Chloroquine : Lueur d’espoir ou excès d’optimisme ?
On ne le sait que trop bien, il n’existe, à ce jour, aucun traitement contre le Covid-19, alors que l’épidémie ne cesse de progresser. La chloroquine, devenue symbole de l’espoir dans le monde, est désormais sur toutes les lèvres. Au Maroc, le ministère de la Santé a annoncé, le lundi 23 mars, «l’introduction de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine dans la prise en charge thérapeutique des cas confirmés de covid-19», à l’instar de plusieurs autres pays, notamment, la France. Tandis que l’OMS a appelé, pour sa part, à la prudence.
Depuis quelques temps, la Chloroquine suscite un débat controversé dans les milieux scientifiques et médicaux, notamment en France. Utilisée depuis1949, cette molécule synthétique est commercialisée par le laboratoire SANOFI, sous le nom de «Nivaquine ». Elle est normalement prescrite pour réduire l’inflammation dans certaines maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde. Il s’agit également d’un traitement recommandé dans les zones infestées par le parasite du paludisme, transmis par les moustiques.
Tandis que l’hydroxychloroquine dont la molécule possède un atome d’oxygène et d’hydrogène en plus que la chloroquine, est commercialisé sous le nom de «Plaquenil». Chloroquine, le médicament qui fait débat. Ce médicament serait mieux toléré, selon de nombreux scientifiques, et figure sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS (2019).
Ce vieux remède utilisé depuis environ 70 ans, est ressorti du tiroir, récemment, lorsque des chercheurs de l’université de Pékin avaient tenté de démontrer l’efficacité de cette molécule, à l’occasion d’un essai clinique sur des cellules en laboratoire.
Plus récemment, le professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille, a dévoilé, le lundi 16 mars, les premiers résultats positifs de ses essais cliniques sur 24 patients atteints du coronavirus. En revanche, les trois quarts n’étaient plus porteurs du virus après six jours.
Ce chercheur, qui travaille depuis plus de 20 ans avec ses équipes sur la chloroquine contre les infections bactériennes intracellulaires, est le premier à présenter des essais qui semblent concluants sur des patients humains, nourrissant ainsi les espoirs de milliers de malades, à travers le monde.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne semble pas partager le même niveau d’optimisme avec les adeptes de ce protocole médical.
Dans un entretien avec le journal français «le Parisien», le professeur Raoult a jugé «immoral» de ne pas administrer la chloroquine aux malades du Covid-19 dès maintenant. Pour cet infectiologue, «la Nivaquine est plutôt moins toxique que le Doliprane ou l’aspirine pris à forte dose. En tout état de cause, un médicament ne doit pas être pris à la légère et doit toujours être prescrit par un médecin généraliste».
Ses propos ont fait écho partout dans le monde à tel point qu’il est devenu, désormais, le sujet numéro 1 sur les plateaux télévisés, notamment, en France.
Depuis le lundi 23 mars, le Haut Conseil de Santé publique a statué sur l’usage de la chloroquine dans l’Hexagone. Selon le ministre français de la Santé, «cette molécule pourra désormais être administrée aux malades souffrant de formes graves du coronavirus, mais ne doit pas être utilisée pour des formes moins sévères». Un arrêté encadrant le recours à ce traitement sera pris imminemment.
En Europe, un essai clinique a démarré, dimanche dernier, dans au moins sept pays, pour quatre traitements expérimentaux.
Tandis que le Président américain, lui, a évoqué cet antipaludéen comme un possible «don du ciel», qui pourrait selon lui «vraiment changer la donne». Mais, en entendant leur Chef d’Etat aussi confiant, un couple américain de l’Etat de l’Arizona a ingéré, par automédication, de la Chloroquine, par conséquent, l’homme est décédé, dans la nuit, par crise cardiaque, alors que sa femme est toujours dans un état critique.
Au Maroc, le département de Khalid Ait Taleb a autorisé le recours à un protocole de ce traitement miracle pour certains, en concertation avec le Comité technique et scientifique du programme national de prévention et du contrôle de la grippe et des infections respiratoires aigües sévères.
Dans une note circulaire adressée aux directeurs des Centres hospitaliers universitaires et directeurs régionaux de la Santé, le ministère de tutelle a annoncé, le lundi 23 mars, «l’introduction de la Chloroquine et de l’Hydroxychloroquine dans la prise en charge thérapeutique des cas confirmés Covid-19».
Toutefois, le département de la Santé a appelé au respect des différents aspects relatifs à la gestion des stocks de ce médicament et à la gestion rationnelle de ces produits. Les stocks seront ainsi gérés par les responsables des unités régionales d’approvisionnement et de la pharmacie, dans un local sécurisé; avec une liste de délivrance nominative. Notons que toute prescription doit être réalisée sur ordonnance nominative, accompagnée des informations nécessaires conditionnant la délivrance du médicament.
De son côté, l’Algérie a également annoncé, en début de semaine, avoir adopté cette même molécule pour les «cas aigus» et relancé sa production locale, selon un communiqué officiel. Alors que le Président de la République démocratique du Congo a déclaré qu’il était «urgent» de produire de la chloroquine «en quantité industrielle » face au coronavirus.
Le Koweït, pour sa part, n’a pas tardé à retirer ce médicament des pharmacies privées pour les réserver aux centres hospitaliers, selon l’agence officielle KUNA. Dans le même registre, le gouvernement indien vient d’annoncer l’interdiction, avec effet immédiat de l’exportation de l’hydroxycloroquine, pour assurer une disponibilité suffisante du médicament sur le marché intérieur.
Cependant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne semble pas partager le même niveau d’optimisme avec les adeptes de ce protocole médical. Dans une conférence de presse virtuelle depuis Genève, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus a affirmé que «des études réduites et non randomisées, réalisées à partir d’observations, ne nous apporteront pas les réponses dont nous avons besoin», appelant donc à la prudence et insistant sur la nécessité d’attendre de vastes essais cliniques menés selon la stricte orthodoxie scientifique.