Société civile : quel engagement pour une action citoyenne solidaire?
Dossier du mois
Témoignages de membres actifs de la société civile et du monde associatif
Marouane Tassi, Juriste
La société civile, concept très familier de nos jours parmi les politologues et les philosophes, représente pour moi un domaine de transition autonome entre l’Etat et la famille, formé par des organisations séparées de l’Etat, qui varient entre des groupes d’intérêt « modernes » comme des syndicats de commerce ou des associations professionnelles et des « organisations traditionnelles » basées sur la parenté, l’ethnicité, la culture ou la religion. En d’autres termes, la société civile est un ensemble d’organisations formelles et informelles sans but lucratif et sans lien avec l’Etat. Elle est conçue comme un contre-pouvoir, une force de proposition, l’interface entre l’Etat et les individus.
A mon avis, en raison du désengagement de l’Etat, le rôle des organismes internationaux ainsi que le manque de crédibilité accordé au monde politique, les associations, les ONG, les Think Tank et les réseaux sociaux devraient se voir accorder un champ de compétence assez large et délimité afin de leur permettre de jouer leur rôle aux fins de leur mandat. Cependant, elles ne peuvent se substituer à l’Etat qui incarne une personnalité juridique souveraine, une entité avec laquelle, ils sont appelés à maintenir un dialogue constructif avec les autorités gouvernementales dans le cadre d’une politique de proximité et un climat de confiance. Il faudrait, à ce titre, rappeler la nouvelle constitution marocaine de 2011 qui prévoit de nouveaux rôles à la société civile, soit à travers la possibilité de contribuer indirectement dans le contexte de gestion de l’affaire publique « la possibilité de présenter des propositions au parlement, au gouvernement ainsi qu’à d’autres établissements publics », soit par l’établissement d’un nouveau conseil consultatif des jeunes qui aura pour mission de favoriser la participation directe des jeunes dans les domaines qui touchent au développement humain durable.
Les changements intervenus dans l’organisation populaire de notre pays ont remis en question les vieux schémas. Les formes d’organisation, les revendications et le degré de conscience des organisations de base ne cessent de se modifier, obligeant les ONG à repenser les modalités de leur travail. A mon avis, la société civile a résolument besoin d’assumer la tâche de dynamiser son rôle et, à partir d’une identité fondée sur un engagement éthique, contribuer à la construction des processus de dialogue et de concertation plurielle pour s’affirmer comme un contrepoids nécessaire aux pouvoirs public, économique et culturel. Dans les sociétés démocratiques, les individus ont la liberté de pouvoir s’organiser et de pouvoir mettre en place des stratégies orientées dans un but précis, chercher à améliorer une situation, défendre un intérêt commun à ces individus. Ces organisations sont de plusieurs ordres : ce sont des syndicats qui cherchent à défendre les droits et intérêts de leurs membres, ce sont des associations qui regroupent des individus autour d’une multitude d’activités, de pratiques, de valeurs ou de projets culturels ou sociaux. Ces groupes de pression ont une action particulière de mobilisation de la population et de la «mise sur l’agenda » politique de problèmes qui les concernent. Ils organisent des campagnes de mobilisation de l’opinion publique afin de faire pression sur le pouvoir politique. De ce fait, la société civile vient créer voire renforcer une démocratie représentative. D’une part, elle permettrait à des populations discriminées ou minoritaires de se faire entendre et de s’insérer dans le jeu politique. D’autre part, elle influencerait les pouvoirs publics au risque de voir les intérêts particuliers l’emporter sur l’intérêt général.
L’on peut ainsi conclure qu’une société civile bien organisée n’est qu’un signe d’une vitalité démocratique constituant ainsi un levier pour la démocratie. Dans ce cadre, elle jouerait le rôle d’un contre-pouvoir qui permet d’améliorer l’information des citoyens et d’améliorer leur représentation dans la sphère politique.
L’historique et la nature de la société civile au Maroc, qui depuis de longues années, était considérée comme une vie associative, ne lui permettent pas de jouir d’une indépendance quelconque. Le manque d’une bonne gouvernance dans la gestion administrative, l’incapacité économique et l’absence de l’autonomie financière, la défaillance d’encadrement, et de transparence, sont des facteurs qui nuisent à la crédibilité de la « société civile » au Maroc, et par conséquent dissuadent l’Etat d’exercer son pouvoir de contrôle sur le mode de gestion de certaines associations. A mon avis, ils s’agit d’une gouvernance légitime qui se justifie pleinement tant que certains acteurs de la société civile n’ont pas encore atteint leur maturité.