Témoignages sur Alioune Badiane ou comment apprécier et transmettre ses messages
Nous publions ci-dessous deux témoignages sur Alioune Badiane, l’une des grandes figures d’ONU-Habitat, décédé il y a quelques mois en pleine activité à Dakar. Le premier est de Daniel Biau et le second de Jean-Pierre ElongMbassi.
Par Daniel Biau, ancien Directeur adjoint d’ONU-Habitat
Alioune Badiane n’avait pas encore 66 ans lorsqu’il nous a quittés, le 31 juillet 2020 à Dakar, emporté par la terrible pandémie du Covid-19. Brillant fonctionnaire international, Alioune fut, pendant deux décennies, l’un des Directeurs les plus influents d’ONU-Habitat, l’agence des Nations Unies pour les villes.
Alioune a toujours défendu la cause des mal-logés, des mal urbanisés. Sa famille nucléaire, sa famille élargie, sa famille professionnelle, l’Afrique urbaine tout entière ont désormais fait leur deuil. L’ONU a pleuré un chef magnifique dont la mémoire restera dans nos cœurs. Puis nous nous sommes mis au travail afin de garder une trace indélébile du passage d’Alioune dans nos existences, dans nos parcours professionnels, dans notre communauté d’urbanistes, par-delà toutes les frontières.
Cette publication est un recueil de témoignages, un hommage à un grand spécialiste de l’urbain qui a incarné les valeurs des Nations Unies, valeurs non seulement de professionnalisme mais aussi d’objectivité et de respect de la diversité. Elle vise à mettre en lumière et à conserver d’importants messages qu’Alioune a partagés avec de nombreux collègues, ceux-là même qui ont eu à cœur d’en célébrer la mémoire à travers un ouvrage collectif.
Alioune Badiane : ses rêves pour l’Afrique
Jean-Pierre ElongMbassi, Secrétaire général de Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique – CGLU Afrique
Alioune Badiane était un panafricaniste convaincu; ni romantique, ni nostalgique, mais authentiquement engagé. En tant que Directeur Afrique du Programme de Gestion Urbaine (PGU), il a eu l’Afrique dans son ensemble comme aire de compétence et horizon de réflexion. Dans sa fonction de Directeur régional pour l’Afrique et les Pays Arabes d’ONU-Habitat, il a eu l’occasion de se rendre compte de la similitude des conditions et du cadre de vie de la majorité des populations africaines, alors que la mode était à la mise en exergue des différences, ce qui contribuait en réalité à amplifier un mouvement de balkanisation de la pensée prolongeant la balkanisation du continent en micro-Etats sans réelles perspectives dans le monde d’aujourd’hui et de demain.
Alioune était toutefois un panafricaniste pragmatique. Il était sans aucun doute un supporter de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine qui décline une vision de « l’Afrique que Nous Voulons ». Bien que fonctionnaire des Nations Unies pendant une grande partie de sa vie professionnelle, Alioune s’est toujours tenu à bonne distance des constructions institutionnelles macro-politiques et des pétitions de principe énoncées lors des conférences. Il était en effet convaincu que c’est à partir du travail sur le terrain des acteurs africains eux-mêmes, qui transforment l’Afrique au quotidien dans leur territoire de vie, que la construction de l’Afrique que nous voulons va se faire. C’est la raison pour laquelle Alioune a fourni beaucoup d’efforts pour identifier les acteurs pertinents porteurs de cette dynamique concrète de transformation structurelle en vue de les mettre en réseau. Et il l’a fait d’autant plus facilement sur l’ensemble du continent qu’il n’a pas eu à souffrir de la barrière linguistique puisqu’il était parfaitement bilingue en anglais et en français, les deux langues officielles les plus utilisées en Afrique.