Logo d’Agadir : Ce que cache réellement la polémique du plagiat
Dévoilé vendredi dernier à la wilaya d’Agadir, le nouveau logo de la ville a suscité une grande polémique au sein de la communauté artistique et sur les réseaux sociaux. Signé par l’artiste marocain Mohamed Melehi, beaucoup n’y ont vu qu’une pâle copie du logo de la ville du Caire. Plagiat ou non, il semblerait que ces considérations esthétiques cachent en réalité d’autres questions plus préoccupantes.
À peine dévoilée, la nouvelle charte visuelle de la ville d’Agadir ne semble pas faire l’unanimité ce qui risque de rendre sa promotion plus compliquée que prévu. En effet, peu de temps après avoir été révélé, le logo de la ville a valu à la mairie d’Agadir beaucoup de critiques, notamment sur les réseaux sociaux. Principal grief retenu contre « l’œuvre » ? Une ressemblance troublante avec un autre logo, celui de la ville du Caire. Il n’en a pas fallu plus pour crier au plagiat. Pour faire taire la polémique, l’auteur du logo, l’artiste Mohamed Melehi, s’est expliqué, se disant surpris de ces rumeurs et affirmant avoir puisé son inspiration de la fibule, bijou amazigh ancré dans la culture marocaine. Par ailleurs, l’écriture du mot « Agadir » en style coufique serait un hommage de l’artiste aux grands architectes disparus de la reconstruction d’Agadir, mais aussi aux pôles universitaires présents dans la ville. Artiste qu’on ne présente plus, Mohamed Melehi est bien connu du monde de la peinture et de l’art plastique au niveau mondial et est souvent décrit comme le précurseur et le porte-étendard de l’art contemporain marocain. Pas plus tard qu’en ce début année, une de ses peintures (The Blacks) a été adjugée à plus de 5 millions de dirhams lors d’une vente aux enchères de Sotheby’s battant ainsi tous les records de ventes de la prestigieuse maison londonienne consacrées à l’art moderne contemporain en Afrique et au Moyen-Orient.
Le logo de la discorde
Sauf qu’au-delà de cette polémique de plagiat qui reste d’ordre esthétique, qui reste un point de vue subjectif, le logo de la ville d’Agadir soulève d’autres questions plus préoccupantes, notamment concernant la bonne gouvernance du Conseil de ville. En effet, beaucoup des personnes contactées par MAROC DIPLOMATIQUE s’interrogent sur le bien-fondé de ce changement d’identité visuelle à l’heure où la ville avait déjà un logo, élaboré en 2006 par un autre designer marocain connu, Hicham Lahlou. « Une identité visuelle prend énormément de temps pour s’affirmer au niveau national et international. L’ancien logo commençait déjà à se faire connaître. Combien de temps faudra-t-il pour promouvoir le nouveau ? », se demande Mostafa Elyassa, ancien vice-président de la Commune d’Agadir. Pourtant, rien n’empêche une révision comme ce qu’avait fait la ville de Paris en 2019. « Il est légitime d’actualiser cette identité en effet, mais à Paris, il était plus question de réactualisation. La ville a gardé le symbole du voilier et tout le monde qu’il s’agit de Paris, car ce n’est pas un changement radical », ajoute Elyassa.
Qui veut la peau du PJD ?
Juste une question de repères finalement ? Pas si sûr. Porté par la toute récente société de développement local (SDL) Agadir Souss-Massa dans le cadre du programme de développement urbain de la ville 2020-2024, le projet d’identité visuelle a été confié à l’entreprise CMOOA Ambitions, dirigée par Hicham Daoudi. Or, le deal se serait passé en catimini. « La manière avec laquelle le marché s’est conclu n’est pas correcte et m’a choqué. Nous n’avons vu aucun appel d’offres », s’indigne un artiste de la ville. « De tels projets doivent être transparents, comme c’était le cas avec le logo du Boraq [Ligne à grande vitesse, NDLR]. Il y a eu un concours et un budget correct lui avait été attribué. Ce n’est pas le cas du logo de la ville d’Agadir », nous explique cet artiste. Des accusations que rejette fermement Hicham Daoudi. Joint par MAROC DIPLOMATIQUE, le patron de CMOOA Ambitions soutient qu’il ne s’agissait absolument pas d’argent. « Cette prestation offerte par mon entreprise est très modeste, elle n’est vraiment pas un enjeu économique pour ma structure », nous affirme Daoudi pour qui ce projet relevait plus d’une volonté de contribuer au rayonnement de la ville. « La région du Souss est extrêmement riche et a beaucoup à nous apprendre. J’ai donc voulu accompagner un projet avec des challenges nouveaux où j’aurai forcément appris quelque chose à la fin ».
Pourquoi alors personne n’a dénoncé le projet avant la polémique du plagiat ? « Personne n’a communiqué à ce sujet, car l’intermédiaire de ce projet n’est autre qu’un collectionneur influent, qui fait la promotion des artistes locaux », nous confie une source bien informée. Contacté par MAROC DIPLOMATIQUE afin de démêler les fils de cette histoire, le maire PJDiste de la ville, Salah El Mellouki, n’a pas souhaité répondre à nos questions, précisant qu’une réunion du Conseil était prévue afin de voter l’adoption de ce logo. En attendant, les questions restent en suspens et les frustrations se font ressentir. En effet, même si le montant du projet n’a pas été dévoilé, des acteurs de la ville se doutent qu’il coûtera surement plus cher notamment dans son déploiement sur plusieurs supports de la ville afin de remplacer l’ancien. Des dépenses que d’aucuns jugent superflues, surtout en contexte de crise pandémique. Sans compter que ces frustrations viennent s’ajouter à d’autres et qui pointent toutes du doigt la gestion par les élus du PJD des projets du Conseil de la ville et des budgets votés.