Zimbabwe: Mugabe poussé vers la sortie par son parti
Le règne du président du Zimbabwe Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980, ne semblait plus dimanche tenir qu’à un fil, après la décision humiliante de son parti de le limoger de la direction de la Zanu-PF, au lendemain de manifestations monstres exigeant son départ.
Dimanche, la Zanu-PF a évincé Robert Mugabe de la présidence de sa propre formation, qu’il contrôlait d’une main de fer depuis des décennies.
Il a été immédiatement remplacé par Emmerson Mnangagwa, le vice-président qu’il avait démis de ses fonctions le 6 novembre, a indiqué à l’AFP un membre de la Zanu-PF qui participait à une réunon en urgence du parti.
Ces décisions sont le point d’orgue d’une semaine où le président a perdu un à un tous ses soutiens: l’armée d’abord, qui a pris le contrôle du pays dans la nuit de mardi à mercredi; le peuple qui, toutes tendances politiques confondues, est descendu en masse dans la rue samedi; et ensuite la Zanu-PF, qui jusqu’à présent avait fait preuve d’une loyauté à toute épreuve vis-à-vis du « camarade Bob ».
L’éviction de Robert Mugabe de la présidence du parti a été saluée par des chants et des danses au quartier général de la Zanu-PF à Harare.
« Cette réunion historique marque le début d’une nouvelle ère », a lancé un cadre du parti, Obert Mpofu, qui présidait les débats.
Un scénario encore impensable il y a quelques jours.
Le président, désormais aux abois, devait rencontrer dimanche les militaires aux commandes du pays, qui tentent de lui arracher une reddition en douceur.
Les premières négociations jeudi avaient échoué: le chef de l’Etat âgé de 93 ans avait catégoriquement refusé de quitter la présidence.
« Il cherche à trouver une sortie digne », a avancé dimanche Chris Mutsvangwa, leader des anciens combattants de la guerre d’indépendance, un des anciens piliers du régime.
Cette organisation a lancé au vieil homme un ultimatum sans équivoque dimanche. « Il ferait mieux de renoncer », a prévenu Chris Mutsvangwa, « s’il ne le fait pas, l’armée doit en finir avec lui aujourd’hui ».
La pression n’a jamais été aussi forte sur Robert Mugabe.
Samedi, le Zimbabwe a connu l’une des plus grandes manifestations jamais organisées depuis son indépendance en 1980.
Des dizaines de milliers de personnes – des partisans de la Zanu-PF comme de l’opposition – ont déferlé dans les rues d’Harare pour appuyer l’intervention de l’armée et demander au vieux dirigeant de partir.
« Repose en paix Mugabe », « Non à la dynastie Mugabe », « L’armée du Zimbabwe, voix du peuple », proclamaient des affiches brandies par des manifestants euphoriques.
L’armée est intervenue dans la nuit de mardi à mercredi après la destitution le 6 novembre du vice-président Emmerson Mnangagwa, ennemi juré de la Première dame.
Les militaires n’ont pas accepté la perspective que Grace Mugabe se retrouve en position de favorite pour succéder, le moment venu, à son mari, le plus vieux dirigeant en exercice au monde.
« Il est fâcheux que le président lui ait permis d’usurper son autorité, détruisant ainsi le parti et le gouvernement« , a déploré dimanche la ligue des jeunes de la Zanu-PF qui a demandé l’éviction « à tout jamais » de Grace Mugabe du parti.
« Elle et ses proches associés ont profité ces cinq dernières années de la santé fragile » du président pour « usurper le pouvoir et piller les ressources de l’Etat », a renchéri Obert Mpofu, salutant le « joli travail » des militaires.
Emmerson Mnangagwa est désormais pressenti pour prendre la tête d’une éventuelle transition politique. A 75 ans, cet ancien fidèle du président Mugabe n’a pas été vu en public depuis son éviction.
Mais ses portraits ont été acclamés samedi dans les rues de la capitale, où des manifestants arboraient fièrement tout objet en forme de crocodile, le surnom de l’ancien vice-président, un homme connu pour son caractère impitoyable.
Jusqu’à présent, l’armée tente de négocier à l’amiable le départ du président Mugabe. Elle l’a même laissé se rendre vendredi à une cérémonie de remise de diplômes universitaires à Harare.
L’armée tente de « le traiter avec respect et dignité », selon Anthoni van Nieuwkerk de l’université de Witwatersrand à Johannesburg, afin de mettre au plus vite un terme à ce coup de force militaire.
L’affaire n’est pas cependant aisée. Le président Mugabe a la réputation d’être coriace et un fin tacticien. Avant la crise, il avait déjà annoncé son intention de briguer un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle en 2018.
Il a plongé le pays dans une crise économique abyssale. Le pays manque cruellement de liquidités, obligeant les citoyens à faire la queue pendant de longues heures devant les banques, et affiche un taux de chômage d’environ 90%.