Le véritable enjeu de ce 7 octobre
Par Driss Jaydane, Journaliste, essayiste, philosophe, politologue et romancier
Souvenons-nous comment, au lendemain du 25 novembre 2011, un parti théocratique, mais qui, au prix de contorsions sémantiques au fond simplissimes, ayant su procéder à un subtil et non moins machiavélique ravalement de façade, acceptait, avec une satisfaction doublée d’une emphase non feintes, que lui soit attribué le qualificatif de parti providentiel. C’était l’expression toute faite, la doxa, une grande fête de la répétition ! Oui, sur toutes les bouches, une seule et même théorie, en boucle… Oui, c’était dit : un seul parti nous avait sauvé, de ce que d’aucuns, commentateurs de la semaine comme du dimanche, se plaisaient à donner, doctement, le nom de «chaos». Ainsi, nous avait-il, cet unique parti, garanti la paix sociale. Il nous avait protégés de l’abîme auquel nous semblions tous destinés… Depuis un certain 20 février.
Oui, le Parti dit de la Justice et du Développement, était devenu ce grand parti, victorieux à peu de frais, mais capable d’un miracle politique et social. Il inaugurait le nom, rare, de formation politique historiquement dé- terminée. Un grand soir, en somme… Cela aussi, était sur toutes les bouches, sur toutes les figures. Des plus béates aux plus grimaçantes. Quelle paresse intellectuelle et politique ! Quelle pauvreté analytique… Quel calcul facile. Et quelle confortable démagogie ! Et, par dessus tout, quel pouvoir donné à une formation élue par 1 million de marocains et des poussières. C’est-à-dire, s’il fallait faire un vrai calcul, pas grand-chose… Pour autant, quel pouvoir, quelle gloire, quelle entrée en fanfare, tout cela offert sur un plateau…
A des demi-stratèges hissant fièrement aussi, du même coup, le drapeau de ce qui n’est pas autre chose, en vérité, que cette vieille bigoterie à laquelle, partout, d’autres eurent et continuent d’avoir droit. Au fond, Péjidistes ou Evangélistes, mêmes combats. Et surtout, mêmes archaïsmes ! Alors, bien sûr, en ce 25 novembre-là, la Démocratie sortait grandie des urnes transparentes de notre vérité électorale… Et toujours, l’idée que les suffrages, – pour un parti qui dit les posséder en majorité, donneraient le droit de marquer de son empreinte l’histoire politique et sociale d’un pays. Mais, quelques années plus tard… Alors que nous votons ce 7 octobre prochain… Qui peut nier qu’en matière de Justice et de Développement, nous avons donné la majorité gouvernementale à un parti, qui, à la fin des fins, se sera montré tellement plus néo-libéral lorsqu’il s’agissait d’être social-libéral ? Mais… réellement conservateur ! Oui, d’un conservatisme qui, désormais, rejoint l’archaïsme… Un parti, une secte politique, produisant perpétuellement du « Présent régressif », un parti fort d’une idéologie qui n’aura cessé de séparer les marocains, donnant aux uns le nom de Vice et aux autres, – c’est-à-dire aux siens -, celui de la Vertu.
Alors qu’au lendemain du 25 novembre 2011, alors que nous possédions une nouvelle Constitution, il fallait, plutôt que les diviser, que de leur donner des ennemis – qui n’étaient finalement qu’eux-mêmes, à haïr, oui, il fallait les faire entrer les marocains, Femmes et Hommes, dans leur avenir. Alors ? Comment devenir le Maroc du 21ème siècle ? Ce grand pays, certes enraciné dans ses valeurs, – que le Péjidisme, au fond, ignore et méprise, – mais non pas enfermé par elles. Un pays qui ne peut plus être celui dont Paul Pascon disait que ses habitants, – les Marocains, ont «choisi de ne pas choisir»… Ces Marocains-là, ce Maroc-là, n’est plus… Aussi nostalgiques que soient les sentiments qu’il peut encore inspirer.
Aujourd’hui, ce que nous devons être exige de faire des choix qui détermineront l’avenir de nos enfants. De nos petits-enfants. Un grand pays où chacun aura la place qu’il mérite, par le Droit, le Travail, le Talent. Et ce, n’en déplaise aux tacticiens du retard, aux idéologues de l’enkystement… Comme aux nouveaux nostalgiques du népotisme. Alors ? Posons-nous une question… Pour qui voterons-nous le 7 octobre ? Et surtout, au nom de quoi? D’une simple et si facile, mais non moins perverse opposition entre le Vice et la Vertu ? Méfions-nous, car nous pourrions, encore une fois, tomber dans un énorme piège… Mais cette fois tendu différemment ! Et nous reconduirions un mensonge ! Ce ne serait pas celui d’un chaos auquel, nous avons échappé ; mais, cette fois bien pire: celui du choix, tellement simple, entre le Bien et le Mal… Sachant que le Péjidisme, c’est le Bien. Et que le Mal, c’est tout le reste !
Voilà, donc, ce que nous commande le scrutin du 7 octobre : de nous libérer de catégories théologiques ! Car le ciel politique est vide. Et il n’appartient pas à un parti de travailler, et à terme de posséder notre Salut ! Mais, d’abord et surtout de régler la question, tellement terrestre, et probablement trop bassement terrestre pour que ce Parti théocratique s’en occupe réellement… De l’Education… Publique, de la Santé… Publique, de l’Emploi des jeunes, de la lutte contre la grande vulnérabilité qui affecte près d’un quart de la population de notre pays… Oui, voter, le 7 octobre, est, au-delà de l’enjeu électoral, un « enjeu catégoriel », qui va permettre de distinguer entre le Politique et le Théocratique : l’avenir de notre pays, qu’on le veuille ou non, en dépend.