Augmentation des bénéfices bancaires malgré une conjoncture économique difficile
Dans un contexte économique marqué par des incertitudes, les banques marocaines affichent des résultats financiers en forte hausse, soutenus par l’intervention publique. Selon un rapport conjoint de la Banque centrale et de la Direction de la supervision bancaire, la rentabilité des banques a connu une progression notable en 2023, malgré une faible croissance économique nationale.
Le secteur bancaire marocain a enregistré un bénéfice net de 12,7 milliards de dirhams, soit une augmentation de 20,4 %, alors que le PIB du pays n’a crû que de 3,5 %. Cette hausse des profits survient dans un contexte où le coût du risque et celui des ressources bancaires ont également progressé.
Plusieurs événements exogènes, tels que la pandémie de Covid-19, l’inflation post-reprise, et le conflit en Ukraine, ont pesé sur l’économie nationale. Cependant, les banques ont tiré parti de taux d’intérêt élevés pour renforcer leur rentabilité. Le Produit net bancaire, qui mesure la différence entre les produits et les charges d’exploitation, a vu une augmentation de 3,6 %, atteignant 37,5 milliards de dirhams.
Les taux débiteurs appliqués aux clients ont augmenté d’un point de pourcentage en moyenne, tandis que le coût des ressources, lié à la rémunération de l’épargne, n’a augmenté que de 0,5 point. Cette différence reflète un marché bancaire marocain où les taux débiteurs sont davantage indexés sur le taux interbancaire plutôt que sur les coûts internes des banques.
La dualité de la finance moderne
Historiquement, la finance devait soutenir l’investissement dans les entreprises en mobilisant l’épargne des particuliers. Elle a, cependant, évolué pour devenir une fin en soi, détachée de son rôle initial de soutien à l’économie réelle. Aujourd’hui, la finance est souvent critique pour sa part dans les dysfonctionnements économiques : elle détourne des ressources, stimule l’austérité salariale et facilite l’évasion fiscale. Cet écart est exacerbé par sa capacité à transférer rapidement les crises à travers le monde, comme l’a illustré la crise des subprimes.
Depuis les années 1970, la finance a connu une expansion majeure, favorisée par une déréglementation et une privatisation impulsée par des politiques néolibérales. Ce changement de paradigme a renforcé le rôle des marchés financiers au détriment des interventions étatiques, centralisant ainsi le pouvoir de décision économique entre les mains des actionnaires.
Cet accroissement du secteur financier pose des risques accrus pour l’économie mondiale : plus la finance prend de l’ampleur, plus la récession risque d’être sévère en cas de crise. La finance, jadis moteur de l’économie, doit donc repenser son rôle pour ne pas compromettre sa fonction première au service des entreprises et de la société.