Souveraineté marocaine, orgueil hostile d’Espagne et aveuglement européen
Hassan Alaoui
Entre le Royaume du Maroc et le Royaume d’Espagne, rien ne semble plus aller. Jamais crise entre les deux pays
– Dieu sait qu’il en a existé… – n’a atteint ce niveau paroxystique. En moins de quatre semaines les deux pays ont , passifs et impuissants, assisté à une dégradation ahurissante de leurs relations qualifiées jusque-là de privilégiées voire d’exceptionnelles. Voisin géographique immédiat, l’Espagne est devenue depuis quelques années le premier partenaire économique du Maroc, détrônant la France et devenant ainsi l’incontournable investisseur dans divers projets, quelle que soit leur taille. Une actualité foisonnante – malheureuse pour nous – est venue altérer cette relation et ce partenariat, résultat d’une mauvaise foi à peine cachée du gouvernement socialiste de M. Pedro Sanchez.
La crise maroco-espagnole – la plus grave disions-nous – est survenue après que le gouvernement espagnol , en catimini, eût décidé d’accorder l’autorisation au mercenaire du polisario , Brahim Ghali d’entrer en Espagne, qui plus est sous un faux nom pour y recevoir des soins contre la Covid-19. Le Maroc considère à juste titre avoir été abusé et trahi par le gouvernement espagnol dont l’attitude, c’est le moins que l’on puisse dire, a été indigne, au regard des motifs d’inculpation dont le « Ben Battouche » fait l’objet.
Evidemment, en première ligne Arancha Gonzalez Laya, ministre des Affaires étrangères, s’est répandue en justifications qui ne tiennent pas la route et relèvent de la provocation, c’est sont rôle…Sauf qu’elle pêche par une mauvaise foi qui ne l’honore guère et encore moins son chef de gouvernement, Pedro Sanchez tenté par un populisme de mauvaise aloi. Et qui, comparaison n’étant jamais raison, nous fait regretter un leader socialiste du nom de Felipe Gonzalez ou même Jose Luis Rodriguez Zapatero, l’autre figure du même courant de gauche.
La crise entre Rabat et Madrid est bilatérale, ni plus ni moins. Elle a des motifs d’éthique, d’irrespect de la règle de partenariat et de voisinage, de violation des engagements par l’Espagne enfin. Que la furieuse marée de quelque 8.000 marocains vers Sebta soit venue lundi surprendre les autorités de Madrid, n’est que la dimension supplémentaire venue raviver un profond malaise entre les deux gouvernements. Nous aurions tort quant à nous de nous polariser sur cette irruptive flambée des candidats à l’émigration vite maitrisée, mais qui demeure un sujet d’angoisse pour l’Espagne et l’Union européenne. D’autant plus qu’il ne s’est agi là que de Marocains, les Subsahariens ayant été éloignés…
Le gouvernement de coalition espagnol n’a de toute évidence nullement mesuré les conséquences de sa décision. Il s’est laissé gagner par des considérations idéologiques et, emporté par l’emphase, sa ministre des Affaires étrangères, universitaire de son état, n’a en aucun cas pris en considération les règles basiques de la diplomatie qui commencent par le langage et la manière. Ni l’un ni l’autre chez cette honorable dame qui s’est cru jetée dans une arène donquichottesque de cape et d’épée.
A l’aune d’une crise profonde qui transcende la dimension diplomatique pour se transformer en conflit de souveraineté, le risque est de voir, comme l’a si bien souligné Mohamed Dkhissi, Directeur central de la Police judiciaire (PJ) , « l’Espagne devenir le plus grand perdant dans l’affaire »… Si évident que le constat nous semble, une réalité tangible : les chiffres de l’émigration, de l’avis même des dirigeants de l’Union européenne ont baissé , résultat d’une politique préventive dans laquelle le Royaume du Maroc joue un rôle plus que significatif. François Héran, professeur au Collège de France, autorité respectée en matière d’immigration, estime que « 70% des émigrés africains restent dans leur continent depuis 1990 ».
La transhumance étant la règle du monde moderne, l’émigration son « chemin de croix », ce qui s’est passé à Sebta n’a rien à envier à des épopées migratoires d’autres époques. Les siècles passés ont vu se déplacer des millions de personnes d’un continent à l’autre, se forger des nations tout entières. Pour ne citer que les Etats-Unis, ils sont le pays de l’immigration par excellence. Et le controversé « melting-Pot » constitue le résultat des brassages. Le mirage européen exerce un attrait considérable chez les jeunes Africains et maghrébins ; et plus l’Europe s’efforce de les contrôler et de les maîtriser, plus ils forceront les barrières et leur propre destin instinctif.
Jouant la carte de la transparence, le Maroc reçoit au titre de soutien de l’Union européenne des broutilles n’excédant pas les 400 millions de dollars tandis que la Turquie, au motif qu’elle accueille les réfugiés d’Irak et de Syrie, encaisse la bagatelle de pas moins de 3 milliards d’Euros. Et de surcroît relève le menton…Aujourd’hui, l’Union européenne, par la voix de quelques uns de ses responsables, la violence du ton aidant croit s’en prendre au Royaume du Maroc. Sans prendre de gants, ils « menacent » notre pays, oubliant tout simplement que le Maroc n’est plus l’obligé de qui que ce soit, qu’il s’est affranchi à la fois de du langage de complaisance et des obligations qui lui sont unilatéralement imposées. Avec l’Espagne, comme avec l’Allemagne, il joue la fermeté transcendantale , sa dignité et sa souveraineté. Rien n’est moins sûr, a contrario, qu’une normalisation rapide et conséquente entre les deux pays tant que l’Espagne, et au-delà l’Europe n’auront pas quitté leur orgueilleuse Tour d’ivoire et admis l’attitude préjudiciable commise à l’endroit du Maroc.