Une Grèce en lambeaux, une Europe qui chancelle.
La tragédie grecque vient de marquer une pause : un accord pour un troisième plan d’aide a été trouvé au terme d’un nouveau marchandage marathon à Bruxelles. Tsipras a accepté des conditions plus dures que celles que les Grecs avaient refusées par referendum. La Grèce et une certaine idée de l’Union européenne en sortent en lambeaux. Une déconfiture prévisible.
Dans la première crise grecque en 2011, la dette était détenue en quasi-totalité par des banques étrangères (françaises et italiennes surtout) installées en Grèce et qui avaient fait preuve de beaucoup de légèreté dans les crédits qu’elles avaient octroyées à des emprunteurs Grecs. De fait, ne pas rembourser des banques étrangères est historiquement une pratique assez courante. Logiquement donc, les banques étrangères auraient du s’asseoir avec leurs débiteurs grecs et négocier avec eux les pertes qu’elles allaient devoir prendre en charge.
Cependant, le but essentiel de la première négociation fut donc non pas de permettre à la Grèce d’assainir une fois pour toutes ses finances, mais de protéger les intérêts des banquiers, bailleurs de fonds. Papandreou, le premier ministre grec de l’époque voulait organiser un référendum sur le sujet. Il fut remplacé assez rapidement par un cadre pro-européen, Lucas Papademos, ancien de la BCE qui négocia un remarquable accord, extrêmement favorable aux banques étrangères mais désastreux pour la Grèce. Les banques étrangères furent donc sorties sans trop de dégâts du trou dans lequel elles s’étaient mises et remplacées par la BCE, le FMI etc.…
La dette grecque est maintenant due à des organisations internationales. Il est impossible juridiquement de renégocier avec ces organisations des remises de dettes, sauf à perdre pour un grand moment tout crédit auprès d’elles. De plus l’Union européenne telle qu’elle s’est développée diminue la marge de manœuvre de ses membres. Une union monétaire, c’est un ensemble d’économies gérées par la même monnaie. En l’occurrence la zone euro ne gère pas des économies ayant la même capacité, la même puissance. Le problème des pays de la zone euro n’est pas tant le déficit budgétaire, que la perte de compétitivité à l’international dans la zone et hors la zone. Aujourd’hui, refusant d’aider par des transferts les pays faibles, l’Allemagne se fonde sur le traité de stabilité budgétaire pour ne pas avoir à payer. Elle étrangle ainsi les économies du Sud, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et même la France où on a clairement décelé durant cette crise une sourde angoisse monter, ce qui ne peut pas durer. Les négociations entre pays et chefs d’Etats ont souvent connu des moments de tensions ; tout le monde se souvient du fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher.
L’Euro-groupe sur le Grexit a été très tendu et restera dans les mémoires comme l’un des moments les plus durs de l’histoire de « l’intégration européenne ». Au fond, cette crise grecque agit comme un puissant révélateur de tensions sous-jacentes entre Etats, et notamment les pays du sud et une Allemagne, omnipotente et brutale, dans le contexte de la crise et des déficits publics.
La monnaie unique est un slogan politique et en pratique une aberration économique.
La convergence est devenue un dogme quasi religieux. Or, on ne fait pas vivre dans une union monétaire des économies divergentes qui n’ont pas du tout le même potentiel. L’économiste Jacques Sapir avait dit un jour à propos de l’euro qu’il s’agissait « d’une monnaie parfaite, pour un monde parfait qui n’existe pas ». Pour lui, comme pour beaucoup d’observateurs « la crise grecque ne fait que commencer ».