A « L’Atelier 21 » de Casablanca, Najia Mehadji nous livre son combat pour la femme et contre la guerre

Par Hassan Alaoui

Depuis le 23 avril dernier et jusqu’au 24 mai prochain, la Galerie d’Art L’Atelier 21 à Casablanca abrite une importante exposition de Najia Mehadji, grande artiste franco-marocaine. Attachée à son pays d’origine, vivant entre Paris et Essaouira, deux lieux de sa résidence, elle incarne la « synthèse » de deux cultures, de deux inspirations majeures, appuyées sur un talent reconnu au plan international et une présence marquante. L’exposition à l’Atelier 21, outre un répertoire inédit, nous révèle une œuvre anxieuse et porteuse de messages parce que plongée dans la réalité du nouveau monde, consacrant le poids des guerres annoncées ou déclarées , les violences, l’écologie et les combats de la femme.

Quelque chose a changé dans la technique de Najia Mehadji, artiste peintre franco-marocaine ! Quelque chose, en effet, dans l’exercice consistant à nous offrir un autre regard sur le monde qu’elle observe depuis des décennies maintenant. Et ce n’est pas sacrifier à l’exigence de l’âge que de parler de décennies. Quelque chose aussi qui exprime une certaine inquiétude, déclinée dans plusieurs toiles, colletée à la dimension existentielle que la peinture de l’artiste semble explorer.

L’exposition des nouveaux travaux de Najia Mehadji à la « Galerie l’Atelier 21 » à Casablanca tombe à point nommé. Lancée à un moment où l’appétit du public se fait grand et large, elle n’est pas seulement la réponse qui en comble les attentes des amoureux de la grande peinture, elle traduit à vrai dire une évolution pertinente tant dans le fond que dans la forme. Si la technique, notamment des couleurs n’a varié que prudemment, la motivation quant à elle s’est renforcée à un moment où l’œil et l’oreille sont extrêmement tendus vers les échos du monde. Disons que le travail de Najia Mehadji s’intègre dans les problématiques du monde, de plus en plus subtilement, mais d’une manière aigue que la peinture restitue avec sensibilité et une conscience aigue.

La guerre, les violences et les souffrances s’expriment ainsi tout de go , à travers cette interminable quête de l’artiste, qui chevauche le temps et, pour ainsi les époques. C’est peu dire que chez elle, c’est une œuvre d’actualité, aujourd’hui emblématique et engagée. La symbolique y est très forte et envoûtante que le travail et le ton sérigraphique rendent encore plus attractifs et prenant. Il en va de cet exemplaire Rosebud , au rouge rutilant que l’on imagine collé sur un mur blanc, sur lequel est venu se plaquer un ruban bleu discret, symbole du combat de la femme. « War and Women » ! c’est ainsi que la série entame et nous fait découvrir un long voyage dans l’espace et dans le temps…

Sur le même motif, mais avec une musicalité variée, un chant où se croisent les tonalités, ces couleurs travaillées, attirantes, vives sans pour autant dénaturer leur « nature », attachantes jusqu’à l’enchantement que nous ne soupçonnerions pas si aisément au premier regard. Najia travaille avec patience, et passion, méthodiquement et scrupuleusement. Avec l’ardeur du « charbonnier », mettant tout son cœur et ses tripes dans  l’œuvre qui est à son rythme existentiel, ce que la lumière est à sa vitalité. Les cimaises de l’Atelier 21 en respirent la force et le poids de son talent. C’est une artiste au grand souffle, laborieuse pour ainsi dire. Sa longue expérience de grande peintre et calligraphe – elle est au-devant de la scène artistique depuis plus de 35 ans …- nous ouvre les portes d’un espace si vaste, en créativité, en technique renouvelée, le chemin long et riche où se croisent les visages d’époque, la nature, la cosmologie, les cultures et les regards…

Il s’agit en réalité d’un kaléidoscope contrasté, dirions-nous thématique et polymorphique  qui, on le pense, correspond à des périodes de sa vie, dont le fil conducteur demeure, de toute évidence, l’engagement militant. Chaque période correspond chez elle à un langage, à une expression et donc, forcément, inspire sa propre langue. L’engagement chez elle est de l’ordre sartrien, colleté à la réalité changeante et rude du monde. On devrait dire du nouveau monde. L’époque de la guerre, celle qui nous est devenue quasi familière à présent, nourrit ses travaux, incline sa gestuelle et fonde alors une éthique…Car le monde s’est transformé en un Guernica permanent et l’art devient à la fois le phare éclaireur et l’instrument de libération. Non que Najia Mehadji, le pinceau et le geste de calligraphe brandis, en devienne la chevalière de la paix , la conquérante de cette liberté violée et combattue.

Mais à sa manière, sans relâche, obstinée voire acharnée elle fait de son art une manière de combat. Elle pourrait faire sienne cette devise selon laquelle « l’art est le moyen de conjurer le pire » ! Son regard traverse en effet les époques comme une étoile, ou plutôt une météorite sans pour autant lui faire perdre la mesure et la sérénité philosophique.

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