Violences et de viols : La charge de la preuve un fardeau de plus pour les femmes
Les organisations de femmes réclament l’abolition de l’obligation de produire des preuves dans les affaires de violences et de viols. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ces organisations ont mis en lumière les obstacles auxquels les femmes, en particulier les victimes de violences, sont confrontées lorsqu’elles cherchent à obtenir justice.
Selon la Fédération des ligues des droits des femmes, l’un des plus grands défis réside dans la nécessité de prouver les actes de violence, ce qui impose un fardeau considérable aux victimes. Actuellement, la preuve repose souvent sur un certificat médical indiquant la durée de l’incapacité de travail, mais les organisations affirment que ce certificat ne reflète pas toujours les réelles souffrances subies par les femmes. De plus, le droit pénal marocain distingue différents degrés de violence en fonction de la durée de l’incapacité de travail.
Pour remédier à cette situation, la Fédération des Ligues des Droits des Femmes plaide en faveur d’une réforme des systèmes juridiques afin de donner davantage de poids aux témoignages des victimes, avec l’aide d’une expertise psychologique. Elle propose que la charge de la preuve incombe au ministère public, et insiste sur la nécessité de former le personnel judiciaire, policier et de gendarmerie pour faire face aux cas de violence. Les femmes qui dénoncent des violences ne cherchent pas toutes à accuser ou à se venger, mais plutôt à revendiquer leurs droits, souligne la fédération.
Selon Souad Benmassoud, coordinatrice de la lutte contre la violence de genre, les femmes du monde entier sont confrontées à des problèmes liés à la preuve, car il existe des formes de violence qui ne laissent aucune trace matérielle, malgré leur gravité. Elle appelle à renforcer le mécanisme de preuve en se basant sur les témoignages des femmes, en les accompagnant de travailleurs sociaux et de conseillers. Les preuves doivent servir les victimes et ne pas entraver leur accès à la justice, insiste-t-elle.
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La fédération suggère également qu’un expert judiciaire réalise une inspection immédiate dès qu’une femme victime de violences se présente aux autorités, afin de prouver l’agression à ce moment précis. Elle propose également que les centres de santé facilitent l’accès aux preuves et que le ministère public mette en place un guichet spécial pour ces cas. Ces mesures encourageraient les femmes à révéler ce qu’elles ont subi.
Par ailleurs, la fédération souligne que la législation marocaine ne protège pas suffisamment les femmes contre la violence. La loi actuelle sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes (103-13), en vigueur depuis 2018, ne couvre pas toutes les formes de violence, telles que les violences économiques, numériques et institutionnelles.
De plus, elle ne tient pas compte des réalités spécifiques des femmes vivant en zones rurales, qui sont souvent exposées à des violences multiples et structurelles. La fédération demande donc une révision de cette loi afin de l’harmoniser avec les traités internationaux que le Maroc a ratifiés.
La fédération appelle à alléger la charge de la preuve pour les femmes en offrant des preuves médicales gratuites en cas de violence, ainsi qu’en prenant en charge une partie des frais de l’expert judiciaire pour les femmes vulnérables financièrement et exposées à la violence. Elle souligne également la nécessité pour les autorités compétentes de revoir les formes de preuve actuellement utilisées, jugées injustes, et de recourir à des expertises génétiques dans les cas de viols ayant entraîné une grossesse.