Le Club des magistrats dresse un tableau sombre de la situation des juges
Par Mohammed Taleb
Le Club des magistrats déplore la détérioration de l’état de santé des juges en raison des conditions de travail et la faiblesse du système de couverture sanitaire ainsi que plusieurs dysfonctionnements qui impactent le bon déroulement du travail au niveau des tribunaux du Royaume.
Les magistrats du Royaume sont en colère et le font savoir. S’adressant dans un communiqué, sur un ton sec, au ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid, le Club des magistrats exprime son mécontentement et ses regrets quant à la situation dans laquelle se trouve la scène judiciaire. En effet, après examen de plusieurs points lors de sa réunion ordinaire du vendredi dernier, notamment la situation sociale des juges, le Club des magistrats vient de publier un communiqué pointant du doigt la responsabilité du ministre de la Justice et des libertés dans la «détérioration de la situation des juges ». Dans ce sillage, le club met en lumière ce qu’il a qualifié de « préjudice porté à l’encontre d’un large groupe de juges à cause de l’arrêt de leur promotion malgré le fait qu’ils ont passé la nécessaire mais longue période d’attente de cette mise à niveau». Selon le bureau exécutif du Club, le retard accusé dans la mise en application des deux lois organiques relatives au pouvoir judiciaire, qui ont été au centre d’une vive polémique entre le ministre de tutelle et les magistrats, « a privé les magistrats d’un ensemble de garanties surtout sur le plan de l’évaluation des juges ». Tout en rappelant que « la confidentialité des évaluations avait, par le passé, causé des drames (tragédies) sociaux pour les juges, l’instance la plus représentative des juges réclame « la levée immédiate de la confidentialité concernant les bulletins d’évaluation des juges sans attendre l’entrée en vigueur des nouvelles lois ». Et ce, précise-elle, « en raison de l’absence de ce qui peut l’empêcher même dans l’actuel statut des juges (décret de 1974) ainsi que pour la consécration de la transparence et du droit des juges de discuter leur situation individuelle et la remettre en cause si nécessaire ».
Le club fustige, également, « le retard accusé dans l’approvisionnement des tribunaux nationaux en outils de travail nécessaires pour l’accomplissement du travail jusqu’à présent (20-01-2017 »). « Ce qui affecte, selon le club, la qualité du travail et la continuité du service » et « ajoute une couche à la détérioration continue des conditions de travail dans certains tribunaux qui connaissent un encombrement ou une congestion des juges et du personnel (Par exemple : Tanger, Rabat, Fès, Casablanca, Marrakech, Meknès…) et une quasi-absence des assistants qui poussent les magistrats à faire eux–mêmes le travail des assistants ainsi que l’absence de conditions pour l’accueil des justiciables… » . Tous ces éléments font des tribunaux « un terrain fertile pour de mauvaises pratiques et un espace inconnu pour les justiciables en particulier ceux qui n’ont pas eu de chances dans l’éducation », lit-on sur son communiqué. C’est pourquoi, rappelle le club, « les magistrats insistent sur l’autonomie financière complète du pouvoir judiciaire et demandent de la soustraire de toute autre autorité dans le cadre du principe de liaison de la responsabilité avec la reddition des comptes ».
Concernant la détérioration de l’état de santé des juges en raison des conditions de travail et la faiblesse du système de couverture de santé, le bureau exécutif du club Maroc a constaté, en se référant à des données qu’il a collectées, durant les cinq dernières années, que ce phénomène prend de l’ampleur. Le Club a relevé que « des groupes de juges de tout âge sont atteints de maladies chroniques que des rapports médicaux ont liées aux conditions de travail ». Il a également constaté que « le traitement de certaines maladies est très coûteux et parfois n’est pas couvert par la couverture sociale de base ni par la complémentaire ». « Face à cette situation humanitaire d’urgence, le club appelle toutes les parties prenantes à trouver des solutions à cette problématique sur tous les plans (judiciaire, administratif et financer) afin d’éradiquer ce phénomène de ses racines et éviter le déficit du système de couverture de santé actuel et celui de la Fondation des œuvres sociales des juges ».
Le club a, par ailleurs, mis l’accent sur l’importance de la formation continue pour les juges. Tout en dénonçant le gel de ce dossier depuis des années, il a considéré que les conférences organisées par le ministère ne peuvent se substituer à la formation continue et que l’Institut supérieur du pouvoir judiciaire est la seule instance capable de délivrer une telle formation.