Affaire Brahim Ghali : De Boumediene à Franco, ou quand le Maroc affronte leurs héritiers cacochymes
Par Hassan Alaoui
On savait l’extrême droite ou tout simplement la droite espagnole foncièrement anti-marocaine. Le Parti populaire, notamment sous José Maria Aznar, nous en avait distillé de son irascible hostilité jusqu’au point de pactiser avec le gouvernement algérien. Et dans l’affaire du Sahara marocain en l’occurrence, l’Espagne – hormis l’intermède du Roi Juan Carlos et de son premier ministre de transition, modéré Adolfo Suarez, à l’époque de la décolonisation du Sahara – constituera toujours un cas de psychanalyse collective, un « acte manqué » mal géré, sur lequel le gouvernement algérien ne cesse de jouer et continue d’instrumentaliser.
On rappellera au passage que le polisario avait été créé en mai 1973 à Zouerate, entre autres, par les services algérien et franquiste, sous la double et troublante obédience de Kasdi Merbah, puissant patron du DRS algérien et le colonel Rodriguez de Viguri, adjoint du général Salazar, tous deux ayant sévi au Sahara, dit « espagnol ». Etrange rapprochement entre les services d’une Algérie qui se proclamait « république socialiste » et ceux du pouvoir espagnol dirigé d’une main de fer fasciste par le généralissime Franco. Or, le pacte entre Franco et Boumediene que l’on qualifierait de faustien n’obéissait à vrai dire qu’à un seul but : empêcher le Royaume du Maroc de récupérer son Sahara, peu importaient les principes, ici prétendument « révolutionnaires », là hypercoloniaux.
Il rexiste en effet une tradition de rapprochement plutôt indicible entre les systèmes militaires d’Espagne franquiste et algérien, ne serait-ce qu’au niveau de l’hostilité partagée contre le Maroc avec un dénominateur commun : le retour au Maroc du Sahara que la droite espagnole n’a pas digérée et que l’Algérie entend conquérir par polisario interposé. C’est peu dire, en effet, que la relation entre les services de renseignement espagnols et algériens ne date pas d’aujourd’hui. Et l’épisode de l’hospitalisation soigneusement organisée du chef du polisario nous en donne la preuve la plus éloquente. Elle défie le bon sens, provoque l’ire des autorités marocaines et du peuple espagnol même, comme aussi de l’Establishment qui est interloqué par une violation aussi radicale de la loi ibérique et des règles de justice dans ce pays. Qu’un pouvoir élu aussi démocratiquement au suffrage universel en vienne à vider de son contenu une Constitution et viole la règle de droit, qu’il piétine avec mépris la Loi, recourt à de piteux subterfuges dignes des républiques bananières, nous en dit long sur sa sincérité et son éthique piétinée si vite.
Un nom d’emprunt, un déplacement en catimini encadré par les « services » d’Algérie et d’Espagne, un soin méticuleux à préserver le secret et éviter toute fuite, et bien entendu le coup de dague dans le dos du partenaire marocain… Pis : certains responsables espagnols, dont la ministre des Affaires étrangères, une fois le secret éventé, se sont cru autorisés à faire la morale et la leçon au Maroc, recourant à une feria de petites phrases « bidon ». Ce n’est pas seulement un forfait, une sorte de Trafalgar mais une trahison au principe même qui est au cœur d’une relation dont on ne pouvait soupçonner jamais qu’elle serait entachée et tachée par une telle lâcheté.
Beaucoup d’Espagnols et non des moindres, quel que soit leur niveau, ont été indignés par ce coup bas. Pour ne citer que Pedro Ignacio Altamirano, politique reconnu, porte-parole du « groupe international de soutien à la Réunification et à la paix des Sahraouis », il a exigé du Parlement espagnol d’enquêter à travers une Commission ad-hoc afin de remettre Brahim Ghali aux mains des juges sans plus tarder. D’autres figures représentant diverses instances espagnoles lui font écho dans le même sens et s’interrogent gravement sur cette entorse à la justice de leur pays.
Au-delà de cette violation à la fois de la règle de justice par les Espagnols eux-mêmes et du piétinement de l’amitié avec le Maroc, il y a cette interrogation qui nous interpelle sur cette étrange collusion entre les gouvernements algérien et espagnol, subite, inattendue, d’autant plus condamnable qu’elle trahit une manière de complot. Car, nécessité ne faisant nullement loi dans ce cas, le gouvernement espagnol a manifestement pêché. A bon droit le Maroc a raison de manifester – comme il l’a fait officiellement dimanche soir – son mécontentement et se réserver le pouvoir d’en tirer les conséquences. Il passera vraisemblablement du temps avant que les dessous de cette affaire ne soient dévoilés, avant que l’iceberg ne laisse remonter ses profondeurs…
Il faut en revanche raison garder et demeurer vigilant face à cette étrange coalition subite entre un gouvernement algérien , désireux d’en découdre avec le Royaume du Maroc et ne s’embarrassant d’aucun scrupule et celui d’une gauche espagnole qui, délaissant ses proclamations vertueuses de justice, recourt à d’abominables méthodes pour violer les principes de la justice et d’amitié avec le Maroc. La méthode algérienne est la méthode d’un Etat voyou, elle s’est heurtée d’ailleurs à l’intransigeance, semble-t-il, de la chancelière Angela Merkel qui a opposé une fin de non-recevoir au chef des mercenaires.
On ne peut pas ne pas dénoncer, pour notre part, le cynisme de la droite espagnole qui, d’un parti extrémiste et xénophobe appelé Vox, vestige d’un franquisme au nouvel habit, à son porte-voix dénommé El Mundo, claironne sa haine contre le Royaume du Maroc. Cette droite que l’histoire a balayée en 1975, comploteuse, usurpatrice et anachronique, opposée au droit du Maroc d’être dans son Sahara, hargneuse et raciste… prend l’étendard d’un vieux discours colonial mis en musique par les caporaux et les militaires chamarrés du Tercio. Paradoxalement, elle se retrouve dans son miroir, celui d’une Algérie devenue le théâtre de convulsions et de répression, dirigée par des cacochymes …