Trafic aérien : L’Algérie en perte de vitesse sur le marché africain

L’Algérie en mal de performance dans le secteur aérien. Dans une tentative d’ébranler le leadership de Royal Air Maroc (RAM) sur le marché africain, notamment dans les zones francophones, la compagnie nationale algérienne Air Algérie avait opté, il y a plusieurs années, pour une stratégie ambitieuse d’expansion. L’objectif : multiplier l’ouverture de nouvelles lignes aériennes vers des destinations où la RAM jouissait d’une position dominante.

Pourtant, cette offensive s’est soldée par une double défaite sur le marché africain, accentuée par l’isolement croissant de l’Algérie, dont la politique étrangère belliqueuse exacerbe une crise économique spirale et un déclin du trafic aérien.

L’un des premiers terrains de bataille était le Cameroun, où Air Algérie a déployé une offensive en ouvrant trois rotations entre l’aéroport d’Alger-Houari Boumediene et l’aéroport international de Douala. L’enjeu était de rivaliser avec la RAM, bien implantée sur cette route avec jusqu’à sept rotations hebdomadaires. Pour ce faire, Air Algérie a adopté une politique tarifaire agressive, proposant des prix plus compétitifs que ceux de son concurrent marocain. Toutefois, malgré cette stratégie, la compagnie algérienne a rapidement fait face à une réalité décevante : les vols ont peiné à atteindre un taux de remplissage satisfaisant, ce qui a poussé la direction d’Air Algérie à réduire la fréquence des rotations. En quelques mois, le nombre de vols a chuté à deux, voire une seule rotation par semaine. Cette contreperformance a été attribuée, selon un responsable d’agence de voyage local, à un manque de notoriété et à une image ternie d’Air Algérie en Afrique subsaharienne, une réputation qui n’a pas suffi à convaincre les passagers de choisir ses services.

Des difficultés similaires ont également entaché la ligne reliant Alger à Ouagadougou. Portée par de grandes ambitions, la compagnie algérienne, dirigée depuis février 2024 par Hamza Benhamouda, avait envisagé un déploiement massif de ses vols au Burkina Faso. Cependant, l’engouement escompté ne s’est pas concrétisé. À l’opposé, la RAM, qui déploie des Boeing 787 Dreamliner entre Ouagadougou et Casablanca, parvenait à maintenir jusqu’à sept rotations hebdomadaires lors des périodes de forte affluence. Face à une demande insuffisante, Air Algérie a dû annuler certains vols, un échec cuisant qui a souligné l’incapacité de la compagnie algérienne à s’imposer face à la concurrence.

L’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA) a d’ailleurs publié dans son rapport annuel 2023 des chiffres inquiétants pour Air Algérie. Bien que cette dernière dispose d’une flotte plus imposante que celle de la RAM, elle n’a transporté que 4,6 millions de passagers, contre 5,6 millions pour la compagnie marocaine, ce qui témoigne de l’écart croissant entre les deux géants du transport aérien africain.

Mais derrière cet échec se cache une réalité géopolitique plus complexe. L’Algérie, en proie à un isolement croissant sur la scène internationale, souffre d’une situation où ses tensions avec plusieurs pays voisins, notamment le Maroc, la Libye et la France, ont des conséquences dramatiques sur son économie. L’hostilité persistante entre Alger et Rabat, qui perdure depuis des décennies, se traduit par des tensions diplomatiques qui pénalisent le développement de relations économiques, notamment dans le secteur aérien. En raison de cette isolation, les compagnies aériennes algériennes peinent à attirer une clientèle internationale, notamment en Afrique subsaharienne, où les préférences sont souvent tournées vers des transporteurs réputés pour leur fiabilité et leurs prix compétitifs, tels que Royal Air Maroc.

Le conflit en Libye, qui oppose les différentes factions et plonge le pays dans l’instabilité, n’a pas non plus favorisé la consolidation des liaisons aériennes régionales, alors que l’Algérie a souvent été vue comme une actrice indirecte dans le dossier libyen. De même, la rupture des relations diplomatiques avec la France, un partenaire historique et stratégique, a exacerbé la situation. En réduisant les opportunités de coopération bilatérale, notamment dans les domaines du commerce et du transport, cette hostilité contribue à maintenir l’Algérie dans un cercle vicieux, où la croissance économique reste fragile et la crise se fait de plus en plus spiralaire.

En outre, cette situation de blocage a des répercussions dramatiques sur le secteur aérien national. Alors qu’Air Algérie se trouve confrontée à des obstacles structurels et à une compétition acharnée, la compagnie peine à attirer les investisseurs étrangers ou à développer des partenariats fructueux. Cette absence de collaboration internationale limite son expansion, alors que des pays comme le Maroc, la Tunisie, ou le Sénégal, eux, parviennent à tirer parti de leurs alliances diplomatiques pour stimuler la croissance de leurs compagnies aériennes respectives.

Ainsi, l’échec d’Air Algérie à s’imposer face à Royal Air Maroc n’est pas qu’une simple question de stratégie commerciale ou de performances tarifaires. Il s’agit d’une défaite plus profonde, liée à l’incapacité de l’Algérie à briser son isolement international et à créer un climat propice à l’expansion de ses entreprises. Dans le secteur aérien, comme dans d’autres domaines, l’Algérie se trouve prise dans un tourbillon de tensions géopolitiques et de contradictions économiques, qui freinent son développement et l’empêchent de rivaliser sur un marché africain en pleine expansion.

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