Algérie: enquête sur des échauffourées entre police et des magistrats en grève
Une enquête a été ouverte en Algérie après des échauffourées consécutives à l’intervention de forces de l’ordre contre des magistrats en grève à l’intérieur d’un tribunal, a annoncé lundi le ministère de la Justice.
Cette « enquête approfondie » devra « déterminer les responsabilités et éviter que de tels faits, susceptibles de ternir l’image de la magistrature, ne se reproduisent », indique le ministère dans un communiqué.
Des gendarmes en tenue anti-émeutes sont intervenus dimanche dans le hall de la Cour d’Oran (400 km à l’ouest d’Alger) pour tenter –en vain– de déloger par la force des magistrats occupant le tribunal, provoquant des accrochages, selon des images relayées par des sites d’information.
Les magistrats voulaient empêcher la cérémonie d’installation de juges nouvellement affectés dans le cadre d’un vaste mouvement de mutations touchant la moitié du corps de la magistrature.
Ce changement d’affectation soudain de 3.000 magistrats a déclenché le 27 octobre une grève inédite et « illimitée » dans ce corps réputé docile à l’égard du pouvoir, paralysant la quasi-totalité des tribunaux du pays.
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Dans son communiqué, le ministère semble blâmer les magistrats, déplorant les « agissements qui ont conduit à l’intervention des services de sécurité et entraîné des incidents qui auraient pu être évités si les différentes parties avaient fait preuve de retenue ».
Lundi, plusieurs dizaines de magistrats se sont rassemblés devant la Cour suprême à Alger pour protester contre l’usage de la force publique contre leurs collègues à Oran, selon plusieurs sites d’information.
D’importants renforts de gendarmerie ont été déployés autour de plusieurs tribunaux de la capitale pour permettre l’installation des magistrats fraîchement nommés.
Proche du pouvoir durant les 20 ans de présidence d’Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission en avril sous la pression conjuguée de la rue et de l’armée, le Syndicat national des magistrats (SNM), à l’origine de cette grève, a pour sa part qualifié de « grave dérive » l’intervention des forces de l’ordre et réclamé la démission du ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati.
Le Club des Magistrats, syndicat non enregistré né dans la foulée du mouvement populaire de contestation du régime qui bat le pavé en Algérie depuis le 22 février, a de son côté dénoncé un « comportement lâche et despotique », symbole de « la dictature que subissent les magistrats » algériens.
Les magistrats jouent un rôle-clé dans les scrutins électoraux, où ils président notamment les commissions électorales régionales. Si le SNM a assuré que les magistrats rempliraient leurs missions électorales, cette grève est susceptible d’entraver la présidentielle prévue le 12 décembre et massivement rejetée par la rue.
Avec AFP