La violence, vestige de l’évolution ou mal des temps modernes ?
Dossier du mois
Belaid Bouimid, Journaliste Radio Mars
Pourquoi ce «trop» de violence ?
On sait que le phénomène revêt de nombreuses caractéristiques, liées à la famille, à la société et aussi aux réseaux sociaux qui en assurent une amplification grossissante. Et dans de nombreux cas, caricaturale. Avec une approche institutionnelle, unidimensionnelle, légitimatrice et rarement discursive.
On doit dissocier parmi les analystes ceux qui ont vécu la violence, en acteurs, en investigateurs impliqués et en témoins directs ou indirects.
L’approche empirique, généralement admise comme modèle d’approche, est-elle pertinente en l’espèce ? Surtout qu’il n’y a pas une violence, mais des violences. Et on ne peut pas cantonner la violence dans les seuls espaces d’exhibition, de spectacularisation et de dramatisation : la rue, l’école, le stade, les lieux de travail, la famille, le couple, etc.
La violence au sein du couple est souvent expliquée et légitimée (!) par les pressions externes, le travail, le stress qui sont, certes, des éléments révélateurs. Mais la stratification sociale ne joue-t-elle pas, de manière hégémonique, dans une société où le collectif l’emporte sur l’individuel ? Et partant créer des déséquilibres et des frustrations, dans le cadre de pressions dichotomiques, entre tradition et modernité.
La femme en paie les frais (droits, héritage, égalité…), l’enfant aussi, sans parler de l’écologie, de la nature, des animaux, etc.
La «rurbanisation», causée par le phénomène des migrations, joue également dans une double violence, sociale et psychologique.
La précarisation socio-économique de ces couches et leur cantonnement dans les périphéries est l’une des causes majeures de divers dérapages (vols, hooliganisme, drogue…).
On ne doit pas -et bien que des symétries existent- confondre les banlieues européennes à nos bidonvilles et logements sociaux.
Le Maroc est passé de bidonvilles horizontaux à des baraquements verticaux sans rien changer au statut socio-économique de millions de jeunes et d’adolescents qui n’ont d’autre loisir que le football.
Ce sont eux qui sont prédestinés, pour les plus intégrés, à s’adonner aux petits métiers dévalorisants (Ferrachas, marchands ambulants, cireurs…).
On peut identifier la violence, également, à travers toute une culture «underground», véhiculée en Darija et dont la meilleure expression est la chanson folk, les slogans des stades ou les invectives et messages nihilistes à travers les réseaux sociaux.
La violence verbale fait rarement l’objet d’études bien qu’elle soit symptomatique d’un temps historique, renfermant des revendications foncièrement politiques.
Les slogans des stades transcendent tous les sacrés et on peut y trouver des référents et des repères, non seulement au rejet multiforme des institutions officielles mais parallèlement et implicitement, des opportunités d’élaboration de solutions à la violence. Sans rappeler toutes les approches pluridisciplinaires portant sur la violence, on doit retenir que la pire des violences est celle qui renie toute légitimité à toute violence ne serait-ce que parce que cette dernière est typifiée, selon des normes et des réalités construites, selon des contextes et des contraintes socio-culturelles.
On laissera de côté la morale et les croyances qui servent de recours pour diaboliser toute personne récalcitrante, en usant de la -seule- surveillance et punition.
Et peut-être que Roland Barthes a raison quand il dit que « le fascisme n’est pas le fait d’empêcher de dire, mais d’obliger à dire » !
Que dire de plus sans être soi-même violent à travers l’invective ?