L’année 2016 aura été marquée à coup sûr par les grands et multiples discours et interventions du Roi Mohammed VI. Ils ont ponctué et continueront à poncturer l’activité politique, économique et sociale du Maroc, par leur fraîcheur, leur pertinence et, en particulier par leur ton. Un ton, on ne cessera jamais de le souligner, qui ne sacrifie ni à la rhétorique, ni à la langue de bois. Entre le discours célébrant le 40ème anniversaire de la Marche verte et prononcé à Lâayoune et celui de la Fête du Trône aujourd’hui, en passant par celui de Ryad le 20 avril dernier à portée internationale, un fil d’Ariane guide la pensée royale : enraciner notre pays dans la culture exigeante de la Réforme et du progrès, consolider le socle du développement économique et social, renforcer l’Etat de droit et promouvoir une citoyenneté consciente et responsable.
La Beiâa, pacte sacré entre la monarchie et le peuple
A ce faisceau de paradigmes, le Roi est demeuré attaché depuis l’avènement de son règne, en juillet 1999, il y a donc de cela dix-sept ans. Le Discours du Trône, qui est aussi le Message à la Nation retrace, en effet régulièrement et avec solennité ces différentes étapes de l’évolution du Royaume. Le Discours du Trône ne manque jamais de faire référence au concept de la Beiâa (allégeance) qui est à l’histoire du Maroc ce que l’âme respiratoire est à une vie, à un corps. Elle est l’acte constitutif de cette relation symbiotique entre le Roi et le peuple qui, au-delà de l’herméneutique qui lui sert d’explication, est la réalité organique du Maroc.
Un discours du Trône, d’habitude solennel et structuré sous forme de programme, c’est aussi l’occasion de rappeler avec force que le Roi est un militant engagé et le peuple son compagnon. Que leur relation est fondée, depuis la nuit des temps, sur une double fidélité réaffirmée au-delà du temps. La Beiâa est l’article fondamental du pacte monarchique qui transcende les époques et les hommes. L’activité et l’engagement du Roi découlent de ce principe incontournable. C’est la raison pour laquelle, d’emblée, le Roi Mohammed VI a tenu à évoquer « les liens indéfectibles de la Beiâa et de la parfaite symbiose qui nous unissent », affirmant sa « détermination à poursuivre le travail engagé pour concrétiser les aspirations légitimes du peuple ».
De ce fait, découle naturellement cette proclamation qui est une entrée en matière de l’allocution du Trône : « Ce que Je souhaite pour tous les Marocains, où qu’ils soient, dans les villages comme dans les villes, ou dans les régions enclavées et éloignées, c’est de faire en sorte qu’ils puissent mener une vie digne au présent, envisager l’avenir avec sérénité et confiance, vivre dans la sécurité et la stabilité constantes, en gardant à l’esprit que la jouissance des droits va de pair avec l’accomplissement des devoirs. ». Tout est résumé dans ce concentré d’objectifs multiples qui tiennent à cœur au Roi Mohammed VI.
Le Roi est au-dessus de la mêlée
Dans une sorte de cruelle lucidité, le Roi met en exergue les succès réalisés pendant ces dix-sept dernières années aux plans politique, économique et humain mais s’applique en revanche à souligner que « beaucoup reste à faire, surtout en cette période où nous sommes au seuil d’une nouvelle étape qui s’amorcera avec les prochaines élections législatives » ! Il prend soin dans la foulée de mettre les points sur les « i » , d’apporter un certain nombre d’éclaircissements devenus nécessaires et de mettre une sourdine à cette fâcheuse polémique qui voudrait nous faire croire que lui, le Roi de tous les Marocains, prendrait parti ou s’impliquerait dans cette bataille pré-électorale pour l’un ou l’autre des protagonistes. « Je suis le Roi de tous les Marocains, affirme-t-il, candidats, électeurs et aussi ceux qui ne votent pas. Je suis également le Roi de toutes les formations politiques, sans discrimination ou exclusion. Comme je l’ai affirmé dans un précédent discours, le seul parti auquel je suis fier d’appartenir, c’est le Maroc ».
Le propos qui suit est manifestement une mise en garde solennelle et grave : « La personne du Roi jouit d’un statut particulier dans notre système politique. Tous les acteurs, candidats et partis confondus doivent donc se garder de l’instrumentaliser dans quelque lutte électorale ou partisane que ce soit ».
