UNE MINUTE DE SILENCE
Par Houssam Hatim
Stupeur, cris, tirs de Kalachnikov. L’année 2015 a été ponctuée d’attaques terroristes, parsemée d’actes de violence. Des vies violées, des corps meurtris nous ont plongés dans la tristesse et le désarroi. Ainsi, des minutes de silence se sont observées, en hommage aux victimes des attentats perpétrés dans plusieurs pays, dans des moments et lieux symboliques divers : Dans les stades, les parlements, les festivals… Sur l’ensemble des quatre coins du monde, les humains se sont figés pour des poignées de secondes, faisant face à l’essor de cette mouvance, pour commémorer et glorifier les morts.
Étreint par l’émotion, dévasté par le chagrin, je me sens concerné jusqu’à l’écœurement, impliqué jusqu’à la nausée, très proche des victimes et de leurs proches. Je suis attristé, moi aussi. Un terrible sentiment de déjà-vu s’empare de mon esprit après chaque attentat. Par conséquent, comme tous les citoyens du monde, comme l’indique le titre de mon article, je vous invite à me rejoindre pour penser à toutes les victimes de terrorisme, d’amalgame et de radicalisme ; quelles que soient leur couleur, leurs religions ou leurs pays. Puis, faire, de tout cœur, un court, un vrai, un beau et signifiant silence en lisant cet article.
Des scènes affreuses, dans l’abus le plus grotesque de la foi, ont fait trembler les montagnes avant de heurter les humains. Les tueries et les décapitations ignobles se sont accélérées, partout et sans distinction, dans un silence assourdissant. Dans la sauvagerie la plus totale. Dans le dénuement idéologique le plus absolu. C’est devenu prégnant, gardant des traces qui ne sauraient s’effacer dans le temps sans laisser de profondes blessures sur les visages et les esprits ravagés par les abjections commises et des effets qui tarderont à se dissiper. La terreur et la violence aveugle parcourent le monde et sèment la peur et la désolation, l’angoisse et la paranoïa. La planète, dite-bleue, est devenue rouge par le sang coulé des innocents, un terrain de conflits idéologiques, un théâtre d’une pièce macabre. Elle souffre, endure…va mal. C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal, écrivait Hannah Arendt. Ce constat demeure malheureusement plus que jamais de circonstance.
Dès lors, quelques questions, aussi simples que complexes, aussi naïves que cauteleux, me turlupinent et me martyrisent : Et si j’avais des enfants, comment pourrai-je leur expliquer ? Comment pourrai-je leur décrire le terrorisme, les tueries et le sang coulé partout ? Comment pourrai-je expliquer ce que peut sembler impossible à expliquer pour des adultes, et encore plus à comprendre quand on s’adresse à des enfants, ceux à qui on explique la mort d’un proche par un voyage lointain ?
« Une minute de silence » pourrait bien être le titre du roman de 2015, cette année qui n’en finit pas de ne pas finir.
La guerre contre le terrorisme doit être lancée avec force et pugnacité, mais elle doit aussi passer par l’éducation. C’est ce qu’affirmait Nelson Mandela :« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ». Pour sûr que bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis cette mémorable citation du légendaire sud-africain, mais toutes les contrées du monde s’en sont abreuvées et instituèrent ainsi, l’enseignement (ou pour mieux dire le combat contre l’analphabétisme) comme premier projet structurant pour leurs pays. Le développement humain des peuples passe indubitablement par un travail de fond sur leurs référentiels. C’est pour cette raison que les pays doivent miser sur la restructuration de leur arsenal juridique, en vue de donner à l’enseignement la place qui lui revient. Notre malheur, c’est qu’on s’enfonce, chaque jour encore plus, dans l’opacité de l’ignorance et de l’obscurantisme. Si on s’attarde à réagir pour arrêter ses escalades, je crains que le pire soit à venir.
Il est temps de faire de l’éducation un levier principal qui combine une formation adaptée à la culture de la paix, à l’éducation morale, à la citoyenneté mondiale, à l’intercompréhension culturelle, à la reconnaissance et au respect de l’Autre. Il est temps de sensibiliser aux notions de diversité et d’altérité, de tolérance et de respect, de la même manière que nous enseignons les sciences humaines, les sciences ou les langues. Il est temps que nos jeunes soient habitués à comprendre les autres, à être enclins à les accepter et à se montrer ouverts avec eux. Désormais, le choix à l’avenir est très clair : soit considérer ceux qui nous sont différents comme une menace pour notre propre culture, – l’approche fermée – soit les considérer comme une source d’enrichissement – l’approche ouverte.
« Avec des armes on peut tuer des terroristes, avec l’éducation on peut tuer le terrorisme.» – Malala Yousafzai
Ô Rois, Chefs d’Etats, Ministres, Politiques et Responsables…ce qu’il en adviendrait de vos pays si vous arriverez à faire de l’éducation l’objet d’une attention particulière, à réaffirmer l’urgence de positionner l’éducation – une éducation à la citoyenneté, prenant en compte droits, devoirs et responsabilités – comme base et socle commun du vivre ensemble.
Ô Professeurs et Enseignants… ce qu’il en adviendrait de vos pays si vous arriverez à prendre conscience de votre devoir et responsabilité d’apprendre à vos élèves et étudiants à coexister, et les initier au développement de ce désir qui constitue l’un des piliers essentiels des droits humains : la force de vouloir et de savoir vivre ensemble.
Ô Parents… ce qu’il en adviendrait de vos pays si vous arriverez à prendre conscience de votre influence pour façonner le monde à venir, de votre rôle primordial à bâtir notre futur, si vous arriverez à inculquer les valeurs de paix, de tolérance, de coexistence…d’Humanité ; et si vous arriverez à vacciner vos enfants, par le biais de l’éducation, contre l’amalgame, l’obscurantisme et la haine.
Ô Concitoyen.ne.s du monde, Martin Luther King disait : « Laissez la haine à ceux qui sont trop faibles pour aimer ». Je ne peux qu’être du même avis. Pleurez de rage, mais ne laissez pas la haine vous envahir. Ne répondez pas à la haine par la colère ; ne serait-ce que pour céder à l’ignorance qui a fait d’eux ce qu’ils sont ! La sécurité ne s’obtiendra que par l’amélioration de l’éducation et l’enseignement, et par le renforcement du respect des droits humains, sans discriminations, et non par leur renoncement.
Nous en sommes là, vivants. Notre présence, comme celle des futures générations, soulève une lueur d’espoir. Nous n’avons plus le droit de décevoir. Et parce que nous pouvons agir, nous en avons le devoir. Nous avons de l’influence, utilisons-la. Nous voulons la sécurité, faisons en sorte de l’obtenir.
Le monde, auquel j’aspire, on l’aurait deviné, c’est un espace avec une justice commune comme boussole, une démocratie affirmée, une égalité réelle entre les peuples. Le socle n’est pas assez solide. Chaque jour il s’effrite davantage. On ne peut progresser sur des fondations chancelantes. Le monde est à recréer.