Près de 7 millions de Marocains dépendent des ressources forestières
Dans l’ombre des cèdres et des chênes-lièges qui peuplent les forêts du Maroc, une lutte silencieuse mais acharnée se joue. Chaque année, environ 12 000 crimes forestiers sont signalés, un chiffre alarmant qui met en lumière la vulnérabilité de ces écosystèmes vitaux. Abderrahim Houmy, directeur général de l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF), a récemment mis en exergue cette problématique lors d’une journée d’étude à Kénitra, dédiée à la lutte contre la délinquance forestière.
Les forêts marocaines constituent un lieu de lutte acharné entre prédateurs et autorités publiques. Ainsi, les rapports de ces crimes sont méticuleusement transmis aux tribunaux du royaume, dans un effort de préservation de ce patrimoine naturel. La collaboration entre l’ANEF et diverses entités, dont l’Agence nationale de sécurité (DGSN), est cruciale pour contrer les méthodes toujours plus sophistiquées des criminels. Houmy insiste sur la nécessité d’une coordination accrue et d’un partage efficace des données pour une protection optimale des forêts marocaines.
L’ANEF n’est pas démunie face à cette menace ; elle dispose d’une police forestière compétente, chargée d’identifier et de sanctionner les infractions. Cette force est un pilier de la stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 », initiée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette stratégie ambitieuse vise une réforme en profondeur du secteur, tant sur le plan institutionnel que législatif.
Les nouvelles législations en préparation, axées sur la protection et le développement durable des forêts, promettent de réguler avec plus de rigueur la gestion de ces espaces. Le Maroc, doté d’un patrimoine forestier d’environ 9 millions d’hectares, reconnaît l’importance écologique, sociale et économique de ses forêts.
La journée d’étude organisée conjointement par la DGSN et l’ANEF a été l’occasion de souligner les efforts consentis dans la répression de la criminalité forestière. Les discussions ont abordé l’état actuel des forêts marocaines, leur rôle dans l’économie nationale, les défis auxquels elles sont confrontées, mais aussi les opportunités à exploiter.
Sur le plan foncier, la majorité des formations forestières et paraforestières sont domaniales, couvrant environ 13 % du territoire national. Le taux de boisement, estimé à 9 %, reste inférieur à l’optimal de 15 à 20 % nécessaire à l’équilibre écologique. Pour pallier ce manque, la stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 » prévoit un programme de reboisement ambitieux, avec l’objectif de planter 600 000 hectares de forêts, soit une moyenne de 60 000 hectares par an, pour atteindre 100 000 hectares à l’horizon 2030.
Malgré ces initiatives, l’exploitation économique des forêts marocaines reste modeste, surtout en comparaison avec d’autres pays méditerranéens. Seulement 13 % des ressources forestières sont utilisées, laissant une marge considérable pour une valorisation accrue.
La forêt marocaine est intimement liée à la vie des citoyens. À ce jour, 50 % de la population rurale, soit près de 7 millions de Marocains, dépendent des ressources forestières pour leur subsistance.
Les forêts face aux promesses économiques
Dans un rapport intitulé « Les écosystèmes forestiers du Maroc : risques, défis et opportunités », le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a mis en lumière la situation précaire mais prometteuse des forêts marocaines. Adopté à l’unanimité lors de la 141ème session ordinaire de l’Assemblée Générale du CESE le 29 décembre 2022, le document révèle que les zones forestières, principalement situées dans les régions montagneuses, représentent 13 % de la superficie nationale.
D’un point de vue économique, les forêts contribuent à 1,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) national et génèrent environ 10 millions de journées de travail annuelles, équivalent à 50 000 emplois permanents. Le secteur forestier répond à 30 % des besoins en bois d’œuvre et d’industrie, fournit 17 % de l’alimentation du bétail et représente 4 % de la production mondiale de liège.
Cependant, le CESE alerte sur une menace grandissante : la dégradation continue des écosystèmes forestiers, à hauteur de 17 000 hectares par an, principalement due aux changements climatiques et aux pressions anthropiques. L’absence d’offres écotouristiques adéquates, l’exploitation excessive du bois de chauffage (3 millions de tonnes annuellement) et la surexploitation des pâturages menacent la pérennité de ces ressources naturelles.
En réponse à ces problématique, le gouvernement a lancé en 2020 la stratégie ambitieuse « Forêts du Maroc 2020-2030 ». Cette initiative vise à renforcer les efforts de conservation et de valorisation des forêts, engagés depuis plus de trente ans. Elle aspire à la réhabilitation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes forestiers. Bien que les premiers résultats de cette stratégie soient encourageants, une évaluation objective de son impact sur le secteur forestier reste prématurée à ce stade de son déploiement.