Attentats au Sri Lanka: le chef jihadiste Zahran Hashim était l’un des kamikazes
Le Sri Lanka a annoncé vendredi que le chef du groupe accusé des attentats jihadistes de Pâques, Zahran Hashim, avait péri en perpétrant l’une des attaques suicides qui ont fait 253 morts dans l’île d’Asie du Sud, où les tensions restent vives.
Tandis que des capitales multiplient les mises en garde à leurs concitoyens, le Sri Lanka s’attend à ce que le carnage fasse chuter de 30% sur l’année les arrivées de voyageurs. Cette baisse pourrait causer jusqu’à 1,5 milliard de dollars de pertes de revenus au secteur touristique.
Activement recherché par les autorités depuis cinq jours, Zahran Hashim était le chef du National Thowheeth Jama’ath (NTJ), mouvement jihadiste local accusé par Colombo d’avoir perpétré ces attentats dans des églises et des hôtels de luxe dimanche. Son sort était jusqu’ici inconnu et il faisait figure de suspect numéro un dans la chasse à l’homme.
Zahran Hashim a mené l’attaque suicide contre l’hôtel Shangri-La de la capitale avec un second kamikaze, a annoncé vendredi le président Maithripala Sirisena. Des tests ADN sur une tête arrachée ont permis de confirmer son décès, a rapporté à l’AFP un responsable policier.
Zahran Hashim apparaissait sur une vidéo publiée par le groupe jihadiste État islamique (EI), qui a revendiqué le bain de sang, où on le voyait mener sept hommes dans un serment d’allégeance au chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi. Il était âgé d’une quarantaine d’années et originaire de la région orientale de Batticaloa, où l’un des kamikazes a frappé dimanche une église évangélique en pleine messe de Pâques.
La traque de suspects se poursuivait vendredi dans le pays de 21 millions d’habitants, où au moins 74 personnes ont été interpellées depuis dimanche.
« Nous avons maintenant des informations selon lesquelles il y a environ 140 personnes au Sri Lanka liées à l’État islamique, nous pouvons et allons toutes les éradiquer très vite« , a lancé le président Sirisena, annonçant qu’une loi allait être votée pour interdire les groupes islamistes.
Pour des raisons de sécurité, les églises catholiques à travers le pays sont fermées jusqu’à nouvel ordre. Certaines mosquées ont annulé les prières du vendredi et celles qui les ont tenues ont souvent accueilli une assemblée clairsemée, sous haute sécurité.
Les musulmans sri-lankais craignent d’être victimes de représailles de la part d’autres communautés, mais également des islamistes radicaux après que les leaders religieux ont refusé que les kamikazes soient enterrés dans les mosquées du pays.
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« Nous n’avons pas peur. Nous devons mourir un jour et cela peut survenir n’importe où« , a déclaré Reyyaz Salley, directeur de la mosquée Dawatagaha Jumma de Colombo, qui ne comptait vendredi qu’une centaine de fidèles contre un maximum de 700 en temps normal.
Plusieurs nations occidentales ont appelé leurs ressortissants à éviter de se rendre au Sri Lanka ou à quitter le pays s’ils s’y trouvent. L’Australie a même jugé « probable » que de nouveaux attentats y soient commis. En Belgique, le ministère des Affaires étrangères a annoncé vendredi que « tous les voyages non essentiels au Sri Lanka sont désormais déconseillés« .
Des centaines de Néerlandais se trouvant au Sri Lanka vont être rapatriés aux Pays-Bas, a annoncé un fonds de garantie actif dans le tourisme. Le voyagiste britannique TUI va lui rapatrier tous ses clients et annuler les voyages vendus pour cette destination.
Dans cette atmosphère fébrile, le tourisme sera le secteur économique « le plus durement affecté« , a déclaré à la presse le ministre des Finances sri-lankais Mangala Samaraweera. « Nous nous attendons à une baisse de 30% des arrivées et cela signifie une perte d’environ 1,5 milliard de dollars. »
L’île, prisée pour ses plages idylliques et sa nature verdoyante, avait connu une année record en 2018 avec 2,33 millions de touristes. Elle espérait générer cinq milliards de dollars de revenus en 2019, contre 4,4 l’année dernière.
Se basant sur les précédents de pays touchés par des attentats — comme la France, la Belgique, l’Espagne ou la Tunisie –, M. Samaraweera a estimé que le secteur pouvait espérer un retour à la normale d’ici deux ans.
Les autorités sont sur la défensive face à la polémique croissante sur l’incapacité du Sri Lanka à empêcher ce massacre, alors qu’il disposait d’informations préalables très précises. Le chef de la police et le plus haut responsable du ministère de la Défense ont déjà dû démissionner.
Une alerte rédigée le 11 avril par le chef de la police, prévenant que le NTJ préparait des attentats, n’a pas été communiquée au Premier ministre et à des ministres de haut rang, dans un contexte de lutte de pouvoir entre le chef de gouvernement Ranil Wickemesinghe et le président Sirisena – qui est également ministre de l’Intérieur et de la Défense.
L’archevêque de Colombo a dit vendredi s’être senti « trahi » en apprenant que les autorités disposaient de renseignements qui auraient pu éviter le drame. « Je me suis senti un peu trahi. Je me suis senti triste« , a déclaré Malcolm Ranjith en conférence de presse.
Le cardinal a raconté avoir demandé en vain une explication aux responsables du gouvernement: « ils disent tous +je ne savais rien de ça+. Tout le monde se refile la patate chaude.«
Colombo a revu jeudi en forte baisse le bilan des attentats, passé de 359 à 253 morts, en expliquant que des corps terriblement mutilés avaient été comptés plusieurs fois.
La police s’est aussi trouvée dans l’embarras lorsqu’elle a publié par erreur la photo d’une Américaine musulmane dans un avis de recherche de six suspects. « Quelle surprise au réveil !« , s’est exclamée l’intéressée sur Facebook.
Avec AFP