Trump face au monde
Par Ahmed Faouzi
Jusqu’à l’arrivée de Donald Trump en 2016, les Américains ont toujours privilégié l’approche multilatérale pour faire valoir leurs intérêts, et surtout les faire accepter. En agissant de la sorte pour faire admettre ses positions, dans un esprit qui prend souvent la forme d’un consensus que d’un diktat, l’Amérique a su rallier à elle des pays plus par la dissuasion que par la coercition. Mais cette volonté de faire de l’idée démocratique et celle des droits de l’homme la valeur la plus partagée par tous a, par moment, amené les Américains à obtenir par la force ce qu’ils n’ont pas pu acquérir par la dissuasion comme dans leurs interventions dans certains pays latino-américains.
L’élection du républicain Donald Trump, le 8 novembre 2016, a eu l’effet d’un coup de tonnerre, à l’échelle internationale, en raison du personnage atypique qu’il est, et ensuite, de la place qu’occupent les États-Unis dans le monde en tant qu’acteur incontournable de la vie politique internationale. Durant sa campagne électorale, et surtout après, il n’a cessé de répéter, à qui veut l’entendre, que seuls les profits et les gains l’intéressent dans ses relations avec les autres états. À l’évidence, la poursuite d’intérêts purement mercantiles, sans vision politique et stratégique, a relégué au second plan la défense des valeurs du monde libre inscrites dans la constitution américaine et prônées depuis longtemps à l’échelle internationale par Washington.
Histoire d’une politique
Pour mieux saisir l’évolution de la politique extérieure des États-Unis, il est utile de revenir aux années d’indépendance de ce pays quand il configurait sa diplomatie vis-à-vis des puissances de l’époque, à savoir la Grande-Bretagne, la France, la Russie et l’Espagne. La guerre d’indépendance contre les Britanniques a duré huit années, de 1775 à 1783, avec l’aide apportée par la France qui encourageait le détachement de ce territoire de la couronne britannique. Viennent ensuite les relations tendues avec l’Espagne pour l’indépendance d’autres États comme la Floride et également avec les Russes pour l’acquisition de l’Alaska.
C’est dans ce contexte de lutte d’influence régionale que le président américain James Monroe (1817-1825) adopte la doctrine qui porte son nom et qui annonce la position de son pays vis-à-vis des puissances européennes. Celle-ci définit clairement deux objectifs : le premier est la reconnaissance de l’indépendance des pays latino-américains par les États-Unis et le second est que toute intervention européenne dans ce pré-carré sera considérée comme une menace pour leur propre sécurité.
Si les États-Unis sont pacifiquement intervenus en Europe, durant la Première Guerre mondiale, ils ont cependant engagé leurs troupes, durant la seconde puis mis à disposition du continent européen, meurtri, les fonds nécessaires à la reconstruction à travers le plan Marshal, avant d’organiser la défense du monde libre en instaurant l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour se prémunir de l’expansion communiste.
C’est l’arrivée des communistes à Cuba (1959/1962) qui ramène, encore une fois, les conflits aux portes des États-Unis. Le déclenchement de la crise des missiles avec les Soviétiques sous la présidence Kennedy a fait monter les tensions avec l’Union soviétique et failli mettre fin à la coexistence pacifique qui a prévalu depuis le second conflit mondial entre les deux blocs. Devant le danger de voir s’installer sur le continent américain des régimes pro-soviétiques, le Président John F. Kennedy reprend les principes de la doctrine Monroe et lance un programme de coopération, dont la composante militaire est avantagée par rapport au reste, et dont le but est de permettre aux pays latino-américains de se développer et de se protéger contre les subversions. Mais ce programme, largement lié à la coopération militaire, favorise plus la prise du pouvoir par les juntes militaires en Amérique latine que la démocratie et les droits de l’Homme. Au même moment, et sous la même présidence, les États-Unis s’engluaient dans un autre conflit au Vietnam où des milliers de soldats américains tentent de bloquer l’avancée des troupes communistes. Cette confrontation tragique, en raison de son coût humain, marqua collectivement l’inconscient des Américains. Ce conflit ne prend fin qu’en 1973 par la signature des accords de Paris.
