2024-2025 : Analyse et projections de l’économie marocaine

Par Abdelghani Youmni (*)

L’économie mondiale évolue à un rythme effréné sur le plan macroéconomique, tandis que les transformations microéconomiques peinent à suivre. Dans un climat marqué par les risques, des guerres des monnaies et des incertitudes géopolitiques, la volatilité des marchés s’accentue. La prépondérance des portefeuilles de dettes à long terme contraste avec la faiblesse des placements boursiers à court terme. Ces réelles préoccupations s’ajoutent à la montée du protectionnisme qui exerce une pression sur le libre-échange, alimentant la montée des tarifs douaniers. La croissance économique mondiale reste tributaire de deux facteurs essentiels : la confiance et la circulation des capitaux.

Pour l’heure, l’atténuation des déséquilibres entre l’offre et la demande, le recul des pressions de fret et de conflits mondialisés sur les hydrocarbures et sur les céréales ont permis un fléchissement de l’inflation. Cette impression d’immunisation a donné de l’espoir aux banques centrales. Aux Etats-Unis, la Fed a abaissé ses taux directeurs de 0.25 point à trois reprises. En zone euro, la BCE les a réduits de 4% à 3% en un an pour atteindre 2.5% à la fin de 2025.

Ces dynamiques globales trouvent écho dans les défis spécifiques auxquels le Maroc a été confronté en 2024. L’année avait débuté sous le signe de l’inflation, du chômage et de sécheresse. Néanmoins, le caractère résilient de l’économie nationale s’est confirmé avec une croissance à 3.1% conjuguée à sa spécificité de ne pas tomber dans le guêpier de l’inflation. Selon, le Haut-Commissariat au Plan (HCP), le dernier trimestre a connu un ralentissement à 3% après un pic à 4% au trimestre de l’été.

Dans ce contexte, les secteurs clés de l’économie du royaume ont connu des évolutions tempérées. L’agriculture a subi en raison des conditions climatiques une baisse de 5.3% alors que l’industrie extractive soutenue par la demande extérieure a connu une croissance de 6.8%. Les industries manufacturières ont progressé de 3.6%. Puis enfin le secteur touristique dont le chiffre a culminé à plus de 17 millions de visiteurs, sa contribution au PIB pourrait passer de 7.1 à 7.5 % d’ici 2030.

Lire aussi : L’économie mondiale devra progresser de 2,7% en 2025-26 et de 4% dans les pays en développement

Toutefois, réduire l’analyse économique marocaine à des chiffres serait simpliste. Malgré les mesures sociales saluées par les institutions internationales, le pays reste confronté à une flambée des prix non compensée par une hausse des salaires, d’une pauvreté menaçant les équilibres démographiques régionaux, un chômage des jeunes persistant et une dépendance aux exportations vers la zone euro et à l’agriculture.

Qu’attendre de 2025 ?  Les ambitions ciblent une croissance économique à 4.5%, bien qu’un taux de 3.8 à 4% serait plus réaliste, en raison d’une pluviométrie faible compromettant une croissance agricole attendue à 11%. Cette dynamique repose sur des projets d’infrastructures ambitieux. Ils seront financés par un investissement public de 325 milliards de dirhams et une transition énergétique destinée à réduire significativement la facture des hydrocarbures importés, y compris le pétrole et le gaz.

La politique monétaire adoptée est macro prudentielle, elle défend la robustesse du dirham et tente de maîtriser l’inflation. Puis, elle réussit le triple pivot d’être ni neutre ni restrictive, de renforcer les réserves, de maîtriser la dette et de favoriser les réformes pour relancer la croissance.

Le gouvernement vise également à maintenir le déficit budgétaire sous les 3.5% du PIB grâce à des mesures de lutte contre la fraude fiscale et de réformes de TVA et de l’IS. Bien que la dette atteigne 70% du PIB, elle reste soutenable, avec 80% détenus par l’épargne locale minimisant ainsi les risques liés au change.

Ce choix cornélien entre maîtrise de la dette publique et soutien au pouvoir d’achat rend le coût social de l’arbitrage très élevé. Le défi est colossal, une des clés réside dans une stratégie économique de croissance de long terme ciblant en priorité l’emploi régionalisé des jeunes dans les villes et dans les campagnes et l’entreprenariat manufacturier et numérique.

Au-delà de 2025, le Maroc en route pour devenir un pays émergent, devra s’appuyer sur cinq piliers stratégiques  : 1/Tirer parti du dividende démographique résultant de l’achèvement de la transition 2/ réformer la retraite sans pression sur les  revenus nets et sur les prélèvements obligatoires financés par les entreprises 3/ bâtir une souveraineté hydrique et alimentaire  face  aux défis climatiques 4/ réaffirmer la vocation maritime du royaume 5/ Réinventer l’école pour relever les défis technologiques et économiques. n

(*) Economiste, Spécialiste des Politiques Publiques

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