Tunisie : 2023, année de poursuites judiciaires contre opposants et hommes d’affaires

La scène politique en Tunisie a été secouée au cours de l’année 2023 par une vague de poursuites judiciaires et d’arrestations dans les rangs de l’opposition et parmi la communauté d’affaires, accentuant la crise politique et les divisions persistantes dans le pays.

Ce vaste coup de filet sécuritaire ayant ciblé sur fond d’accusations présumées de « complot contre la sûreté de l’Etat tunisien » des opposants, des représentants de la société civile, des syndicalistes ainsi que certaines figures indépendantes et des hommes d’affaires influents, a défrayé la chronique en Tunisie et suscité des questionnements sur le caractère arbitraire de ces arrestations.

En parallèle avec ces arrestations, de nombreuses personnalités civiles et politiques font l’objet d’enquêtes par les autorités en lien avec l’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat dont les suspects encourent des condamnations allant jusqu’à la peine capitale.

Parmi les formations politiques les plus exposées à cette vague d’arrestations, le mouvement islamiste Ennahdha a vu un nombre de ses dirigeants emprisonnés ou poursuivis pour leur implication dans plusieurs affaires, dont Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda, qui purge actuellement une peine de quinze mois, pour avoir tenu des propos diffamatoires contre les services sécuritaires.

Le président du parlement dissous, après que le président tunisien s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021, avait déjà été entendu à maintes reprises par les autorités judiciaires, dans le cadre de plusieurs affaires.

Une autre figure phare de l’opposition, Abir Moussi, présidente du Parti Destourien Libre (PDL) a été interpellée également à l’approche des élections locales vivement contestée par cette opposante, au regard de leur mode d’organisation.

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Dans une déclaration à la MAP, Kamal Ben Younes, journaliste et universitaire, a estimé que cette vague d’arrestations qui s’est poursuivie jusqu’en décembre a chamboulé la scène politique et médiatique dans le pays.

Cette situation, poursuit-il, a conduit à la marginalisation des principaux partis politiques du pays, à leur tête le parti islamique Ennahda, le Parti Destourien Libre de Abir Moussi, le Parti Nidaa dirigé par l’ancien ministre Ridha Belhaj Bel-Hajj et le Parti Républicain dirigé par Issam Chabbi.

Et d’ajouter que « les arrestations dans les rangs des syndicalistes ayant suscité autant d’indignation au niveau international, ont à leur tour fragilisé les syndicats et affaibli le rôle de leurs dirigeants sur le plan politique, après avoir occupé le devant de la scène et contribué aux évolutions sociales et politiques au cours de la dernière décennie« .

D’après l’expert, ce coup de filet sécuritaire qui a visé d’éminentes personnalités dans un premier temps s’est transformé en des arrestations de masse et de procès politiques défaillants, rappelant les dérives de l’ère avant la révolution de 2011.

Toutefois, l’expert estime que les autorités tunisiennes ont fait preuve de prudence dans le traitement des dossiers des dirigeants politiques poursuivis, ce qui dénote d’une volonté politique au plus haut niveau de l’Etat et des autorités judiciaires, de maintenir le dialogue avec les différentes formations politiques sur une nouvelle reconfiguration du champs politique.

Et de rappeler que ces arrestations ont été opérées sur fonds de soupçons de complot contre la sûreté de l’État et de corruption financière, outre des affaires variées de droit commun.

L’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat a débouché en février dernier sur une large série d’arrestations d’hommes politiques, de figures de l’opposition, d’activistes de la société civile, de responsables de médias et de syndicalistes, suscitant une vague d’indignation de plusieurs ONG de défense des droits de l’Homme.

Des poursuites judiciaires ont été engagées en octobre dernier contre deux avocats de la défense des détenus politiques en Tunisie, après une décision controversée des autorités judiciaires d’interdire le traitement médiatique des dossiers en lien avec l’affaire dite « complot contre la sûreté de l’Etat« , sous prétexte de « préserver le bon déroulement du cours de l’instruction et de protéger les données personnelles des parties faisant l’objet de l’enquête« .

Plusieurs manifestations et sit-in ont été organisés en solidarité avec les détenus par le Front du Salut national, une coalition d’opposition et les familles des détenus pour réclamer leur libération et dénoncer les conditions de leur arrestation.

Avec MAP

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