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Algérie : le réquisitoire implacable contre Boualem Sansal, écrivain dissident

Le procès de Boualem Sansal n’a rien d’une simple affaire judiciaire. Il incarne à lui seul l’intransigeance du régime algérien envers toute pensée critique et révèle l’étendue de la répression qui s’abat sur les voix dissidentes. Depuis son arrestation jusqu’au réquisitoire du parquet, chaque étape de cette affaire révèle l’obsession d’un pouvoir autoritaire pour le contrôle du récit national et l’éradication de toute pensée divergente.

Depuis plusieurs années, Boualem Sansal, dont les œuvres interrogent sans concession l’histoire algérienne et ses dérives post-indépendance, était dans le viseur des autorités. Son franc-parler et ses critiques acerbes à l’égard du régime lui avaient valu une mise à l’écart progressive du paysage culturel officiel. Ses livres, naguère encensés, étaient devenus indésirables, bannis des librairies publiques et des bibliothèques universitaires. La censure, diffuse mais implacable, s’étendait déjà sur lui bien avant que ne débute la persécution judiciaire.

Le régime algérien, qui entend garder la mainmise absolue sur le récit national, ne pardonne pas à Sansal son regard sans concession sur la période post-coloniale et la dérive du pays vers un autoritarisme qui se renforce d’année en année. Ses écrits, notamment Le Serment des barbares ou encore 2084 : La fin du monde, ne se contentent pas de dénoncer la corruption ou la régression idéologique de l’Algérie contemporaine ; ils établissent un parallèle troublant entre la dictature, le fondamentalisme religieux et la privation des libertés. Un discours insupportable pour le pouvoir, qui entend verrouiller tout espace critique.

L’écrivain franco-algérien a été arrêté à l’aéroport d’Alger juste à sa descente de l’avion en octobre dernier dans des circonstances troubles. À la suite d’une série d’interviews données à des médias étrangers, où il dénonçait la confiscation du pouvoir par une élite politico-militaire coupée du peuple, il a été convoqué par les services de sécurité. Officiellement, il s’agissait d’un « simple entretien » pour clarifier certaines de ses déclarations. Mais l’entretien s’est transformé en un interrogatoire musclé, avant qu’il ne soit placé en détention provisoire dans un centre pénitentiaire algérois.

À l’époque déjà, l’affaire suscite une vague d’indignation, notamment en France, où des écrivains et intellectuels appellent à sa libération. Mais du côté des autorités algériennes, la ligne est claire : pas de clémence pour ceux qui contestent la version officielle de l’histoire et du présent algérien.

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Une mise en scène judiciaire kafkaïenne

L’acharnement contre Sansal ne s’arrête pas à son incarcération. Dès le début de son procès, il devient évident que la justice est instrumentalisée à des fins politiques. Les accusations portées contre lui sont formulées de manière vague et fourre-tout : atteinte à l’unité nationale, outrage à l’armée, mise en péril de l’économie nationale, détention de contenus subversifs… Une accumulation de griefs destinés à justifier une lourde condamnation.

La mise à l’écart de son avocat français, François Zimeray, en raison de son origine juive, ajoute une dimension encore plus sombre à cette parodie de justice. Exiger un « avocat non juif » en 2025 ne témoigne pas seulement d’un antisémitisme d’État persistant, mais aussi d’un mépris total pour les normes juridiques internationales et les principes élémentaires du droit à un procès équitable.

Pire encore, Boualem Sansal, gravement malade, est contraint de se défendre seul devant la cour. Affaibli par un cancer, il a pourtant dû affronter, dès la fin de son hospitalisation, un retour en détention. Un traitement qui s’apparente à une volonté de l’achever physiquement et psychologiquement.

L’affaire Sansal s’inscrit dans une tendance lourde du régime algérien : l’élimination systématique de toute voix critique. Depuis le mouvement Hirak de 2019, qui a ébranlé le pouvoir, les arrestations de journalistes, d’opposants politiques et d’intellectuels se sont multipliées. L’Algérie de 2025 est celle d’une répression généralisée, où toute tentative de remise en cause du système est sévèrement réprimée.

Derrière l’acharnement contre Boualem Sansal, il y a aussi la peur du pouvoir face à ceux qui refusent de se plier à sa propagande. Le régime algérien cherche à imposer une version héroïsée et incontestable de son passé, où l’armée et le FLN restent les seuls détenteurs de la légitimité historique. Toute remise en cause de cette vision, toute critique du fonctionnement actuel de l’État ou de son évolution vers un régime de plus en plus autoritaire est considérée comme un crime de lèse-majesté.

En ciblant un écrivain de renom, c’est un avertissement qui est adressé à tous : il n’y a pas d’espace pour la dissidence en Algérie.

Déjà en plein conflit avec le régime kaki, la réaction française face à cette dérive liberticide reste prudente, pour ne pas dire tiède. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a déclaré « espérer qu’une décision puisse être rendue rapidement par la justice algérienne ». Une phrase qui traduit davantage un souci de diplomatie qu’un véritable engagement en faveur de Sansal.

Alors que le parquet a requis dix ans de prison ferme, l’attente du verdict plonge les défenseurs des droits de l’homme dans l’inquiétude. Une condamnation aussi lourde enverrait un signal glaçant : en Algérie, critiquer le régime, même par la plume, équivaut à un crime impardonnable.

Mais au-delà du sort personnel de Boualem Sansal, cette affaire est le symbole d’une Algérie où l’espace de la liberté se réduit à peau de chagrin. Face à un régime qui refuse d’entendre toute voix discordante, la seule réponse possible demeure la mobilisation internationale. Reste à voir si la communauté internationale, et en particulier la France, acceptera de regarder ailleurs, ou si elle prendra enfin la mesure du danger qui guette les intellectuels algériens.

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