Bahia Amrani, grand calibre de la scène médiatique marocaine
Par Imane Brougi
Militante dans l’âme, Bahia Amrani, directrice de l’hebdomadaire « Le Reporter », est une figure prépondérante de la scène médiatique marocaine et un modèle de la femme engagée qui a réussi son parcours avec brio, en s’imposant avec force dans un domaine qui était réservé aux hommes à son époque.
Titulaire d’une licence en sciences politiques, d’un diplôme d’études supérieures (DES) en relations internationales et d’un autre DES en sciences administratives, Mme. Amrani a fait un cursus universitaire remarquable.
En effet, c’est à l’enceinte de la faculté des sciences juridiques de Rabat que Bahia, la jeune fille brillante et forte de personnalité, a côtoyé les grands auteurs et penseurs de l’époque, « les études à la Fac de droit et bien particulièrement la branche sciences politiques qui avait un grand succès, ont bien forgé ma personnalité. Nous avions des professeurs et des conférenciers exceptionnels, comme Aziz Belal, Mohamed Lahbabi, Maurice Duverger, Remy Leveau, John Waterbury, Michel Rousset et Jean Garagnon », confie Mme. Amrani à la MAP.
C’est grâce aux séminaires et cours assurés par ces prestigieux experts en droit qui venaient parfois de loin, que Bahia a développé un esprit de synthèse et d’analyse pertinent. Encore étudiante, Bahia animait des débats acharnés autour des thématiques évoquant les régimes politiques, les libertés publiques et individuelles et le dossier du Sahara.
« A l’époque, le dossier du Sahara avait une grande importance, tous nos professeurs en étaient passionnés, notamment notre doyen et professeur de droit international, Mohamed Bennouna, qui a d’ailleurs été nommé, par la suite, Représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU. Ce sont tous ces enseignants qui m’ont influencée », souligne-t-elle.
Parallèlement à ses études, elle écrivait des articles sur les actualités nationales et internationales, avec un focus sur la question de la femme. C’est ainsi qu’elle a fait ses débuts dans la presse, ayant donné naissance ainsi à un grand calibre de la scène médiatique marocaine.
Après avoir travaillé avec plusieurs médias nationaux et internationaux de grande renommée (BBC, Jeune Afrique, l’Express…) et accumulé une expérience bien solide dans le domaine du journalisme, Mme. Amrani décide de créer « Le Reporter », un journal d’informations générales, indépendant, qui fête cette année son 20ème anniversaire.
« Au début, être à la tête du Reporter signifiait seulement exercer le métier de journaliste comme j’en rêvais. Mais peu à peu, j’ai réalisé qu’être à la tête de cette publication, cela signifiait aussi avoir une grande responsabilité: celle de gérer une entreprise et relever le défi de sa propre contribution à l’économie nationale. La presse n’est pas seulement des idées et des mots, c’est aussi un secteur économique qui assure des milliers d’emplois directs et indirects », avoue-t-elle.
Pour cette experte en relations internationales, « le métier du journalisme donne beaucoup de pouvoirs, mais exige aussi beaucoup de responsabilité ». « Il s’agit d’un métier formidable où l’on peut, d’un côté, apprendre sans cesse, sur tout et tous les jours et, de l’autre, devenir acteur de la vie politique, économique, culturelle, ou sportive, selon ses centres d’intérêt ».
Cette journaliste émérite qui exerce ce métier depuis 36 ans, toujours avec le même amour, passion et engagement, a consacré sa vie à la recherche de l’information et la sensibilisation de l’opinion publique. « Ma vie professionnelle a largement pris le dessus sur ma vie personnelle, j’ai sacrifié l’une au profit de l’autre », dit elle.
Interrogée sur les personnes qui l’ont soutenue dans son parcours professionnel, Mme. Amrani a estimé que « le soutien des proches est très important, mais il n’est pas plus important que la détermination ». « Quand ce soutien existe, il ajoute à votre détermination parce que vous ne voulez pas décevoir ceux qui vous soutiennent, et quand il n’existe pas, il ajoute tout autant à votre détermination parce que cela vous pousse à relever le défi », souligne-t-elle.
Sur la question d’évaluation de la situation de la femme marocaine, Mme. Amrani considère qu’il existe des avancées et des retards, mais relève avec fierté qu’au Maroc, la femme peut se battre pour ses droits, en se mobilisant dans le cadre d’ONG, partis politiques, syndicats…
Elle estime que les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, mais la femme marocaine a le pouvoir de revendiquer ses droits, « ce qui n’existe pas dans tous les pays arabo-musulmans… Il faut juste poursuivre le combat pour la bonne cause ».