Par Hassan Alaoui
Depuis 1975, le gouvernement algérien joue officiellement un scénario machiavélique. Celui des séquestrés des camps de Tindouf, dont la majorité recueillis manu militari par l’armée algérienne dans le Sahel sont tout pour la plupart sauf sahraouis. Une mystification à géométrie variable destinée à grossir leur chiffre, pour bénéficier des soutiens divers, notamment de l’Union européenne et de diverses ONG et les utiliser comme les objetsd’un chantage international…
Il y a un peu plus d’une vingtaine d’années, nolens volens, j’avais été l’un des tout premiers à alerter sur un phénomène – devenu aujourd’hui une grave tragédie humaine – sur lequel, hormis mon ami historien militaire, feu Mohammed Boughadi – ni la communauté internationale, ni les Nations unies, encore moins le gouvernement algérien ne voulaient communiquer. Et pour cause ! Il s’agit du statut des dizaines de milliers de prisonniers – marocains – détenus dans les camps de Tindouf Lahmada. Ce que j’ai appelé depuis toujours les « séquestrés » de Tindouf, et non les « réfugiés » comme la propagande algérienne et ses stipendiés les dénomment, qui constituent à vrai dire une population bigarrée, avec diverses origines ethniques, recueillie au fil des années par l’armée algérienne depuis les années quatre-vingt, au lendemain de la Marche verte.
En 1974, l’ONU recense 73.000 habitants au Sahara
En 1974, année cruciale pour le Royaume du Maroc, le Roi Hassan II avait décidé et annoncé lors d’une conférence de presse qu’elle serait « l’année de la campagne internationale pour la libération du Sahara ». Visionnaire, mais lassé également des tergiversations du général Franco et des tripatouillages d’un Boumediene subitement surgi dans le cadre et le face-à-face maroco-espagnol, « cheveu sur la soupe » plus qu’inopportun, Feu Hassan II entendait y couper court, conscient de la collusion entre les deux adversaires proclamés du Maroc : Boukharrouba alias Boumediene et le Caudillo, ganache en fin de vie. Le Roi Hassan IIannonça dans la foulée sa décision de soumettre la question du Sahara marocain à la Cour internationale Justice (CIJ) en lui demandant son arbitrage.
Légaliste jusqu’au bout des ongles de par sa culture et son éthique, il entendait prendre à témoin la communauté internationale et mettre au pied du mur aussi bien Madrid qu’Alger, deux régimes que pourtant tout opposait, mais qu’un Pacte faustien unissait au point de les confondre dans leur forfaiture. En 1974, le « Sahara occidental », sous domination espagnole effective depuis 1934, comptait quelques baraques de fortune en guise d’habitations abritant les fameux Tercio, armée d’occupation espagnole. Il comptait également à tout prendre un peu plus de 70.000 habitants, demeurés et attachés au territoire, dont beaucoup rescapés de la sinistre opération militaire Ecouvillon engagée par l’Espagne et la France en avril 1958, lancée conjointement par les armées des deux pays pour mater le soulèvement des Aït Bâamrane. Beaucoup de citoyens du Sahara – et c’est un aspect crucial de cette affaire – avaient alors fui la répression et quitté le territoire occupé pour s’installer qui à Agadir, à Sidi Kacem ( tribu Ouled Dlim) ; qui à Tétouan et dans le nord ( Lâaroussyine ), à Casablanca, à Meknès, etc…
En 1974, les Nations unies , dans la perspective d’un éventuel référendum, avaient organisé un recensement des populations et conclu à l’existence de quelque 73.000 habitants. Ni plus, ni moins. Une année plus tard, au lendemain de la proclamation le 15 octobre 1975 de l’Avis de la Cour de La Haye affirmant l’existence « des liens juridiques et historiques des populations du territoire avec le Royaume du Maroc », le Roi Hassan II lança la Marche verte qui a mobilisé, Coran à la main comme seule arme, le 7 novembre 350 000 volontaires marocains. Boumediene, la rage à peine contenue, mobilisa des troupes de son armée, l’ANP, camouflées en plein Sahara, non loin de Lâayoune, à Amgala notamment – où fut rendu prisonnier le capitaine d’alors Saïd Chengriha – avec la consigne d’intervenir militairement en cas d’affrontements entre les marcheurs et les Tercio espagnols, pour soutenir bien évidemment l’armée espagnole de Franco.
