Un salarié a-t-il le droit de refuser de se faire dépister ?
Le Maroc a adopté un plan de dépistage massif au Covid-19 des salariés du secteur privé. Cette politique a été mise en place pour permettre aux chefs d’entreprises de protéger les salariés et limiter les risques liés à la transmission ou à la propagation du coronavirus en vue de garantir une reprise saine des activités.
De nombreuses questions sont soulevées notamment pour les employeurs : le salarié a-t-il le droit de refuser le dépistage ? Que risque-t-il d’encourir en cas de refus ? Que dit le code du travail dans pareille situation ? La MAP a approché deux experts en droit social et du travail pour apporter un éclairage sur cette question. Le refus peut-être interprété comme une « faute grave »
Pour Mohamed Cherkani, avocat au barreau de Meknès et ancien professeur à la Faculté de Droit de la même ville, le refus par le salarié de se faire tester du Covid-19 pourrait en effet être interprété comme une « faute grave » qui justifie son licenciement du travail, d’autant plus que les fautes graves énumérées dans l’article 39 du code du travail sont citées « à titre d’exemple seulement ».
Tout acte pouvant porter préjudice à autrui ou à l’entreprise pourra être assimilé à une « faute grave », fait savoir M. Cherkaoui qui entérine le recours de l’employeur à cette procédure.
En effet, l’article 39 (du code de travail) liste les fautes graves commises par le salarié à « titre indicatif » et sont entre autres « l’inobservation par le salarié des instructions à suivre pour garantir la sécurité du travail ou de l’établissement ayant causé un dommage considérable », souligne pour sa part Khalid Boukaich, professeur de Droit social à la Faculté de Tanger, ajoutant que le salarié qui se soustrait à un test risque d’être sanctionné.
Le degré de gravité est défini par la justice
La définition du degré de gravité relève du pouvoir discrétionnaire du juge, précise Me Cherkani, appuyé en cela par l’universitaire M. Boukaich qui soutient que l’exercice par l’employeur de ce « pouvoir disciplinaire » est toujours soumis au contrôle du juge qui pourrait confirmer comme infirmer cette décision.
Le test du Covid-19 ne relève aucunement de la « liberté personnelle » du salarié
Pour certains experts, la question du refus n’est pas réglementée par la législation sociale marocaine, mais à la lecture de certaines dispositions du code du travail, il y a l’obligation de sécurité patronale qui impose à l’employeur « de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés dans l’accomplissement des tâches », estime M. Boukaich, indiquant que l’on peut éventuellement déduire que ce test de dépistage ne relève pas de la liberté personnelle du salarié puisqu’il s’agit de la santé et de la sécurité de tous (salariés et employeur).