L’école, sanctuaire de la violence: Quand la violence devient le seul moyen d’exister
Par El Hassane Aït Moh, Écrivain, sociologue de formation
Il n’y a pas un jour sans que l’on soit frappé par la violence des scènes relayées par les mass media et les réseaux sociaux et dont les acteurs ne sont autres que de jeunes adolescents. Le choc des images nous déstabilise et nous interpelle. Il n’y a pas un jour sans que ne nous assistions, impuissants, à ces phénomènes qui s’amplifient et prennent des proportions démesurées.
Pourquoi tant de violence et d’agressivité? Doit-on parler de délinquance juvénile ou de jeunes en souffrance ? Un adolescent qui assène des coups à son professeur pendant que ses camardes se contentent de filmer la scène, dans une indifférence macabre, est un spectacle abominable. Comment est-ce possible ? Sans vouloir incriminer ni l’un ni l’autre, je constate d’un point de vue objectif, que l’agressivité du jeune qui se défoule sur son maître pourrait être l’aboutissement d’un long processus de souffrance de l’un ou de l’autre, dans la relation éducative.
Par manque de dialogue ou en l’absence d’espace d’écoute et de communication dans les établissements, il est difficile de comprendre et d’aider les jeunes en souffrance (à cause de leur crise d’adolescence, de problèmes relationnels rencontrés à l’école avec leurs pairs ou des difficultés familiales). Le système éducatif, généralement centré sur les apprentissages, doit promouvoir la relation humaine, l’écoute et le dialogue. Que dire aussi de ces jeunes agressifs et provocateurs qui postent des images menaçantes sur les réseaux sociaux ? Vêtus de blousons en cuir, les crânes à moitié rasés, arborant des épées ou brandissant des couteaux, ils se prennent pour des stars pour combler leur sentiment de frustration identitaire et échapper à leur triste condition de jeunes perdus et sans repères.
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Cette mise en scène de la violence apparaît comme un désir d’exister autrement, leur seul moyen de sortir de l’anonymat et de l’indifférence d’une société qu’ils jugent loin de leurs préoccupations. En perte de repères, ils se cherchent et trouvent, dans leur façon d’exister, un sentiment d’appartenance à un clan ou à un groupe. Dans leur majorité, ces jeunes sont issus de familles en difficulté, de classes sociales défavorisées, sans formation, toxicomanes, exclus de la société et en rupture du lien social. Une simple analyse de leur profil montre à quel point une remise en question de nos politiques s’impose. Beaucoup de travail reste à faire pour améliorer les conditions de vie des familles en difficulté, accompagner les jeunes fragiles ou en échec scolaire en leur assurant des formations professionnelles adéquates.
Nos jeunes ont besoin de lieux d’écoute, d’expression et de créativité. Ils ont aussi besoin de travailler et de vivre dignement. Ils demandent à être protégés et pris en charge par la société lorsque cela est nécessaire. En somme, il s’agit de développer une approche globale pour promouvoir une vraie politique de la jeunesse et de la famille. Cette violence qui nous heurte, chaque jour, sur nos écrans, est le symptôme d’un mal-être. Elle exprime un sentiment de haine envers la société et ses symboles. Des jeunes face à l’échec scolaire et social, face à l’indifférence des institutions et face au mépris de la société n’ont d’autre langage pour s’exprimer que celui de la violence.