Sénégal-Nigéria, Algérie : « Vox Populi, Vox Dei »
Hassan Alaoui
Des élections présidentielles sont venues cette dernière semaine du mois de février nous confirmer tour à tour que, peut-être, la démocratie n’a pas entièrement perdu ses attraits en Afrique. Et même, devrait-on dire, elle a de beaux jours devant elle.
Au Sénégal d’abord où le président Macky Sall vient de remporter les élections haut la main avec quelque 58% au premier tour, de quoi faire pâmer d’envie bien d’autres candidats en lice dans d’autres pays. Au Nigéria ensuite qui a vu la réélection de Muhammadu Buhari avec un score de 56%, qui n’en est pas moins honorable dans un Etat-Continent multiethnique de près de 200 millions d’habitants qui regorge de gaz et de pétrole, confronté au terrorisme islamiste du Boko Haram.
Il y a quelques semaines également, la République démocratique du Congo (RDC) a connu le renouvellement de son président et , nolens volens, accueilli malgré de violents soubresauts un nouveau chef d’Etat, Felix Tshiskedi , lui-même fils de l’ancien opposant Etienne Tshiskedi. Son élection controversée , fruit d’un deal politique avec Joseph Kabila, a certes fait couler beaucoup d’encre. Mais elle procède d’une volonté de mettre un terme à un long imbroglio qui remonte, en fait, à l’assassinat en 2001 de Laurent-Désiré Kabila, dit le « tombeur de Mobutu ».
En avril prochain, les électeurs algériens éliront ou rééliront leur président de la République, suivis des Tunisiens, des Mauritaniens et des Libyens. Est-ce à dire que le vent de la démocratie souffle désormais sur un continent longtemps considéré comme le grand fief des dictatures et de la gabegie ? L’Afrique semble nous dispenser une leçon de démocratie. Pour autant, le cas de l’Algérie, et notamment l’hypothèse d’un 5ème mandat annoncé officiellement de Bouteflika ne nous interpelle pas moins. Il tranche avec celui des candidats subsahariens qui s’inclinent devant la responsabilité morale et la nécessité du changement, devant les urnes à vrai dire.
En prenant les commandes de l’Etat en 1999, un ton hautain et sûr de lui, Bouteflika jurait devant les journalistes qu’un candidat frappé d’une quelconque incapacité physique ou morale – on n’ose pas dire ici d’une totale paralysie – devrait abandonner la partie, au nom du principe sacré de l’alternance et de la vérité. La parole donnée, qui plus est devant la presse internationale, séduite par un président algérien tout à son habituelle opération de charme, lui est à présent jetée sur la figure. Sauf miracle, son obsession du pouvoir, contredira ainsi la belle rhétorique de 1999… Il reste que les autres pays d’Afrique, conviés à connaître des changements sont également interpellés et ne peuvent plus échapper au verdict populaire.
Les urnes sénégalaises, nigérianes et même congolaises viennent nous donner le ton, nous nous en réjouissons, alors que – en dépit du bon sens – le processus de succession en Afrique du sud s’est inscrit quant à lui dans une lamentable tradition stalinienne. En revanche l’avant-goût d’une terrible tragédie algérienne commence à nous pendre au nez, avec un haut le cœur d’autant plus rampant que l’inquiétude chevillée au corps et la certitude de funestes tournant gagnent manifestement le peuple . Autour du président Bouteflika, se noue une tragédie digne de Caligula. Et le reste des pays d’Afrique s’interrogent sur cette tache noire qui semble fausser l’irrésistible et difficile marche vers la démocratie. Enfin, comme qui dirait l’autre c’est le contraire de cette « Vox populi, Vox Dei »…