Surpopulation carcérale : L’Observatoire marocain des prisons tire la sonnette d’alarme
L’Observatoire Marocain des Prisons a émis une alerte concernant l’écart croissant entre l’augmentation du nombre de détenus et le manque d’infrastructures adéquates. Selon l’Observatoire Marocain des Prisons, cette surpopulation carcérale met en péril la mise en œuvre efficace des programmes de réhabilitation et de réinsertion, soulignant ainsi l’urgence d’une réforme profonde du système pénitentiaire.
L’Observatoire Marocain des Prisons (OMP) a récemment lancé un appel d’urgence face à la situation critique des établissements pénitentiaires au Maroc. En effet, un écart alarmant existe entre l’augmentation du nombre de détenus et la capacité d’accueil des infrastructures pénitentiaires, ce qui mène à une surpopulation carcérale de plus en plus préoccupante.
Selon l’OMP, cette situation compromet gravement l’efficacité des programmes de réhabilitation et de réinsertion des détenus, et nécessite une réforme structurelle immédiate du système pénitentiaire. L’Observatoire met en évidence que la surpopulation des prisons affecte non seulement les conditions de vie des détenus, mais aussi leurs droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la santé, l’accès à un environnement de vie décent, et l’alimentation.
Dans son rapport annuel sur l’état des prisons et des détenus au Maroc en 2023, réalisé en partenariat avec l’organisation Avocats sans Frontières (ASF), l’OMP a une nouvelle fois alerté sur les difficultés rencontrées par les établissements pénitentiaires, exacerbées par une population carcérale en constante augmentation. Selon les chiffres rapportés par l’Observatoire, la population carcérale est passée de 86 384 détenus en 2019 à 102 653 en 2023, ce qui représente une augmentation de 18,83 % en quatre ans. Le rapport souligne aussi une croissance de 5,6 % de cette population entre 2022 et 2023, un chiffre qui illustre bien l’ampleur de la crise. Ce constat est corroboré par la Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR), qui a estimé le taux de surpopulation dans les prisons marocaines à 159 %, bien au-dessus des seuils acceptables pour garantir des conditions humaines de détention.
En outre, l’Observatoire a insisté sur le fait que, malgré l’ouverture de trois nouveaux établissements pénitentiaires qui ont permis d’augmenter la capacité d’accueil à 64 549 lits, l’espace alloué à chaque détenu ne dépasse généralement pas 1,74 mètre carré. Cette situation demeure insuffisante, d’autant plus que les normes internationales en matière de détention imposent que chaque détenu ait droit à un minimum de quatre mètres carrés dans une cellule collective. En effet, les règles minimales édictées par la Commission européenne pour les prisons stipulent qu’un détenu doit bénéficier d’une superficie de cette taille, en plus d’un accès à des installations sanitaires séparées pour garantir sa dignité. Par conséquent, l’Observatoire insiste sur le fait que la réalité carcérale au Maroc est largement inférieure à ces exigences.
Ce constat est d’autant plus inquiétant que l’Observatoire fait référence aux directives du Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui précise qu’une surpopulation carcérale se manifeste lorsque le nombre de détenus dépasse la capacité officielle des établissements. Un taux de surpopulation excédant 100 % est considéré comme problématique et peut entraîner des conséquences dramatiques pour la santé et les conditions de vie des prisonniers.
De plus, l’OMP considère qu’un taux de surpopulation de 120 % constitue une situation dangereuse, et plusieurs prisons marocaines dépassent largement cette limite. Par exemple, la région de Marrakech-Safi affiche un taux de surpopulation de 154,31 %, suivie de Rabat-Salé-Kénitra avec 146,33 % et Béni Mellal-Khénifra à 132,38 %.
L’OMP appelle à une révision des pratiques et à une réforme des conditions de détention
Face à cette situation alarmante, l’Observatoire a formulé plusieurs recommandations pour répondre à l’urgence de la situation et réformer en profondeur le système pénitentiaire marocain. L’OMP appelle à la mise en place de réformes urgentes pour garantir des conditions de détention respectueuses des droits humains fondamentaux. Il suggère notamment de réviser les procédures disciplinaires en prison pour respecter le principe de proportionnalité et garantir des droits d’assistance et de recours pour les détenus. De plus, l’Observatoire plaide pour un accès élargi à l’amnistie et à la libération pour raisons de santé, en particulier pour les détenus souffrant de maladies graves ou incurables. L’OMP souligne qu’un cadre juridique approprié pour ces libérations est indispensable pour éviter des abus et garantir une approche humaine de la justice pénale.
Par ailleurs, l’Observatoire a insisté sur l’importance d’améliorer les droits fondamentaux des détenus en général, en particulier leur accès à l’éducation. Les détenus doivent pouvoir bénéficier de programmes éducatifs, qui sont essentiels pour leur réinsertion dans la société après leur libération. L’OMP préconise également des mesures spécifiques pour protéger les groupes vulnérables, comme les détenus mineurs ou ceux souffrant de troubles mentaux. Ces populations ont des besoins particuliers qui doivent être pris en compte dans les politiques pénitentiaires.
L’Observatoire a aussi appelé à une approche plus participative dans la gestion des prisons, en impliquant des organisations non gouvernementales (ONG) dans les visites de prisons et en créant des mécanismes pour prévenir la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Ces visites sont un moyen efficace de surveiller les conditions de vie des détenus et de s’assurer que leurs droits sont respectés. L’OMP préconise ainsi une plus grande transparence et une meilleure coopération entre les autorités marocaines et les ONG locales et internationales.
Enfin, l’Observatoire a formulé des recommandations concernant la révision de la politique pénale au Maroc, en particulier en ce qui concerne la peine de mort. L’OMP a plaidé pour l’abolition de cette peine, qu’il considère comme une violation des droits humains fondamentaux, et a appelé à une augmentation du budget destiné à améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire. Cela inclut une meilleure formation des agents pénitentiaires et l’allocation de ressources suffisantes pour garantir la sécurité et le bien-être des détenus.