Travailleurs qualifiés : pourquoi l’Allemagne attire si peu de travailleurs africains?
L’Allemagne est confrontée à un paradoxe intriguant. Alors que le pays multiplie les efforts pour attirer des compétences venant du monde entier, il peine significativement à séduire les travailleurs qualifiés du continent africain. Cette dynamique paradoxale résulte d’une confluence de facteurs complexes, dont notamment la politique de développement allemande, mais aussi un ensemble de causes structurelles et contextuelles propres au continent africain.
Si l’Allemagne parvient à attirer un nombre important de travailleurs qualifiés en provenance d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine, le continent africain semble, quant à lui, largement en retrait. Ce manque d’intérêt apparent de la part des travailleurs africains envers l’Allemagne pose question, d’autant plus que les deux parties pourraient grandement bénéficier de l’échange de talents. Examinons de plus près les raisons de ce phénomène.
La politique de développement allemande offre une part importante d’explication. Traditionnellement, l’aide au développement allemande s’est concentrée sur des programmes de formation et d’éducation en Afrique visant à encourager le développement local. Bien que ces efforts soient louables, ils visent principalement à maintenir les compétences sur le continent africain plutôt qu’à favoriser leur émigration temporaire ou permanente vers l’Allemagne. Paradoxalement, cette approche bien intentionnée contribue à restreindre la migration des travailleurs qualifiés africains vers l’Allemagne.
Un autre facteur significatif est la complexité des procédures de migration pour les Africains. Comparativement à d’autres régions du monde, les ressortissants africains doivent souvent surmonter des obstacles administratifs plus ardus pour obtenir des visas et des permissions de travail en Allemagne. Les exigences en matière de reconnaissance des diplômes et qualifications professionnelles sont notamment plus strictes, ce qui dissuade potentiellement de nombreux candidats talentueux.
À ce sujet, Ousmane, un informaticien sénégalais, souligne : « J’ai passé des mois à essayer de faire reconnaître mon diplôme, mais les obstacles bureaucratiques étaient insurmontables. En fin de compte, j’ai dû abandonner l’idée de travailler en Allemagne. » Il ajoute : « Ici au Sénégal, je trouve des opportunités et un environnement de travail plus accueillant. Pourquoi devrais-je m’acharner à aller en Allemagne où tout semble plus compliqué pour nous ? »
Freins socio-économiques et culturels
Les obstacles socio-économiques et culturels jouent également un rôle non négligeable. L’Allemagne est perçue par de nombreux Africains comme un pays aux barrières culturelles et linguistiques importantes. La barrière de la langue allemande est une contrainte majeure, car elle nécessite souvent une formation linguistique préalable substantielle, qui non seulement prend du temps mais aussi requiert des ressources financières et logistiques que tous les candidats n’ont pas à disposition.
Falay, électromécanicien au Mali, partage cette perception : « Apprendre l’allemand demande du temps et de l’argent. Pour beaucoup d’entre nous, c’est un investissement risqué sans garantie de succès à l’arrivée. » Il ajoute en toute franchise : « J’ai des collègues qui ont tenté l’aventure et ont eu des difficultés à s’intégrer, notamment à cause de la langue. Cela ne m’encourage pas à les suivre. »
Le spectre des discriminations et des préjugés raciaux peut aussi influencer la décision des Africains qualifiés. Les diverses études et témoignages soulignent que les personnes d’origine africaine font souvent face à des discriminations sur le marché de l’emploi dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne. Pour certains travailleurs qualifiés, la perspective de devoir lutter contre des stéréotypes et des pratiques discriminatoires constitue un frein sérieux à l’émigration.
Hicham, ingénieur informatique au Maroc, en témoigne : « J’ai des amis qui sont partis en Allemagne et ils ont dû faire face à des préjugés raciaux. Cela crée une atmosphère de travail pesante et décourageante. » Il poursuit : « En tant que professionnel, je préfère évoluer dans un environnement où je me sens respecté et valorisé, pas comme une exception ou une curiosité. »
Les Africains qualifiés pourraient préférer d’autres destinations jugées plus attrayantes ou accessibles. L’Amérique du Nord et certains pays d’Europe présentent des politiques d’immigration perçues comme plus inclusives et des opportunités économiques et professionnelles souvent mieux mises en avant. Par exemple, le Canada suit une politique d’immigration plus proactive et inclusive, ciblant efficacement les travailleurs qualifiés africains par le biais de programmes accessibles et bien publiés.