À chaque président sa politique extérieure
La diplomatie américaine prend une autre tournure avec le président Richard Nixon (1969-1974), sous l’influence de son Conseiller et Secrétaire d’État, Henry Kissinger, en adoptant une nouvelle stratégie appelée doctrine Nixon, basée sur les principes du réalisme, de la retenue et de la négociation permanente, en place et lieu de la confrontation idéologique et militaire qui a prévalu jusqu’alors. Cette politique a permis de contenir les Soviétiques et de s’ouvrir davantage sur la Chine. L’arrivée du président démocrate Jimmy Carter (1977-1981) renforcera encore cette tendance, tout en y ajoutant la défense et la promotion des droits de l’Homme. Il signera, durant son unique mandat, les accords relatifs au canal du Panama et ceux du Camp David relatifs au Moyen-Orient. Il négociera avec les Soviétiques pour la limitation des armements stratégiques et entamera une plus grande ouverture avec la Chine. L’approche pacifique de Carter, que d’aucuns qualifiaient de naïve, ne lui a pas permis de gagner un deuxième mandat, principalement en raison de la prise d’otages à Téhéran, qui dura du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981, et durant laquelle 52 diplomates américains sont retenus, humiliant ainsi la première puissance mondiale, non par un régime communiste comme auraient pu penser les Américains, mais par un régime islamiste cette fois-ci prenant naissance en Iran.
Ce n’est qu’avec l’arrivée du républicain Ronald Reagan (1981-1989) que la diplomatie américaine a pris de la vigueur en se confrontant directement à l’Union soviétique durant le premier mandat, et en soutenant les dictatures militaires au Salvador, Guatemala, Honduras, Turquie, précipitant ainsi la chute du mur de Berlin et le démantèlement du bloc de l’Est. Tous ces changements rapides ont abouti à la fin de la guerre froide et au triomphe du libéralisme.
Le président George Bush père (1989-1993), colistier du président Reagan et son proche conseiller, a accumulé une grande expérience à l’international comme Représentant de son pays à l’ONU, puis ambassadeur en Chine et chef de la CIA. Sa politique extérieure est le prolongement de l’ère Reagan et de l’esprit des républicains de conquête et de protection des intérêts américains partout dans le monde. La chute du mur de Berlin a permis à Bush d’encourager la réunification de deux Allemagnes et de réconforter le libéralisme en Europe. Mais la décision la plus marquante de son mandat reste l’intervention militaire pour libérer le Koweït, après l’invasion de ce pays par l’Irak de Saddam Hussain, en août 1990, opération menée cependant sous l’égide des Nations unies. En dépit de sa victoire militaire, son échec à se faire élire est dû aux piètres performances économiques enregistrées alors, ce qui a permis au parti démocrate de reprendre le pouvoir sous la houlette de Bill Clinton (1992-2000).
Les grandes décisions internationales sous Clinton ont été l’intervention de l’armée américaine en Somalie pour ramener la paix « restore Hope » qui vire au désastre par la mort de 18 soldats américains puis le retrait des troupes de ce pays. Clinton renforce également les relations de son pays avec l’Union européenne et soutient l’intégration de la Turquie à cet ensemble. Les accords d’Oslo signés en 1993, et la participation américaine aux frappes de l’OTAN contre la Serbie pour empêcher le nettoyage ethnique des musulmans bosniaques sont à mettre à son actif. Mais c’est avec le président russe, Boris Eltsine, que les relations entre les deux blocs s’amélioraient notablement. Clinton est intervenu auprès du Fonds monétaire international (FMI) pour octroyer à la Russie 10 milliards de dollars et envoya ses Conseillers de communication pour soutenir la réélection d’Eltsine.
C’est durant la présidence de George Bush fils (2001-2009) que l’architecture des relations internationales sera ébranlée, en raison de l’attaque terroriste des tours jumelles à New York le 11 septembre 2001, et de la réponse militaire américaine disproportionnée en Afghanistan et en Irak. Si les Nations-unies ont avalisé l’intervention en Afghanistan, il en était autrement en Irak, accusé, à tort, par les Américains, de posséder des armes de destruction massive.
En chassant les talibans de l’Afghanistan et en faisant tomber Saddam, les États-Unis ont anéanti deux ennemis de l’Iran chiite et transformé les équilibres régionaux au détriment des pays arabes de la région. Par ailleurs, les États-Unis visaient, à n’en pas douter, la richesse pétrolière de l’Irak qui, comme par miracle, n’a subi aucune attaque durant la guerre, et qu’un décret présidentiel (Numéro 133303) signé en mai 2003, venait octroyer aux compagnies américaines pétrolières l’immunité d’être poursuivies aux États-Unis. C’est tout dire.