Partant de ce constat, le discours royal aborde, actualité oblige, une autre dimension : celle de la moralisation politique qui interpelle les partis politiques en lice, majorité au pouvoir, opposition au seuil du pouvoir à la veille du scrutin législatif du 7 octobre prochain. « Nous sommes face à un tournant décisif pour remettre les choses à leur place, affirme le Souverain, en passant d’une étape où les partis se servaient des élections comme mécanisme d’accès à l’exercice du pouvoir à une autre étape où le dernier mot revient au citoyen qui soit assumer ses responsabilités pour ce qui est de choisir les élus et leur demander des comptes ». Là aussi, le Roi procède d’un terrible constat dont on peut affirmer que les derniers événements et notamment les vifs échanges entre partis de la majorité et ceux de l’opposition, cette « guerre de chiffonniers » pourraient avoir inspiré une telle mise en garde.
La démocratie n’ayant jamais constitué ni un jeu, encore moins un enjeu partisan, il s’est élevé avec force pour rappeler qu’en dernière instance, c’est le citoyen qui a le dernier mot ! Toutefois, ce dernier ne devrait pas céder aux sirènes des propagandistes, devrait également exiger des comptes sur les gestions et juger avec discernement les bilans, faire enfin preuve de lucidité pour effectuer le bon choix électoral. Il est en revanche une phrase du discours qui ne devrait pas passer inaperçue, tant sa réalité est immense : « Je lance un appel à tous les électeurs pour qu’ils écoutent leurs conscience et gardent à l’esprit l’intérêt de la Nation et des citoyens au moment du vote, loin de toute considération, de quelque nature qu’elle soir. J’invite également les partis politiques à présenter des candidats remplissant les conditions de compétence et d’intégrité et animés par le sens des responsabilités et le souci de servir le citoyen ». N’est-ce pas là le fond du débat qui agiterait de nos jours les uns et les autres ? Ne vit-on pas déjà cette problématique de compétences et de moralité des candidats ?
Le Souverain dénonce, tout à son exigence morale, les « pratiques contraires aux principes et à l’éthique de l’action politique », les « agissements et les dépassements graves commis en période électorale », appelle avec fermeté à « les combattre et sanctionner les auteurs » et dénonce non moins vigoureusement cette ambiance délétère où « tous, gouvernement et partis, électeurs et candidats perdent la tête et sombrent dans un chaos et dans des luttes qui n’ont rien à voir avec la liberté de choix incarnée par le vote » !
C’est peu dire que, excédé par un tel déferlement de manquement aux règles de la démocratie, par l’abrutissant aveuglément et la démagogie de partis rempilant et accrochés au pouvoir, le Roi dénonce à la fois une surenchère – pas seulement verbale – et une démagogie rampante. Celle-ci relève de ce que d’aucuns avaient instrumentalisé il y a quelques années en monopolisant le concept de « lutte contre la corruption », dont ils avaient fait leur cheval de bataille…Ils ne l’ont ni inventé, ce concept de lutte anti-corruption ni compris qu’il est d’abord l’affaire de l’Etat et de la société. Là aussi l’interpellation royale est sidérante : « La lutte contre la corruption ne doit pas faire l’objet de surenchères. Nul ne peut y arriver tout seul, qu’il s’agisse d’un individu, d’un parti, ou d’une ONG. Mieux encore, personne ne doit s’aviser de chercher par ses propres moyens à éliminer la corruption ou à redresser les travers, hors du cadre de la loi ».
Sur le volet économique, Sa Majesté le Roi a, comme d’habitude, insisté sur la notion de développement, « fondé sur la complémentarité et l’équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale ». De même, a-t-il assuré, « la volonté de relever les défis multiples et interconnectés en matière de développement, nécessite de la part de tous les Marocains, individuellement et collectivement, d’adhérer au combat économique décisif qui est en cours dans le monde ». La preuve par deux que l’économie nationale est en bonne voie – le taux de 4,5% avancé par le Wali de Bank al-Maghrib vendredi devant le Souverain en témoigne – c’est que de nombreux groupes internationaux nous font confiance. Malgré cela, le Roi a tenu à souligner non sans nuances « qu’en dépit des contraintes liées tantôt à la conjoncture internationale, tantôt à l’économie nationale, le Maroc, Dieu en soit loué, avance continuellement, sans pétrole ni gaz, mais bien grâce à la vigueur et au labeur de ses enfants »
Mettant en exergue la stabilité, l’attractivité et la dynamique de l’économie marocaine, la présence de la Chine et de Renault à Tanger, de la Russie et autres pays, soulignant le choix que beaucoup d’Européens font pour « immigrer » au Maroc, le Souverain a déclaré que « ces étrangers vivent en toute sécurité et en toute quiétude, sous la protection du Commandeur des Croyants ( Amir al-Mouminine) et la responsabilité de l’Etat marocain ».
L’hommage appuyé aux Services de sécurité et à leur sacrifice
Dans la foulée de ce constat, le Roi Mohammed VI a aussi souligné que le « maintien de la sécurité est une grande responsabilité qui s’étend au-delà du temps et de l’espace ». Et le Souverain d’enchaîner un hommage appuyé aux services de sécurité : « Je tiens à exprimer aux différents Services de sécurité notre considération pour les efforts inlassables et les sacrifices énormes qu’ils consentent dans l’accomplissement de leur devoir national. Je salue également l’efficacité qui caractérise l’action qu’ils mènent pour anticiper et mettre en échec les menées terroristes qui tentent désespérément d’effrayer les citoyens et de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre public » !
