Valéry Giscard d’Estaing faisait rayonner la France
Je laisserai à d’autres le soin d’évoquer le réformateur qui, à son départ de la présidence de la république, laissa un budget équilibré, sans aucun déficit, avec un taux de croissance moyen de près d’environ 4%, pour évoquer le dirigeant qui se montra souvent clairvoyant et courageux sur le plan géopolitique.
Tout d’abord, il convient de rappeler que Valery Giscard d’Estaing (VGE) rejoignit la Résistance à l’âge de 16 ans et s’engagea ensuite dans la 1re Armée du Général de Lattre de Tassigny où il combattit en Allemagne et en Autriche. Il fut décoré de la Croix de guerre, ce qui tranche avec ceux qui ne firent jamais la guerre ou furent décorés de la Francisque du régime de Vichy. Député depuis 1956, il vota l’investiture du Général de Gaulle puis, à 32 ans, il fut nommé secrétaire d’État aux Finances tout en étant un ardent partisan de l’Algérie française.
Nous l’avions connu à Courchevel où il était notre voisin au Jardin alpin, dans les années 1960-1970. Je le revis à l’Élysée après qu’il eut été élu à la fonction suprême en 1974. Au début de la guerre Irak-Iran, provoquée par Téhéran en septembre 1980, le député Alain Mayoud et moi (qui n’avais que 28 ans) fîmes un voyage en Irak et à notre retour nous lui remîmes un rapport détaillé. Giscard qui comprenait tout avant qu’on eût fini de lui expliquer, décida immédiatement d’intensifier l’aide à l’Irak contre le régime de Khomeiny.
Entre temps, je lui avais remis un rapport sur le Sahara marocain et la construction du mur de défense par le Royaume. Giscard était pro-marocain, au grand dam de Chirac qui jugeait alors que VGE allait «trop loin» en direction du Maroc dans l’affaire, hélas toujours d’actualité, du Sahara marocain. On sait que Valéry Giscard d’Estaing avait été le premier Chef d’État français à se rendre au Maroc, en 1975, et il avait un lien d’amitié très fort avec le Roi Hasan II qui le qualifiait de «copain»
C’est d’ailleurs grâce au Maroc que la France put réussir un certain nombre d’interventions en Afrique dont la célèbre expédition de Kolwezi en 1978. VGE et Hassan II se retrouvaient également sur leur politique africaine visant d’une part à préserver le continent de la lèpre communiste et, d’autre part, à tisser des relations fortes avec ce continent.
C’est la raison pour laquelle Valéry Giscard d’Estaing lança, en 1979 à Kigali puis en février 1980, dans le Golfe arabe, la belle idée du Trilogue dont la réalisation fut confiée au cher Henry Jean-Baptiste. Le Trilogue avait pour objet de «donner une expression politique aux solidarités entre les nations européennes, le monde arabe et l’Afrique». Lors d’un entretien télévisé à l’issue de la Conférence franco-africaine de mai 1980, VGE déclarait : «Il y a déjà une certaine communauté d’intérêt et de culture entre [nos pays]. Et à un moment où tous trouvent le monde instable et dangereux, le sentiment de sécurité et de stabilité du monde ne serait-il pas amélioré si chacun savait que les pays européens, les pays arabes, les pays africains établissent des relations stables et pacifiques ?»
C’est pourquoi il fallait poursuivre la politique arabe de la France inaugurée par le général de Gaulle et même la renforcer. En 1975, VGE avait eu la lucidité de faire ouvrir un bureau de l’OLP en France. Plus tard, il créa l’Institut du Monde arabe pour consolider la politique culturelle entre Paris et la nation arabe. Affirmant que la France est l’amie de tous les Libanais et pas d’une faction contre une autre, il s’était rendu au Liban en 1978, en pleine guerre civile, et avait décidé de faire participer l’Armée française à la FINUL lors de son déploiement au Sud du Liban suite à une première agression israélienne. Et j’ai rappelé comment le président français décida d’apporter son soutien à l’Irak contre l’Iran perse.
On lui doit encore d’avoir renforcé l’effort nucléaire de notre pays et d’avoir décidé que Kourou en Guyane serve de base de lancement des fusées françaises et internationales. Tout cela est tout de même infiniment plus important que la misérable affaire de diamants instrumentalisée contre Giscard qui pensait qu’il «faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison» avant de constater que le Chef de l’État centrafricain qui avait été chassé de son trône grâce à la France, «cherchait à se venger» avec la complicité de certains milieux et de médias colportant «des affabulations grotesques».
Certes, je n’approuverai jamais le tropisme européiste de Giscard, mais reconnaissons que celui-ci se développa quand les Allemagnes restaient heureusement divisées et la France était encore la grande puissance d’une Europe qu’elle pouvait espérer guider…
En tout cas, je n’oublierai pas qu’il fut le seul président depuis de Gaulle à se dire nationaliste, ni aussi atlantiste que soutiennent les uns, ni aussi antirusse que pensent les autres. Il avait l’amour de la France et de sa grandeur. Comme l’a écrit la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, c’était un «Président brillant, moderne, réformateur, innovant et courageux qui faisait rayonner la France dans le monde».