La violence, vestige de l’évolution ou mal des temps modernes ?
Dossier du mois
Bernard Corbel, Psychothérapeute
Violence, insécurité, une hyperbole ?
Violence et insécurité semblent s’accroître un peu partout dans le monde : phénomène qui pourrait être considéré comme un fait et non comme une illusion, dû à la communication exponentielle sur le web. La violence, certes, existait depuis tout temps, c’est-à-dire que la nature humaine semble profondément ancrée dans ses origines à la fois animale et sauvage et aussi dans son logiciel linguistique qui lui permet de se faire une représentation du monde basée sur une transmission orale. Mais il s’ensuit une fragilité systémique. L’homme vivant dans l’illusion (à partir du monde des idées) agit pourtant dans la réalité.
Plus la transmission est orale-verbale et plus les humains éprouvent le sentiment de certitude et du vrai. Cette complexité neurologique dans l’être humain le rend dangereux parce qu’accessible à la manipulation de manière extraordinaire.
Alors on peut se pencher sur la question des réseaux et du web : sur le web, la violence est banalisée, elle est présentée comme un art, quelque chose de respectable, de sublime, de réalisable spontanément. Comme l’être humain agit à partir de ses représentations et croyances, non à partir des données de la réalité, quand il est gorgé d’images violentes, qu’il a des jeux, des logiciels ou des documents filmés, sur le vif, qui lui permettent de s’entraîner à violer, à tuer, cette violence se trouve inscrite dans un phénomène collectif de nouvelle culture (qui englobe, au passage, d’autres points de vue comme celui de l’argent, du pouvoir et de la consommation).
La sous-culture de la violence ne peut qu’aboutir à des passages à l’acte, particulièrement chez les individus les plus manipulables. Ces personnes sont une minorité agissante qui peut bouleverser totalement l’ambiance de sécurité chèrement acquise dans les sociétés les plus modernes où l’espace public est le lieu sécure pour tous.
On peut donc considérer que les réseaux sociaux permettent l’émergence d’une culture hyper violente, laquelle a été construite, d’une part, parce que l’être humain avait déjà le goût de la violence inscrit dans ses gênes comme un animal pourrait avoir le goût du sang et d’autre part, parce qu’il existe des philosophies de la mort. Il a fallu parfois des siècles pour « fabriquer » un humain véritablement « humain », c’est-à-dire ayant intégré une culture humaniste. Il faudra quelques dizaines d’années seulement avec la puissance d’Internet pour répandre la culture barbare fondée sur des croyances scandaleuses comme celles qui trouvent une justification à briser la vie d’autres humains ou à donner la mort de façon individuelle ou collective non seulement comme quelque chose d’acceptable mais bien davantage et surtout de glorieux (on tue, on « zigouille » pour une cause prétendue ou crue supérieure). Le tueur manipulé par sa bulle de croyance est insensible, sans frein et sans valeur humaine et malheureusement il est érigé en héros dans les représentations collectives qui acceptent de faire une place de choix à la violence… De là où j’observe le monde, en tant que psychologue, il m’apparaît que ce phénomène ira, je crains, en s’accentuant.