Etats-Unis – Iran : vers un apaisement des tensions ?
Vendredi 3 janvier 2019, la figure emblématique de l’hégémonie iranienne, Qassem Soleimani, a été assassinée suite aux instructions du Président Trump. Une attaque qui a suscité de nombreuses craintes de la communauté internationale.
Qui était Soleimani ?
Qassem Soleimani, né en 1957, est mort à l’âge de 62 ans, lors d’un raid américain à l’aéroport de Baghdad. Depuis la Révolution iranienne en 1979, il a gravi les échelons au fur et à mesure de ses missions, avant d’être nommé en 1998 chef de la Force Al-Qods et des forces spéciales des Gardiens de la Révolution. La force Al-Qods, créée par Khomeini, est une branche des Gardiens de la Révolution qui a pour but d’exporter la Révolution iranienne. Soleimani a alors joué un rôle majeur dans la propagation de l’influence iranienne dans la région, notamment en Syrie, au Yémen, en Irak ou encore au Liban, où il a contribué à la formation du Hezbollah. Agissant en homme de l’ombre, il incarne le visage de la puissance iranienne, le numéro 2 du régime, avant même le Président Rohani. Adulé par les pro-Iraniens, son décès a ravivé les tensions entre les deux pays. Donald Trump a justifié cet assassinat par la nécessité de protéger la vie des Américains sur place, menacés, quelques jours après des attaques contre l’ambassade des Etats-Unis par des manifestants pro-Iran. Mais cette attaque a mis le feu au poudre et a été perçue par les pro-Iraniens comme un appel à la guerre.
Iran –Etats-Unis : des ennemis de longue date
Les relations entre les Etats-Unis et l’Iran ont toujours été très tumultueuses. Déjà, en 1953, le Premier Ministre Iranien Mossadegh décide de nationaliser des compagnies pétrolières de l’Anglo-Iranian Oil Company. L’opération secrète « Ajax » sera alors menée par le Royaume-Uni et les Etats-Unis, afin de le renverser. En 1979, lors de la Révolution iranienne qui a renversé le Shah soutenu par les Américains, des étudiants prennent d’assaut l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, exigeant l’extradition du Shah. 52 diplomates américains avaient alors été retenus en otage pendant 444 jours. Jimmy Carter rompra les relations diplomatiques peu de temps après. En 1988, dans le détroit d’Ormuz, un navire américain lance un missile sur un avion de la compagnie Iran Air qui tue les 290 personnes à bord. Un « accident » qui va raviver les tensions des deux côtés. Bill Clinton imposera en 1995 un embargo économique pour éviter que l’Iran puisse acquérir la bombe nucléaire. En 2002, quelques mois après les évènements du 11 septembre, Georges W. Bush, lancé dans sa guerre contre le terrorisme après une intervention en Afghanistan, qualifie la Corée du Nord, l’Irak et l’Iran de former l’Axe du mal qui menace la paix dans le monde. En 2013, l’arrivée de Rohani, coïncide avec l’arrivée d’Obama et permettra de renouer les relations diplomatiques entre les deux pays. L’accord de Vienne visant à encadrer les activités nucléaires de l’Iran et à lever les sanctions économiques sera signé en 2015. Mais coup de théâtre, la sortie de Trump de cet accord va changer la donne, l’embargo américain est de retour et l’économie iranienne en péril.
Un retour au calme après les déclarations de Trump ?
L’embargo américain a valu l’asphyxie de l’économie iranienne, fortement dépendante de l’exportation du pétrole, ce qui a provoqué l’ire des Iraniens. Toutefois, bien que l’Iran soit affaibli et que Washington ait appelé à la désescalade, le meurtre d’une figure puissante, en sol irakien, par un drone, a créé une véritable colère, voire un sentiment d’humiliation. Une attaque qui a donné lieu à plusieurs déclarations inquiétantes de responsables pro-Iran, qui ont appelé à une vengeance qui aurait lieu, « au bon endroit et au bon moment », ainsi qu’à une éventuelle attaque visant Israël en cas de nouvelles représailles des Américains. La riposte ne s’est pas fait attendre, les Iraniens ont lancé plusieurs roquettes visant des bases utilisées par l’armée américaine en Irak.
Lors de la conférence de presse du mercredi 8 janvier, Donald Trump a exprimé son souhait d’une désescalade militaire, privilégiant plutôt des sanctions économiques. Il a appelé certains pays européens à se retirer de l’accord sur le nucléaire et annoncé qu’il allait demander à l’OTAN de s’impliquer davantage dans la région du Moyen-Orient. “Le monde civilisé doit envoyer un message fort et unifié en disant: ‘votre campagne d’atrocités et de meurtres ne sera plus tolérée dorénavant’”, a-t-il ajouté.
Il a terminé sa conférence de presse en assurant que les États-Unis sont prêts à la paix avec tous ceux qui la veulent. Mais ces déclarations n’ont, visiblement, pas suffi à apaiser les tensions, puisque de nouvelles roquettes ont été dirigées vers la « zone verte » en Irak, pour venger, cette fois-ci, Abou Mahdi Al-Mouhandis, tué en même temps que Soleimani. L’issue de ce conflit demeure incertaine, et la réaction des pro-Iran plus imprévisible que jamais.