La violence, vestige de l’évolution ou mal des temps modernes ?
Dossier du mois
Mustapha Azhari, Docteur, hypnose et thérapie
« L’amour est plus fort que la violence »
« L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation. » Averroès.
La violence semble avoir gagné beaucoup de terrain à notre époque. Quand elle n’est pas vécue comme expérience dans la vie de tous les jours, dans la rue, dans les transports publics, à l’école, au bureau ou à la maison, la violence s’offre comme information écrite ou filmée (journaux, télévision, réseaux sociaux) ou pire comme spectacle de distraction au cinéma ou sur nos petits écrans.
La violence est une relation de mauvaise qualité. Et comme la relation est le ciment de la société, un ciment de mauvaise qualité compromet, dans son ensemble, la solidité de l’édifice social.
Deux choses distinguent cette créature qu’est l’être humain : la « dignité » et la « responsabilité ». Ces deux composantes psychique et morale refusent la violence dirigée vers soi (par dignité) et vers les autres (par responsabilité). La nature de l’Homme n’est ni douceur ni violence, ni bien ni mal, ni vérité ni mensonge mais plutôt un choix permanent entre un extrême et l’autre avec toutes les nuances entre les deux. La violence est une nuisance produite par un comportement intentionnel. Sans intention, la violence n’est plus qu’un malheureux accident (un coup de fusil parti par malchance) ou le geste d’un innocent enfant (ou d’un malade mental qui hallucine) voire d’un acte de secourisme choisissant d’amputer un membre pour sauver une vie.
Parfois prouvée, la violence est souvent supposée par un jugement d’intention. Jouer aux devins en prétendant voir le mal en l’autre. Jouer ensuite au juge qui condamne sans droit de défense est une autre forme de violence.
Une bonne relation se résume en trois mots « Relation-Sécure-Active ».
- Relation : Elle est pour les humains ce que l’eau est pour les poissons.
- Sécure : un espace de confort et de bienveillance réciproque.
- Active : chaque personne se sent libre au sein de la relation et se sent épanouie, compétente et respectée en tant que personne.
« La pensée idéologique est toujours contre quelqu’un. Elle est toujours un instrument de violence. Elle est imprégnée, empoisonnée. » Francesco Alberoni
Une des sources de violence est l’idéologie capitaliste de notre époque. Le produit de consommation a la priorité sur les relations humaines. C’est un monde de rivalité où on ne peut gagner que contre l’autre et non avec l’autre.
Les « utopies » adressés à l’égo du genre : « Réalisez votre bonheur, contrôlez votre vie, rencontrez l’homme ou la femme de vos rêves » en ajoutant svp « parce que vous le valez bien ! » sont des invitations au crash en plein vol ! La réalité n’est pas compatible avec ces messages qui promettent, à court ou à long terme, de se métamorphoser en grosse déception. Les personnes qui déjeunent aux utopies, dînent aux plaisirs mortifères et asservissants : porno, drogues, jeux vidéos, jeux de paris, boulimie, alcoolisme…
La violence trouve également ses racines dans l’enfance. D’un côté, l’enfant maltraité qui fait des cauchemars où il est poursuivi par des monstres. De l’autre côté, l’enfant victime d’abandon qui refait toujours le même rêve, celui de tomber dans le vide. Devenus adultes, ces enfants referont les mêmes schémas qu’ils ont vécus en maltraitant leurs relations ou en les laissant tomber. Dans l’un et l’autre cas, les affects sont pauvres et le langage affectif très restreint.
«La violence, c’est un manque de vocabulaire. » Gilles Vigneault
En thérapie éricksonienne, nous avons coutume d’utiliser la question dite de l’anthropologue ! Cette question a deux portées : favoriser l’établissement de la relation de confiance avec le patient. Laisser le patient dérouler ses arguments et ses fausses croyances sur la vie et sur les autres pour lui permettre de les corriger.
Cette question magnifique ne devrait pas prêter à confusion.
La question est : « Vous avez certainement de bonnes raisons (et non vous avez raison) d’avoir agi comme vous l’avez fait ! »
Dans les situations de violence, les gens tentent de faire des choses qui ne marchent pas. Ils répètent souvent les mêmes solutions qui ne marchent toujours pas. Ils n’ont jamais en tête de changer leur façon de faire. En changeant le comportement d’une personne, on perturbe le fonctionnement même de la violence qui s’atténue, voire disparaît. C’est la méthodologie de la thérapie stratégique qui met le doigt sur le paradoxe de la communication humaine.
La communication est «contenu» « ce que je dis » et contenant ou cadre « comment je le dis ». Le cadre est semblable à un emballage, un revêtement. Le choix d’un papier-cadeau n’est-il pas souvent aussi important que le cadeau lui-même ? Certaines lettres marquent
autant par le message que par les mots choisis, le style de l’écriture, la qualité du papier, l’encre et le dessin des caractères, la douceur et la beauté de l’enveloppe ainsi que le parfum dont elle a été délicatement aspergée. C’est cela la communication. L’art et le plaisir d’être avec l’autre.
« La violence est le dernier refuge de l’incompétence. » Isaac Asimov
« Nos problèmes d’aujourd’hui sont la conséquence prévisible des déficits de nos apprentissages. » Michaël Yapko
Pour résumer donc il faut :
- Apprendre la relation juste. La liberté cohabite avec la relation. Chacun permet à l’autre d’être exactement ce qu’il est tout en étant ensemble.
- La systémique est une science qui nous apprend que comme le virus de la violence s’est propagé au sein du réseau social, un anti-virus à base de respect et d’écoute peut être installé et éliminer les effets du premier.
- Certains agresseurs sont curieusement attirés par le profil comportemental de leurs prochaines victimes. Apprenons donc aux victimes d’installer un petit changement comportemental qui cassera le jeu morbide de cette relation pathologique.
- Changer la perception par un recadrage. Un parent qui se plaint du comportement violent de son adolescent, aura une vision et une attitude différente si on arrive à lui vendre que ce comportement cache une grande peur de son fils à son égard.
- Bannir la logique binaire « Soit tu es avec moi, soit tu es contre moi ! », les utopies « La vie est juste, les gens sont gentils, je contrôle ma vie… » la logique identitaire « Il est violent et non il s’est comporté violemment dans telle circonstance ». Ces manières de penser le monde engendrent de la violence et d’énormes déceptions.
« La tendresse est plus forte que la dureté, l’eau est plus forte que le rocher, l’amour est plus fort que la violence. » Hermann Hesse