Obama et le retour des démocrates
Le retour des démocrates avec Barak Obama (2009-2017) prend l’allure de rectification des relations tendues avec le monde musulman et le début du retrait des troupes américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. Obama est resté fidèle, durant ses deux mandats, au multilatéralisme en prenant comme modèle James Baker et l’ère du président Bush père. La lutte contre le terrorisme se poursuit et aboutit à l’élimination d’Oussama Ben Laden en mai 2011. Il participa aussi à l’intervention militaire menée par la France, sous mandat de l’ONU, en apparence pour protéger la population civile libyenne, mais en réalité pour renverser le régime de Kadafi. Obama reconnaîtra, par la suite, que le manque de suivi de cette opération a été une erreur stratégique de sa part.
Mais ce que beaucoup garderont des années Obama c’est la main tendue aux musulmans, lors de son discours à l’université Alazhar, au Caire, le 4 juin 2009, geste salué de par le monde notamment par les pays musulmans en raison de sa portée symbolique. Durant ce discours, il a attribué plusieurs inventions humaines à des savants musulmans et admis que le premier pays à avoir reconnu l’indépendance des États-Unis fut le Maroc. Plus que tous ses prédécesseurs, il s’est intéressé également au continent africain en s’y rendant, à plusieurs reprises, pour y promouvoir la coopération, le partenariat et les droits de l’Homme.
Cependant, si Obama paraît moins belliqueux que ses prédécesseurs, il adoptait, souvent, lors des confrontations militaires, des frappes chirurgicales et l’utilisation répétée des drones contre les ennemis déclarés des États-Unis, ce qui a fait dire aux observateurs que sa politique extérieure a été réactive et minimaliste à souhait.
L’ère Trump
En 2016, ce sont les républicains qui reprennent le pouvoir en la personne de Donald Trump. Personnage atypique du landerneau politique américain, il n’a jamais exercé, auparavant, une responsabilité civile ou militaire au sein de l’administration américaine. Ambitieux et agressif, il est le plus riche de tous les présidents américains passés, et également le plus âgé. Il commence son mandat par ce qu’il a promis durant sa compagne électorale : restreindre l’entrée aux latino-américains et aux musulmans, commence la construction d’un mur de séparation avec le Mexique, se retire de l’accord de Paris sur le climat, dénonce l’accord nucléaire négocié avec l’Iran, reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël en violation des résolutions de l’ONU, déclare une guerre commerciale à la Chine et à l’Union européenne, renoue avec la Corée du Nord, dans l’espoir d’aboutir à une solution sur les armements nucléaires, etc.
Comme la majorité des pays sont liés, d’une manière ou d’une autre, aux États-Unis, on scrute alors les gestes et faits de ce président imprévisible dans ses réactions et illisible dans ses démarches. Si lors de sa campagne électorale il avait comme leitmotiv « make america great again », on se demande comment il est possible de rendre l’Amérique grande en affaiblissant l’ordre économique mondial que son pays a instauré contre vents et marées ? Comment peut-on aider les entreprises de son pays quand on met en difficulté celles de ses propres alliés ? Comment peut-on devenir grand quand on remet en question le libre-échange, base du capitalisme américain, en question ?
Les dirigeants américains, comme on les a décrits plus haut, ont tous maintenu une politique extérieure consistant à diriger et à influencer le reste du monde, généralement, par leur soft power que par la coercition, car leur pays n’est pas un pays comme un autre sur la scène internationale. Il est l’acteur majeur de la diplomatie internationale, le moteur de l’économie mondiale et le producteur de valeurs culturelles universelles. En ramenant la défense des intérêts américains aux seuls intérêts domestiques, au détriment parfois de ses propres alliés, Trump trahit l’esprit et la lettre des principes érigés en dogme par les pères fondateurs de la nation et par la constitution du pays elle-même.
On ne compte plus ses dérapages et ses déclarations impromptues tellement ils sont nombreux. On peut citer, pour étayer nos propos, sa déclaration à l’égard des membres de l’OTAN pour participer aux coûts financiers et à certains pays pétroliers du Golfe pour acheter plus d’armements américains et payer cash pour leur sécurité et leur défense. Ces paroles hautaines n’ont aidé en rien à maintenir la grande estime due à une superpuissance d’une part, et de l’autre à sauvegarder l’honneur et la dignité des pays qui ne peuvent que se sentir humiliés par de tels propos. Conséquence : les responsables politiques étrangers avisés s’affichent de moins en moins avec Trump, sauf s’ils y sont obligés et contraints, et préfèrent passer souvent par les autres institutions du pays ou l’un de ses proches pour gérer leurs dossiers.
