Voisinage, frontières et obstacles à la paix : L’Afrique en devenir
L’Afrique a plusieurs tabous dont celui des frontières. Il est malséant d’en parler comme de parler d’une corde dans la maison d’un pendu. Et pourtant, le Larousse insiste sur les frontières comme un des éléments qui déterminent un pays, une Nation : un État souverain est vu comme délimité par des frontières territoriales établies, à l’intérieur desquelles des lois s’appliquent à une population permanente.
Certains pays en Afrique n’ont vu le jour qu’à la fin des colonisations européennes. Le découpage artificiel des pays, les frontières fixées arbitrairement, souvent à la règle, ont fait fi du respect dû aux peuples, aux ethnies, à l’Histoire. Si sage qu’a été la décision de l’OUA sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, et entérinées par l’ONU, il n’en demeure pas moins vrai que certains peuples continuent à en souffrir. La mémoire collective est là pour le rappeler aux gouvernants successifs. Les frontières artificielles auront été un cadeau empoisonné qui a contribué au retard pris dans le développement de l’Afrique.
Un tracé colonial et des différends frontaliers
Au moment des indépendances, les nouveaux États africains étaient confrontés aux conflits de contestations de frontières. Le nombre de différends frontaliers était impressionnant : trente-deux ! Pour dénoncer ce partage préjudiciable à la viabilité durable des Etats, les dirigeants africains, favorables à la remise en cause des frontières, réunis au sein du « Groupe de Casablanca » voulaient une refonte des frontières africaines en 1963.
D’autres dirigeants, à l’inverse, souhaitaient le maintien du tracé hérité de la colonisation. Pour ce second groupe appelé « Groupe de Monrovia », le statu quo territorial avait comme objectif la stabilité des frontières coloniales, permettant de sécuriser les confins des Etats africains nouvellement indépendants.
Ainsi, durant les premières années des indépendances africaines, une des préoccupations majeures des pères fondateurs fut la question de la configuration à donner aux frontières léguées par la colonisation. Fallait-il remettre en cause le tracé colonial et ouvrir la boîte de Pandore, ou accepter l’héritage colonial et permettre ainsi l’instauration d’un climat de sérénité et de paix dans les rapports interétatiques ?
C’est dans ce contexte de forte controverse au sujet des frontières des Etats africains, que la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) réunie au Caire, opta en faveur du « principe de l’intangibilité » des frontières en Afrique, le 21 juillet 1964. Ce principe « déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance». Interdiction est faite aux Etats membres d’exprimer toute revendication territoriale et de vouloir procéder à une modification du tracé colonial au détriment d’un Etat tiers. Le but étant d’empêcher les conflits dus aux remises en cause des frontières et de stabiliser les édifices étatiques hérités de la colonisation, mais ceux-ci continuent d’être une source persistante de conflits.
Conscients de la fragilité de leurs pays respectifs, délimités par des frontières artificielles et du danger que constituait le maintien d’une telle situation, certains dirigeants africains ont continué d’appeler à la remise en cause du tracé territorial colonial. Pour dénoncer ce partage préjudiciable à la viabilité durable des Etats, les dirigeants africains, favorables à la remise en cause des frontières, réunis au sein du « Groupe de Casablanca » voulaient une refonte des frontières africaines en 1963. Ce groupe réunit quelques-uns des plus importants dirigeants du continent, tels Gamal Abdel Nasser d’Egypte, Kwame Nkruma du Ghana, Modibo Keïta du Mali et Ahmed Sékou Touré de Guinée.