Comme prévenir ce qui pourrait s’apparenter à des dissensions – fréquentes dans beaucoup de pays – entre les différents services de sécurité, le Roi en appelle à une efficiente coordination : En effet, la sécurité du Maroc, dit-il, est un devoir national qui ne souffre aucune exception, pas plus qu’elle ne doit être l’enjeu de luttes byzantines ou l’objet de négligence ou de laxisme dans l’accomplissement du devoir qu’elle implique. Elle exige plutôt de l’émulation constructive dans la préservation de l’unité, de la sécurité et de la stabilité de la patrie. Il n’y a, en effet, aucun mal à ce que l’Etat soit fort de ses hommes et de sa sécurité, et que les Marocains soient mobilisés pour défendre les Causes de leur pays».
L’hommage est aussi celui rendu à nos services de sécurité, dont la compétence, l’efficacité et le savoir-faire sont désormais de plus en plus reconnus à l’étranger. Sa Majesté Mohammed VI le souligne en affirmant que « Sur le plan extérieur, la coopération et la coordination des Services sécuritaires de notre pays avec leurs homologues dans un certain nombre d’Etats frères et amis, ont contribué à déjouer de nombreux attentats terroristes et à épargner de grands drames humains à ces pays. »
La diplomatie, l’acte joint à la parole
Le champ de la diplomatie, dernier domaine sur lequel le discours du 30 juillet 2016 s’est penché, est celui d’un vaste déploiement ayant caractérisé cette année. Il se résume à trois grands axes : le Sahara, la crise avec Ban ki-moon et l’Union africaine (UA). Le Souverain l’a dénommée « Année de fermeté », il a d’autant plus vu juste qu’il en est le parrain et le façonneur de cette fermeté qui, on le dira avec conviction, nous avait manqué quelque peu dans le passé. L’acte Un aura été le discours prononcé à Lâayoune le 6 novembre 2015, qui préjugeait de la future attitude à la fois à l’égard du gouvernement algérien qui en a été secoué, des instances dirigeantes des Nations unies et de tous ceux qui complotent contre notre pays. Cette fermeté, ce ton sans appel et sans concession, le Roi les adoptera dans son discours prononcé le 20 avril devant les dirigeants des pays du CCG ( Conseil de coopération du Golfe) réunis en Sommet à Ryad. Ils ont conforté la décision, tout aussi royale, de remettre les pendules à l’heure avec la MINURSO qui a vu quelque 83 de ses membres expulsés du Maroc.
Avec didactisme, le Souverain a affirmé que « si certains ont tenté de faire de 2016 « une année décisive », le Maroc a, pour sa part, réussi à en faire « l’année de fermeté » concernant la préservation de son intégrité territoriale. En effet, forts de notre foi en la justesse de notre Cause, nous avons fait face, avec la plus grande fermeté, aux déclarations fallacieuses et aux agissements irresponsables qui ont entaché la gestion du dossier du Sahara marocain. Nous avons également pris les mesures qui s’imposaient pour stopper ces dérapages périlleux.
Le retour au sein de l’Union africaine et les avatars algériens
Et de lancer : Nous continuerons à défendre nos droits et nous prendrons les mesures nécessaires pour contrer tout dérapage à venir. Nous ne céderons à aucune pression ou tentative d’extorsion dans une affaire qui est sacrée pour tous les Marocains ». La fermeté royale nous a valu l’admirable méprise et la haine des responsables algériens peu habitués jusque-là à un langage de franchise et de fermeté. Avec la même rengaine, ils ont encore cherché à comploter contre le retour du Maroc dans l’Union africaine, approuvé à l’unanimité des Etats. En vain !
Comme le Roi Mohammed VI l’a affirmé dans le dernier volet de son discours du Trône , « le retour de notre pays à sa place naturelle traduit notre volonté de défendre nos intérêts et ceux de l’Union africaine, et de renforcer les domaines de coopération avec nos partenaires, tant au niveau bilatéral que régional. Il permettra, en outre, au Maroc de s’ouvrir sur de nouveaux espaces, surtout en Afrique orientale et équatoriale, et de conforter sa position en tant qu’élément de sécurité et de stabilité, et en tant qu’acteur œuvrant en faveur du développement humain et de la solidarité africaine. » C’est un discours fondateur que le Roi Mohammed VI a prononcé ce samedi 30 juillet à Tétouan. Il a l’ampleur kaléidoscopique , la profondeur intellectuelle et la force de l’audace.