Ce sont là des comportements erratiques et désobligeants qui, au lieu d’aider à renforcer le prestige de l’Amérique — au moment où d’autres puissances émergent sur la scène internationale —, affaiblissent les États-Unis et divisent leurs Alliés. Trump, en homme d’affaires avisé qu’il est, pourrait agir en politique comme il le fait en entreprise en gérant les risques, en diversifiant les portfolios, en réduisant les vulnérabilités de sa société, en prenant soin de sa clientèle, et en scrutant de près ses concurrents afin d’améliorer le positionnement de son pays. Bizarrement, toute cette approche est absente de son registre politique.
Les relations internationales d’un État ne peuvent être gérées sans un dessein stratégique pensé et réfléchi à mettre en œuvre pour améliorer constamment les intérêts et l’attractivité du pays, non contre les autres, mais avec les autres. Tous les chefs d’État ont une vision du monde pour faire des choix stratégiques à même de renforcer les intérêts de leurs pays, défendre leurs alliés, et contenir leurs adversaires par le dialogue et la coercition quand c’est nécessaire. Ils ne peuvent, en toute logique, prendre des décisions irraisonnées, irresponsables, ou simplement contradictoires, pour la simple raison que l’intérêt suprême de la nation exige la droiture et surtout la reddition des comptes. C’est à l’aune de cet idéal que les hommes politiques prennent, à l’échelle internationale, des décisions et adoptent des comportements qui favorisent, de premier abord, la coopération, le partenariat, la paix et l’entente entre les peuples.
Les intérêts du pays avant
On ne peut par conséquent diriger le destin d’une nation sans stratégie à l’international, même si parfois on se targue de ne penser qu’aux seuls intérêts de son pays, bien que ceux-ci soient légitimes. Avec la globalisation, les intérêts et les risques sont plus que jamais partagés entre les pays que par le passé, et la pandémie de la Covid-19 est venue le rappeler à notre mémoire.
Les déclarations du président Trump paraissent tonitruantes par moment, mais le personnage s’est montré négociateur et habile pour trouver les compromis nécessaires quand il est en face d’une force. Il n’a mis aucune de ses déclarations à exécution comme retirer certaines de ses troupes de l’OTAN ou de l’Afghanistan, et n’a pas mené une guerre contre l’Iran comme il a menacé de faire à plusieurs reprises. À chaque fois qu’il est en face d’une résistance, il marque de la retenue.
Trump est également peu porté sur le multilatéralisme et le système des Nations-unies que son pays a aidé à bâtir. Il déclara en septembre 2017, devant l’assemblée générale de l’ONU, que son pays a beaucoup donné au monde sans rien recevoir en retour. En d’autres circonstances, il affirma que les alliés de Washington abusent de cette « hégémonie bienveillante », à leur profit et aux dépens des intérêts américains.
Par ailleurs, les États-Unis sont les plus grands contributeurs au budget des Nation-unies par une somme qui avoisine les 10 milliards de dollars par an. Cette contribution est calculée en fonction de leur richesse nationale. Mais en raison de son importance, elle a, de tout temps, été un moyen pour mieux influencer et orienter les politiques de ces organisations. Avec Trump, c’est le recours systématique à cette arme pour mettre à genoux le système multilatéral, mis à pied par son pays lui-même, pour servir les intérêts américains.
En conséquence, on ne compte plus les retraits américains des accords signés sous la houlette des Nations-unies. On peut citer à titre d’exemple les retraits de l’accord de Paris sur le climat, de l’accord nucléaire avec l’Iran, du conseil des droits de l’Homme, du Pacte mondial sur la migration, de l’UNESCO, de l’agence mondiale aux réfugiés palestiniens (Unrwa), de l’Onusida, de l’OMS, Etc. Tous ces retraits permettent de réduire les coûts de participation, mais ont aussi un coût politique certain sur les capacités des Américains à peser encore sur les événements mondiaux.
Cette attitude américaine de défiance à l’égard du système des Nations-unies a déjà produit des échecs pour Washington quand les États-Unis ont présenté leur candidat pour la présidence de L’Organisation Internationale de la Migration (OIM) en la personne de Ken Isaaks, évangéliste connu pour ses déclarations anti-islam, au profit du Portugais Antonio Vitorino. Cette organisation longtemps dirigée par les Américains leur a échappé par manque de lucidité, car on ne présente pas un candidat qui divise à un organisme qui veut rassembler.
