Quand les chasseurs de têtes de l’ailleurs nous dérobent nos cerveaux
Dossier du mois
Saad Hamoumi, Docteur en économie, CEO Harvard Consulting
Un citoyen qui reste à l’étranger est une perte pour le Maroc
Ils sont marocains et ils quittent le Royaume pour migrer à l’étranger. Ils sont essentiellement des citoyens divisés en trois catégories : les étudiants qui décident de rester une fois leur diplôme obtenu pour des raisons d’opportunité ou de choix de travail, ou pour des raisons privées (mariage avec une étrangère), scolarité des enfants …. Les personnes qui sont dans la vie active et qui cherchent à améliorer leur condition matérielle ou de carrière et obtiennent des contrats de travail (médecins, cadres, techniciens…). Les personnes qui partent pour des raisons purement économiques et qui optent pour des métiers d’ouvriers dans l’agriculture, l’industrie ou tout autre métier peu qualifié. Ces gens cherchent des solutions comme le regroupement familial, les contrats formels ou informels voire des migrations illégales.
Cette fuite des cerveaux et du capital humain marocains s’explique par le manque de structures d’accueil pour identifier et capter les ressources humaines marocaines à fort potentiel, la faible attractivité du marché pour les candidats à fort potentiel qui ne trouvent pas dans le marché marocain les niveaux de développement, d’innovation et de challenge qui leur sont offerts à l’étranger, le faible niveau de rémunération au Maroc pour des candidats à compétences et à niveaux d’instructions équivalents aux normes internationales et la faible attractivité du marché marocain pour le cadre de vie : accès aux écoles, couverture et sécurité sociale, image dévalorisante, corruption, clichés sur les femmes ….
Malheureusement, l’impact sur le pays d’origine et la personne concernée est énorme et incalculable.
En effet, un citoyen en qui un investissement important a été consenti, depuis sa naissance (éducation, école, santé…) et qui reste à l’étranger équivaut à une perte sèche. Le pays d’accueil profite des meilleurs éléments sans avoir investi dans leurs éducation et développement. Ces ressources humaines de qualité vont contribuer au développement et à la richesse de leur pays d’accueil et à l’appauvrissement de leur pays d’origine.
L’impact sur la personne concernée est aussi important puisque la personne est déracinée, perd ses repères et ne reste attachée au pays que par des liens fragiles (parents et familles auxquels on rend visite de temps à autre et nostalgie). Ces rapports s’estompent souvent à partir de la deuxième génération qui a tous ses repères, codes et valeurs acquises dans le pays d’accueil.
Personnellement, une fois mes études terminées et mes diplômes obtenus, j’ai commencé à travailler dans le domaine de la recherche et un poste permanent m’a été proposé en Californie.
Les conditions de vie qui s’offraient à moi étaient très alléchantes : salaire important, qualité de vie, statut social, challenge au niveau du travail…
Mais j’ai opté pour un retour au Maroc et j’ai commencé ma vie professionnelle avec 20% du salaire que j’avais aux USA sans parler du décalage à tous les niveaux de vie. Ce qui a motivé mon choix, qui peut sembler encore aberrant, n’est autre que l’attachement à ma famille et la volonté de fuir le déracinement. Mais il m’a fallu beaucoup de courage pour rester ici.