La lettre de Fadoua Rejouani au fils de Bouachrine ou quand le père instrumentalise l’émotion
Par Houssaïne Aït Marghad
La jeune activiste des droits de l’Homme, Fedoua Rejouani a publié sur son compte Facebook, une lettre qu’elle a adressée au fils de Taoufik Bouachrine, après le dernier courrier écrit par ce dernier (Bouachrine père) et destiné à son fils, à travers lequel, il avait tenté de susciter la compassion, et de jouer sur la corde sensible de l’émotion, à l’occasion de l’anniversaire de son fils. Le texte de cette lettre a été repris par le site « Al Ahdate info » jeudi dernier.
Compte tenu de l’intérêt chargé d’émotion de la missive de Fadoua Rejouani et des messages qu’elle porte dans son contenu, dévoilant la réalité du « père » qui s’est dit « attristé et aplati par l’éloignement de son fils », nous la publions ainsi :
Voici ce que dit entre autres Fedoua Rejouani : « Chaque fois que je plonge dans la lettre de Bouachrine adressée à son fils Réda, je me pose la question : qu’oserait dire Bouachrine à la nourrissante, et quel réconfort pourrait-il lui offrir après ses souffrances, alors que c’est bien lui qui s’est livré au viol de sa maman alors que cette dernière était en pleine grossesse ?
« Dans ce flot d’émotions, quoi faire pour soulager cette nourrissante, elle aussi, victime alors qu’elle séjournait au plus profond de sa maman, déversant avec amertume des larmes, au même titre que celles de l’accusé pour avoir raté l’heureuse occasion, celle de Aid Al Fitr pour offrir, comme à l’accoutumée, un jouet à son fils ? »
Fedoua Rejouani qui se dit être solidaire avec un petit enfant lourdement préoccupé par « une batterie de questionnements sans réponses sur l’absence de son père », et de chagrin éprouvé à cause de cet éloignement, a posé la question de savoir quelle serait la part de la nourrissante de ces sentiments qu’éprouvent le mis en cause, des suites d’une séparation forcée avec les siens. Cette petite créature (nourrissante) ne mérite-t-elle pas des excuses ?
« N’as- tu jamais pensé, écrit-elle, à cette nourrissante en train de souffrir et traverser une rude épreuve, alors qu’elle était encore attachée par le cordon ombilicale au moment des faits ? Ou bien ce sentiment de remord et de regret n’a été déclenché et alimenté que face, réellement, à la pesanteur de la séparation avec les enfants et les proches, alors que ces émotions n’avaient aucune raison d’exister quand il s’agit des enfants des victimes ?», poursuit Fedoua Rejouani s’adressant sèchement à Bouachrine.
« Si l’une des images de l’amour le plus sincère est de voir l’être aimé en plein sommeil, le grand péché serait donc de continuer à fuir en avant pour éviter et déjouer, en réalité, les regards de tes victimes, les cris de souffrance du nourrissant aplati face à ton injustice et ta cruauté ». Et de poursuivre : « Pire que cela, le grand délit serait de continuer à tourner le dos au principe de la reconnaissance et de la présentation d’excuses ».
« Qui t’empêchera d’établir le contact avec ton fils Réda? dit-elle,… ce n’est ni la loi, ni les barrières de la prison, ni encore les responsables de ton incarcération mais, ce sont bel et bien les prières élevées par tes victimes au Dieu le Tout Puissant. L’aspiration du père à la liberté pourrait être contenue dans une simple lettre d’excuses comprenant l’expression : Je suis vraiment désolé chère nourrissante innocente ».
Lorsqu’ils étaient en train de te conduire au poste de police un vendredi du mois de février dernier, la nourrissante ne priait Dieu que pour lui confier « un coin sûr » pour la vie après que tu l’aies « massacrée » par le plus lourd péché du viol.
Après avoir « confisqué » ton stylo, ta plume et ton encrier alors que tu étais en route vers ta cellule froide, la nourrissante criait et cherchait son souffle depuis son cercueil, après s’être engloutie et effondrée sous le poids des fardeaux, et après que tu l’aies privée cruellement ne serait-ce que d’une lettre d’excuses.
« Sauf que la nourrissante te dit au nom de toutes les mamans, continue à offrir à ton fils ces beaux sentiments et ces mots tendres et expressifs, sauf que tu lui devras amplement et pour toujours une »lettre d’excuses » quelque soit le degré de ta condamnation par la justice ou au contraire en cas de ton acquittement purement et simplement.
»Tu peux déverser les larmes les plus chaudes suite à ton éloignement de ton fils Réda avec qui je partage cette innocence des enfants, mais tu resteras à jamais bourré de fardeaux, et contraint à me fournir des excuses quoique tu fasses pour fuir en avant, et éviter de voir cette réalité en face ».
Fadoua Rejouani, sur le même ton peiné ajoute : « Et quoique tu fasses pour marchander – instrumentaliser – les sentiments de ton fils, ou encore pour exprimer ses souffrances présumées en dehors des murs de sa chambre colorée, et quoique que tu te montres brisé pour avoir raté un anniversaire tombé dans l’oubli de la mémoire d’un père emprisonné, je t’accompagnerai à jamais aussi bien dans ton réveil comme dans ton sommeil, « sans mon petit jouet, et sans ma chambre colorée », et je refuserai d’être « un fond de commerce » valable uniquement pour mener les surenchères dans « la bourse des erreurs des pères ».
(….) « J’ai feuilleté et examiné ta lettre à maintes reprises… et je me suis rendu compte à l’évidence que la nourrissante n’aura en aucun cas droit à des excuses de ta part, d’autant plus que ta lettre a cruellement raté son adresse.
« Le destinataire n’était pas l’enfant Réda sinon quel besoin manifestera-t-il au nom de l’argumentaire du »complot » ou de »l’obscurité » qui règne dans les prisons, et à quoi vont lui servir les belles citations de Nizar Qabbani concernant « la poésie politique et la politique de la poésie » ?
« Il s’agit, dirai-je, d’une lettre adressée à quiconque, même non concerné, et je suppose que le premier concerné ici, ne serait autre que celui qui rendra justice aux victimes, et non pas les larmes et les consternations du prévenu », conclut Fadoua Rajouani, dont le cri de cœur, l’âme en peine , a reçu des échos nombreux et connu un retentissement impressionnant.