L’accord tripartite de Madrid, une reconnaissance officielle espagnole
Une partie diplomatique s’était alors engagée entre le Maroc et l’Espagne, marquée par des aller-retoursdes délégations des deux pays entre Agadir où feu Hassan II s’était installé et le gouvernement espagnol. Agonisant, le général Franco avait rendu l’âme le 19 novembre, cinq jours seulement après la signature le 14 du même mois de l’Accord tripartite de Madrid entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie. Une autre et nouvelle page était ouverte, favorisée par l’instauration de la démocratie en Espagne sous le Roi Juan Carlos et Adolfo Suarez, son président de gouvernement. Cet accord, on l’a dit, concrétisait la décolonisation du Sahara par l’Espagne et l’ONU, parce que négociée directement entre la puissance coloniale de l’époque et le pays ayant-droit, le Maroc, comme le stipule la Charte des Nations unies. Et répondant en particulier et de manière conforme à la fameuse Résolution 1514 des Nations unies sur la décolonisation adoptée en 1960, bien avant la création de l’Algérie…
A l’automne 1975, commença alors une « guerre » multiforme non signée, tantôt déguisée, tantôt ouverte contre le Maroc menée par le gouvernement de Boumediene. Ce dernier dévoila son jeu, et les prix du pétrole s’envolant, il crut mettre à genoux le Royaume du Maroc. Au Sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) tenu en 1980 à Nairobi (Kenya), le Roi Hassan II, se prêtant aux sollicitations de certains chefs d’Etat africains de l’époque, accepta le principe d’un référendum au Sahara, non sans préciser qu’il s’agirait d’un « référendum confirmatif » ! Des listes de potentiels votants au sein des populations sahraouies devaient être établies aux fins de la consultation majeure prévue d’un commun accord. Le polisario, aux ordres des militaires algériens, crut s’opposer – en vain – aux listes livrées par le Maroc, confirmées, authentifiées par les Chioukhs et chefs de tribussahraouies. L’opposition par le polisario et l’Algérie à cette liste constitua la première entorse, le coup de dague porté par le gouvernement algérien au balbutiant processus de règlement. D’autres viendront illustrer une irascible mauvaise foi, voire un sabordage en bonne et due forme de ce même processus.
Les manœuvres dilatoires d’Edem Kodjo
Le gouvernement algérien n’a eu de cesse de surfer sur ses prétendus succès au sein de l’OUA, dirigée alors par un véreux secrétaire général, corrompu jusqu’aux bouts des ongles, togolais de son état et dénommé Edem Kodjo. D’une manœuvre dilatoire à une autre turpitude, métamorphosé en suppôt d’Alger il finira par écœurer le Roi du Maroc qui décidera par claquer en novembre 1984 les portes de l’organisation panafricaine, demandant à Réda Guédira son Conseiller, de lire un message homérique devant les participants au Sommet d’Addis Abeba.