De même quand ils ont décidé, unilatéralement, de transférer leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, en dépit de toutes les résolutions internationales y afférentes, ils n’ont pu empêcher l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU d’une résolution condamnant cette initiative. Last but not least, lors de l’assemblée de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ils n’ont pas réussi à obtenir le soutien des autres membres pour lancer une enquête sur l’origine de la pandémie de la Covid-19 et réintroduire Taïwan comme membre de cette institution.
Cette errance diplomatique pose de réelles interrogations sur les capacités de la diplomatie américaine sous Trump, à guider le monde vers plus de prospérité partagée et de compter sur lui pour préserver une paix devenue si fragile de par le monde. Face à ces questions fort légitimes, notre personnage est devenu plus un élément aggravant qu’un élément stabilisateur.
L’équilibre de l’ordre international dépend, en partie, des positions justes prises par les États-Unis, car la crédibilité donnée à leurs engagements favorise, à coup sûr, la paix dans le monde. Or depuis l’avènement de Trump, des décisions contradictoires ont été prises perturbant ainsi la bonne perception qu’on en avait par le passé. On peut citer ici, pour étayer notre propos, ses indécisions en Syrie qui ont permis à la Russie, à l’Iran et à la Turquie d’y élire leurs bases. De même dans la gestion du dossier de la Corée du Nord, et après plusieurs rounds de négociations, l’implication américaine a instillé le doute dans les relations avec la Corée du Sud. On peut également ajouter la gestion de la crise du Venezuela. La menace d’intervention militaire américaine a renforcé le clan du Président Nicolas Maduro et fait apparaître l’opposant Jean Guaido comme un agent de l’Amérique. D’autres postures similaires peuvent être citées pour démontrer le manque de logique à certaines décisions qui, en principe, devaient servir les intérêts du pays, mais qui, à la longue, les desservent.
Trump et les intérêts mercantiles
La détermination des Américains par le passé à s’impliquer dans les moments de crise qui secouent le monde pour ramener la paix, reçoit l’admiration des pays amis et leurs reconnaissances et met en garde les adversaires. Désormais avec Trump, la politique extérieure est devenue une simple mission réduite au service exclusif des seuls intérêts américains. Et au lieu de mutualiser les gains au service de tous, on est dans un schéma gagnant/perdant, une foire d’empoigne en quelques sortes.
Si l’Amérique a institué, durant le vingtième siècle, une politique multilatérale basée sur des valeurs libérales, puis poussé les autres pays, y compris ceux du camp communiste, à y adhérer, il semblerait que Trump pense qu’en épousant les intérêts des autres, les États-Unis trahissent les leurs. Il pense que l’altérité américaine est une forme de naïveté qui enrichit les autres au détriment des Américains. Cette rhétorique développée durant la campagne électorale de Trump est devenue plus subversive, une fois au pouvoir, car cette fois, elle est mise à contribution pour obtenir un deuxième mandat à la fin 2020. On se rappelle lors de sa campagne électorale de 2016, quand il prenait le public en otage en usant d’un langage populiste contre l’establishment, les médias, les immigrés et l’islam. Cette démarche lui a permis de s’imposer dans le camp républicain et se défaire facilement du candidat démocrate.
Notre constat est que si les États-Unis sauvent la mise dans ses relations avec les autres pays, c’est en raison des contrepouvoirs qui existent fort heureusement au niveau du Congrès, des médias, des groupes de lobby, et d’autres institutions comme le Conseil de sécurité national (NSC) ou le State department, habilitées à mettre en exécution la politique extérieure du pays.
Vu ce qui précède, on peut conclure que la politique extérieure des États-Unis est devenue, sous Trump, une mission au profit des seuls intérêts mercantiles américains. C’est le comportement d’un homme d’affaires qui cherche à obtenir toujours plus, et non un homme d’État qui veut conforter la position de son pays au niveau politique économique et culturel. Résultats : perte de pied dans les instances multilatérales, perte de confiance chez les pays amis et enfin fragilisation du système multilatéral appelé plus que jamais à être multipolaire pour trouver un nouvel équilibre international qui permette de sauvegarder la paix dans le monde. Quant aux pays amis des États-Unis, ils ont tous intérêt à ne pas calquer leur politique sur celle de Trump, ou au moins ne pas suivre certaines de ses tendances décrites plus haut, car elle n’aboutira qu’à faire inutilement de nouveaux ennemis et rendra leur politique extérieure encore plus incohérente après le départ de celui-ci.