voix de l’un peut aussi devenir la voix de tous ou du moins comme ici, la voix des deux.
Certains encore pourront dire qu’il s’agit d’un idéal fondé sur la foi, d’une utopie. Mais rappelons que sans idéal, le but disparaît et les décisions s’éparpillent et s’affaiblissent dans des objectifs particuliers.
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L’opportunité semble avoir été comprise. La catastrophe qui endeuille le Maroc est en train de donner naissance à un retour porteur de solidarité de la part de la France. Son réflexe fut immédiat, exprimé avec clarté et fermeté. Dans le malheur des Marocains, les Français retrouvent l’esprit de camaraderie du sang partagé en 14-18 et en 39-45, l’amitié liée au temps qui passe, et à un très grand partage culturel.
Ce long passé a frappé leur cœur et leur a fait comprendre que leur futur se profile derrière eux.
La douleur partagée ravive les mémoires, rassemble, pacifie, et est parfois une source de civilisation.
Les plus petites différences fragmentaires, ces brisures, ces ruptures sociales, ces conflits, trop souvent mis en exergue par les médias et les analyses sociales, semblent balayés par l’événement.
Ces observations ont valeur de leçon pour l’histoire et l’avenir des deux pays, en unissant leurs destins.
Il apparaît que si la France et le Maroc présentent bien des différences, les forces de l’esprit comme celles du passé, font constater que bien plus de valeurs communes les rassemblent.