Or , le Roi Hassan II, présent au précédent Sommet de l’OUA réuni à Nairobi en 1980, avait plus ou moins officiellement, bon gré, mal gré, accepté le principe de référendum, acculant ainsi l’Algérie à ses ultimes retranchements. Mais cette dernière s’engouffra dans son hostilité, opposa une fin de non recevoir aux listes des électeurs pour le « référendum » proposées par le Maroc, d’autant plus légitimes et justifiées qu’elles étaient documentées , répertoriant minutieusement les origines des tribus, qui mettaient en revanche le pouvoir algérien au pied du mur. Tant et si bien que le fameux « référendum d’autodétermination » réclamé à cors et à cris par le pouvoir militaire algérien n’eut jamais lieu, pour cause de sabotage par ce dernier. Le projet mort-né de référendum sera qualifié plus tard « d’illusion » par Peter van Walsum, alors émissaire de l’ONU et sera enterré, Bouteflika exigeant la tête de ce dernier au sein du Conseil de sécurité…
Séquestrés et non réfugiés
Entre autres manœuvres dilatoires , Alger rejeta les originaires du Sahara partis dans les années cinquante et soixante s’installer au nord, dans le Maroc et qui avaient, qui ont plus qu’une légitimité reconnue à prendre part au vote éventuel. Force nous est de mettre en exergue ce que j’avais appelé la plus grave supercherie de cette affaire, sur laquelle aussi bien les gouvernements de Chadli Bendjedid que de Zéroual et notamment Bouteflika avaient joué : depuis 1984, des sécheresses successives s’étaient succédées dans le Sahel, dans cette zone grise, ce faux no man’s land poussant des populations entières des quatre ou cinq pays de la région à la déshérence et à la transhumance, en quête de points d’eau cléments. L’armée algérienne qui sillonnait ces vastes espaces, les recueillait et les recherchait expressément, les embarquait manu militari dans les camps de Tindouf Lahmada , leur collait l’étiquette de « réfugiés » et les incorporait de facto aux populations amassées pour grossir le chiffre des prétendus sahraouis. Le scénario est accablant : après la Marche verte, ce sont seulement quelques centaines de sahraouis qui étaient embarqués de force par l’armée algérienne des provinces du Sahara vers Tindouf, dans des convois militaires. L’armée algérienne, en procédant à des rapts, en est devenue la kidnappeuse des populations errantes, elle a donc pris en otages par centaines des Mauritaniens, des Maliens, des Nigériens, des Libyens, des Tchadiens et des Soudanais…
Une « génération spontanée d’un Million de sahraouis »
Nous avons dit qu’en 1974, le recensement de l’ONU avait dénombré pas plus que 70.000 habitants au Sahara. C’est officiel. La quasi totalité d’entre eux sont restés dans le territoire après sa libération par le Maroc. Le gouvernement algérien et le polisario ,toute honte bue, n’ont pas hésité ces dernières années à déclarer le chiffre de 1 Million de « réfugiés » à Tindouf. C’est d’autant plus malhonnête que, même si l’on se fiait à cette fameuse « loi de la génération spontanée » des démographes , il faudrait plus que cinquante ans pour démultiplier le chiffre d’une population , estimée en 1975 à quelques milliers de personnes, chiffrée à plus de 1 million aujourd’hui…Sans parler que le soutien , notamment alimentaire fourni par des organismes internationaux divers est détourné par l’armée algérienne et ses produits débarqués dans les marchés mauritaniens…
Nous en sommes là ! La propagande algérienne ne cesse de fourvoyer les consciences. Des années durant, un appel constant avait été lancé et ressassé à celui qui a dirigé le HCR ( Haut commissariat aux Réfugiés), devenu ensuite secrétaire général des Nations unies : Antonio Guterres. Il connaît les tenants et aboutissants de cette tragédie pour avoir lui-même, à plusieurs reprises, sollicité en vain l’autorisation d’un Bouteflika afin d’accéder aux camps de Tindouf, procéder à un recensement véridique des populations et authentifier qui est sahraoui, qui ne l’est pas et ne l’a jamais été… Or, le HCR n’a jamais été autorisé à y mettre les pieds…Les conditions de vie de ces séquestrés, sur la foi de témoignages et de très rares images qui nous parviennent, décrivent un enfer, un calvaire que l’Histoire ne parvient jamais à décrire ni décrypter.
Nous disons de nouveau que les populations enfermées derrière les miradors de Tindouf ne sont pas des « réfugiés » comme la propagande algérienne s’efforce de les exposer mais des séquestrés. Ils sont les détenus de cette nouvelle Kolyma…et d’un goulag du temps soviétique qui ne dit pas son nom…