Vers un avenir plus durable : l’ammoniac vert
Les vastes ressources d’énergie solaire et éolienne du Maroc ont le potentiel de transformer le cercle vicieux actuel du lien alimentation-énergie-eau en un cycle vertueux dans lequel la fabrication d’engrais n’est pas seulement alimentée par des énergies renouvelables, mais l’ammoniac lui-même est produit à l’aide d’hydrogène vert comme à la place de l’hydrogène «gris» dérivé du gaz naturel.
OCP s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. En 2020, OCP a couvert 89% de ses besoins énergétiques par la cogénération et les énergies renouvelables. L’entreprise s’est fixée comme objectif intermédiaire de couvrir 100 % de ses besoins énergétiques d’ici 2030 avec la cogénération et les énergies renouvelables. Selon l’entreprise, OCP a satisfait 31% de ses besoins en eau avec des ressources en eau non conventionnelles, y compris les eaux usées traitées de Khouribga, Benguerir et Youssoufia, les trois villes à proximité desquelles se situent 92 % des opérations minières d’OCP, ainsi que l’eau de mer dessalée des usines de dessalement de Jorf Lasfar et Laayoune.
La dépendance croissante du Maroc à l’égard des usines de dessalement d’eau de mer par osmose inverse (SWRO) pour satisfaire les besoins industriels, agricoles et résidentiels nécessitera de nouveaux investissements importants dans la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, car les SWRO nécessitent 10 fois plus d’énergie pour produire le même volume d’eau comme traitement conventionnel des eaux de surface. Pour faire progresser la durabilité des opérations d’OCP et développer la production d’ammoniac vert, le Maroc devra trouver un équilibre prudent entre ses exportations d’engrais et sa volonté d’étendre ses exportations agricoles à haute valeur tout en fournissant simultanément suffisamment d’eau potable à sa population.
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La même année où le Maroc a réorganisé l’OCP, le royaume a lancé son Plan Maroc Vert (Plan Maroc Vert), qui en 2020 avait augmenté la valeur des exportations agricoles du pays de 117 % à environ 3,5 milliards de dollars et créé 342 000 nouveaux emplois. Le nouveau plan décennal successeur de Rabat, appelé Génération verte 2020-2030, vise à renforcer la résilience et la durabilité de la production agricole du pays. A cet effet, le Maroc a réalisé 65% de la construction d’une nouvelle usine de dessalement d’eau de mer à Agadir qui fournira de l’eau pour l’agriculture grâce à un système d’irrigation nouvellement construit ainsi que de l’eau potable pour les segments mal desservis de la population. Le plan de l’eau du royaume 2020-2050, qui comprend la construction de nouvelles usines de dessalement et de barrages ainsi que l’expansion des réseaux d’irrigation, est estimé à environ 40 milliards de dollars.
Avec les faibles ressources en gaz naturel du Maroc, OCP importe 1,5 à 2 millions de tonnes d’ammoniac par an. Au lieu d’importer de l’ammoniac synthétisé à partir d’hydrogène gris, le Maroc pourrait synthétiser de l’ammoniac vert à partir de l’hydrogène vert produit à partir de ses ressources énergétiques renouvelables nationales. La majeure partie des coûts de production de l’hydrogène vert, environ 70 %, provient de l’électricité nécessaire pour séparer l’eau en ses composants hydrogène et oxygène et pourrait être alimentée par les ressources d’énergie solaire du Maroc. En 2018, OCP a signé un accord de coopération avec un organisme de recherche allemand, l’Institut Fraunhofer, le plus grand institut de recherche en sciences appliquées d’Europe, pour développer un projet de fabrication d’hydrogène vert à Benguerir, en partenariat avec l’Institut marocain de recherche sur l’énergie solaire et les énergies nouvelles (IRESEN). Le projet reproduirait l’usine pilote de l’Institut Fraunhofer en Allemagne mais avec l’ajout d’une unité de synthèse d’ammoniac vert. OCP a investi 200 millions de dollars dans l’usine pilote d’une capacité de production annuelle de 1 460 tonnes d’ammoniac vert. Le groupe prévoit ainsi que la production d’ammoniac vert pourrait être augmentée à partir de l’usine pilote pour atteindre 600 000 tonnes par an et vise les marchés d’exportation européens et autres en plus de satisfaire ses besoins de production d’intrants.
La rapidité avec laquelle le Maroc remplacera réellement l’ammoniac gris dans sa fabrication d’engrais par de l’ammoniac vert respectueux du climat dépendra de la mesure dans laquelle Rabat donne la priorité aux exportations d’hydrogène vert par rapport à l’utilisation manufacturière nationale. En fin de compte, la durabilité de l’industrie marocaine des engrais nécessitera des dépenses d’investissement considérables pour développer son secteur embryonnaire de l’hydrogène vert et la capacité de production d’électricité supplémentaire à partir de sources d’énergie renouvelables dont elle a besoin.