Téléconseiller : le maillon vulnérable de la chaine
Au Maroc, le secteur des centres d’appels serait le premier en termes de recrutement. Une étude du site Rekrute.com, réalisée en 2021 dans ce sens, stipule qu’effectivement, ce secteur devance le secteur informatique et le secteur bancaire en enregistrant un taux de croissance en hausse de 13% en 2021 par rapport à l’année précédente, les postes ouverts eux aussi ont évolué à 57 360 postes ouverts en 2021 contre 50 883 en 2020. Ce secteur arborescent certes selon ce constat, continuerait de mener son salarié droit au burn-out et parfois même à la dépression.
Effectivement, des salariés en centre d’appel, dénoncent le rythme infernal auquel ils sont exposés lors de leurs longues journées de travail marquées souvent de stress et de conditions défavorables selon 72% des salariés répondant à ladite enquête.
Meriem, 31 ans qui a débuté sa carrière en centre d’appel, déclare se sentir sous l’emprise, les neuf heures par jour qu’elle passe à répéter les mêmes gestes et les mêmes phrases, impactent les quinze restantes. Elle souligne aussi avec amertume, « lors de la prise d’appels, je suis souvent confrontée à des situations d’impolitesse voire d’insultes de la part des clients, que je dois gérer sans manquer de courtoisie »
En effet une étude réalisée par HEM Research Center démontre que les salariés en centres d’appels souffrent de stress, et de troubles de sommeil.
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Des sociologues, prenant part à ce sujet, parlent de la notion de portrait-robot et son impact sur cette génération désormais marquée par une santé mentale défaillante. Evoquant le taylorisme froid et machinal, où l’ouvrier ne représentait qu’un maillon de la longue chaîne que formaient les procédures opérationnelles des organisations.
Ainsi dans cette logique, le salarié doit tout savoir afin de se maintenir le mieux optimisé en vue d’être redéployé là où la demande est relevée par l’entreprise. Les normes de compétences seront ainsi définies selon l’intensité du travail et non sur les capacités physiques et psychologiques de l’employé susceptible d’être remplacé par le plus fort et le plus résistant au stress, et donc le plus tolérant à la pression.
Comment tolérer cette pression ? se demande Yassine 52 ans, marié et père de 3 enfants. « Les conditions que prétend offrir le salariat en centre d’appel m’ont attiré au début certes, je pensais que grâce à mes atouts, en l’occurrence ma persévérance et mon efficacité, je pouvais atteindre les objectifs lancés par mes responsables pour décrocher la « Full-prime » en vue de joindre les deux bouts du mois, le salaire de base ne me permettait pas de subvenir à tous les besoins de ma famille. » avant d’ajouter : « le stress que je m’infligeais en prenant un nombre maximal d’appels traités sous les normes d’efficacité préalablement fixés par mon hiérarchie, me donnait un droit de mérite et de respect de la part même des hauts responsables de l’entreprise d’un côté, pour m’impacter en termes de santé de l’autres. »
« Malaise cardiaque, stress, dépression, inflammations chroniques au niveau des oreilles, toutes ces souffrances que je vivais constamment, et qui disparaissant lors de mes congés, n’ont pu convaincre mes médecins de me remplir les documents nécessaires pour déclarer une de ces maladies, en tant que maladie professionnelle, et de bénéficier de la couverture médicale dont doit bénéficier le salarié le cas échéant ». Il rajoute que lors d’une consultation, un médecin lui a précisé qu’à l’étranger, on hospitalise d’urgence un patient présentant les mêmes symptômes que lui, mais qui s’est résigné à lui accorder dix-jours de repos sur un certificat de maladie qu’il hésitait à prescrire.
« Cette même attitude surprend lorsqu’elle vient aussi de deux Orl qu’il consulte pour son otite chronique, une maladie qu’ils reconnaissent partiellement liée au port du casque. » Explique-t-il.
Interrogé à ce sujet, un directeur de centre d’appel sous couvert d’anonymat nous informe qu’il est impossible de définir les maladies de l’oreille en tant que maladie professionnelle lorsqu’on parle de centre d’appel.
Lamia, une autre salariée en centre d’appels, souffrant de migraines invalidantes, se sentait optimiste lorsque son neurologue a favorablement renseigné son dossier de maladie professionnelle, s’est finalement résignée à quitter son travail, en apprenant que sa demande fut classée à jamais à l’issue d’une contre visite.
Évoquant, la richesse d’opportunités d’évolution que peut offrir ce secteur, ces salariés relatent aussi l’enjeu social, ils arriveraient même à dénoncer quelques pratiques courantes en termes de couverture médicale et de prévoyance sociale.
*Les noms cités ci-dessus sont empruntés