Quand les chasseurs de têtes de l’ailleurs nous dérobent nos cerveaux
Dossier du mois
Amine Jamai, D.G de Valoris Conseil et Valoris Executive Search, Écrivain
Noé…revient !
Futurologues et gourous des prévisions ont beau ergoter, seuls certains rapports accessibles (des centaines de rapports étant classés secret défense) comme ceux de l’Institut pour le futur de Dell, think-tank californien et surtout les travaux de Carl Benedikt et Michael Osborne, ont sérieusement étudié les probabilités d’informatisation des métiers qui existent actuellement, pour comprendre l’évolution des métiers de demain et par corrélation, déterminer ceux qui subsisteront et ceux qui disparaîtront.
Ils se sont penchés sur les conséquences sur la société, du Machine Learning et de la robotique en particulier, concernant le remplacement de certains métiers humains par des algorithmes.
Leurs études proposent une analyse de l’impact de l’informatisation future sur le marché du travail et, en particulier, les métiers qui sont amenés à disparaître.
Le monde du Big Data avance tel un raz-de-marée, permettant aux machines d’exécuter un spectre de tâches de plus en plus large, s’auto -alimentant de statistiques et rectifiant leur propre action, envahissant le pré-carré des fonctions exclusivement réalisables par la main-d’oeuvre humaine.
Pendant ce temps, nos compétences locales formées à surfer sur ce raz-de-marée annoncé, ne trouvent aucune résonance sur le marché de l’emploi marocain qui n’use de ses jeunes prodiges que pour alimenter les plateformes offshore locales.
La capacité d’absorption des pays développés de nos propres jeunes ingénieurs marocains, issus du monde des nouvelles technologies de l’information est en passe de s’accélérer.
Déjà, notre marché local s’assèche de ses maigres compétences, qui s’expatrient de manière exponentielle créant, bientôt, un stress sur les rémunérations de ceux qui voudront rester.
Nous devons nous pencher d’urgence, avec des moyens conséquents, sur l’étude des transformations des métiers à venir dans notre pays et surtout comprendre comment adapter notre Education nationale en conséquence.
Au-delà de la création de compétence adaptée, nous devrions comprendre comment capter cet embryon d’élite en devenir, qui se sent inadapté, aujourd’hui, dans notre marché de l’emploi local, qui lui, s’échine à créer de l’emploi précaire dans une industrie gorgée de postes à faibles revenus et à faible qualification, qui seront les premiers à subir la lame de fond touchant la sous-traitance et autres métiers liés à un usinage propre aux pays tournevis.
Le développement technologique impliquera une réaffectation des employés à des postes qui ne sont pas susceptibles d’être informatisés.
Ces employés devront acquérir de nouvelles compétences pour être compétitifs, ce qui pourra être un processus coûteux et difficile, voire socialement déséquilibrant.
Pour rappel, et à titre de comparaison, c’était une toute petite vague, l’industrie au Maroc, au début des années 2000 a effectué de nombreux plans de départs volontaires ciblant les catégories d’ouvriers analphabètes qui ne pouvaient être réaffectés sur des machines nécessitant plus de compétences.
Pensez maintenant que rien qu’aux Etats-Unis, les experts avancent un impact de 47% des emplois actuels qui deviennent menacés à moyen terme.
Les prédictions les plus pessimistes sont celles liées aux métiers du transport, de la logistique, à de nombreux métiers des services ainsi qu’à la production (ouvriers).
Les maux ne doivent se pronostiquer que pour mieux les prévenir. Il ne s’agit plus d’embarquer des centaines de milliers de jeunes dans des filières qui font rêver – aujourd’hui – et qui laisseront place à de l’amertume demain.
Un observatoire de l’emploi prospectif devrait être la priorité de nos universités, de nos ministères, de nos députés et de tous les think-tanks de notre nation. L’émergence d’un pôle recherche et développement qui doit émerger du monde universitaire devrait faire partie de nos plus grosses dépenses publiques.
Investir plusieurs milliards dans cette quête – cette arche – semble à terme être le meilleur investissement que l’on puisse se permettre – avant le déluge.