La Syrie lance une offensive sur Alep, nouvel échec de la diplomatie mondiale
L’armée syrienne a lancé jeudi soir une offensive majeure contre la partie rebelle de la ville d’Alep (nord), soumise cette semaine à un déluge de feu, sans que la communauté internationale réussisse à imposer une trêve des combats.
Alep est un objectif stratégique crucial dans la guerre qui ravage la Syrie depuis plus de cinq ans et le régime veut reconquérir le secteur oriental de l’ancienne capitale économique, qui lui échappe depuis 2012.
L’annonce de cette offensive militaire a coïncidé avec une réunion internationale à New York visant à rétablir un cessez-le-feu imposé par un accord à Genève le 9 septembre entre Moscou et Washington, mais qui a volé en éclats lundi.
« La question dorénavant est de savoir s’il reste une véritable chance d’avancer parce qu’il est clair que nous ne pouvons pas continuer plus longtemps sur cette voie », a reconnu le secrétaire d’Etat américain John Kerry, concédant l’échec de la réunion du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS).
Ce groupe, qui comprend une vingtaine de pays et organisations internationales impliqués dans le conflit, est co-présidé depuis l’automne 2015 par la Russie et les Etats-Unis et se réunissait pour la deuxième fois cette semaine dans un palace new-yorkais.
« Le seul moyen (d’avancer) est que ceux qui ont la force aérienne dans ce conflit cessent de l’utiliser », a martelé M. Kerry, en référence aux aviations de Damas et de son allié russe.
« Nous exigeons que l’aviation syrienne reste clouée au sol. Et la réponse des Russes n’est pas satisfaisante« , a renchéri son homologue français Jean-Marc Ayrault, fustigeant un « régime qui continue en dépit de tout respect de la loi internationale de massacrer son peuple ».
C’était une réunion « longue, douloureuse et décevante« , a déploré l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura.
John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, dont les relations se sont crispées cette semaine lors de l’Assemblée générale de l’ONU, sont cependant convenus de discuter encore vendredi.
Mais la tragédie sur le terrain laisse mal augurer d’une reprise de la diplomatie, la guerre ayant fait plus de 300.000 morts depuis 2011 et provoqué la pire crise humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale.
Alep, a subi depuis mercredi un déluge de bombes, et plusieurs quartiers de la partie orientale de la ville, contrôlée par les rebelles, étaient en feu jeudi. « Les raids ininterrompus la nuit dernière ont été si violents que c’est vraiment indescriptible », a affirmé à l’AFP Ibrahim Abou al-Leith, porte-parole des « Casques blancs », des sauveteurs bénévoles.
Selon des militants antirégime du Aleppo Media Center, des « bombes au phosphore » ont été utilisées.
Dans le communiqué sur son offensive, l’armée syrienne a appelé « les habitants à s’éloigner des positions des groupes terroristes » et assuré que les citoyens des quartiers rebelles qui se présenteraient à ses points de contrôle sur la ligne de démarcation ne seraient pas arrêtés.
« Il s’agit d’une large offensive terrestre appuyée par les frappes des avions russes dans le but de prendre petit à petit le secteur est d’Alep et le vider de ses habitants », a déclaré à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). D’après lui, de violents combats se déroulent à la périphérie sud de la métropole entre les deux bords.
Le correspondant de l’AFP dans la partie rebelle d’Alep, qui a entendu toute la journée d’intenses frappes, a vu une dizaine de familles ayant fui le quartier de Soukkari se réfugier dans d’autres quartiers rebelles plus au nord.
Des affrontements ont aussi eu lieu dans les provinces centrales de Hama et Homs et dans la Ghouta orientale, bastion des insurgés à l’est de Damas.
Et des violences ont touché Inkhel (sud), où un attentat à la voiture piégée a tué au moins 12 personnes, rebelles, responsables de l’administration locale et opposants, dont un « ministre » du gouvernement de l’opposition. L’attaque a été revendiquée par l’organisation jihadiste Etat islamique.
Dans un appel sans précédent, l’ONU a imploré jeudi le président syrien Bachar al-Assad de lui permettre de distribuer l’aide alimentaire dans 40 camions bloqués à la frontière turco-syrienne, soulignant qu’elle serait périmée lundi. « S’il vous plaît, président Assad, faites ce que vous avez à faire pour nous permettre d’accéder à l’est d’Alep et aussi aux autres zones assiégées », a lancé Jan Egeland, un cadre de l’ONU pour l’aide humanitaire.
En dépit des violences, l’ONU a dépêché jeudi un convoi humanitaire vers une zone rebelle assiégée dans la périphérie de Damas.
Cet acheminement intervient trois jours après le bombardement d’un convoi humanitaire près d’Alep, qui a fait 20 morts, soulevé un tollé international et envenimé les relations Moscou-Washington. Le Pentagone a insisté jeudi sur la responsabilité russe de cette attaque.
Enfin, près de 300 insurgés syriens et leurs familles ont été évacués du quartier de Waer, dernier bastion rebelle de Homs, en application d’un accord avec le régime, selon le gouverneur de la province. L’opposition et ses soutiens accusent le régime de procéder à des déplacements forcés de populations.