Covid-19 : qui a profité de la crise ?

Par Lina Ibriz 

La gestion de la crise pandémique au Maroc a fait du Royaume un modèle mondial. Une stratégie exemplaire de lutte contre le Covid, certes, mais qui a également nécessité l’engagement d’importants fonds pour la réussir. Au Maroc, les importations médicales ont grimpé de 138% entre 2019 et 2020. Voici comment la crise a profité à certaines industries.

En mars 2020, le pays a annoncé la création d’un fonds spécial pour gérer la pandémie.  A fin juillet 2020, le montant global collecté par le Fonds spécial pour la gestion de la pandémie a atteint 33,7 milliards de dirhams (MMDH) à fin juillet 2020, selon la Trésorerie générale du Royaume (TGR). Les dépenses se sont, quant à elles, situées à 24,7 MMDH. Ces fonds ont permis de soutenir l’économie nationale et de diluer l’impact de la crise sur les populations les plus vulnérables, mais aussi, et surtout, de financer les dispositifs sanitaires mis en place pour contrer la propagation du Coronavirus.

Depuis l’annonce du premier cas confirmé de contamination, le pays a mobilisé l’ensemble de son système sanitaire pour prendre en charge les patients. Ayant axé sa stratégie sur la prévention, des centres de dépistage ont été mis en place à travers le territoire. Les centres hospitaliers ont également été aménagés pour accueillir les cas contaminés, et plusieurs nouvelles structures ont été créées à cet effet. Dans des temps de pénuries et de disruptions, le Royaume s’est aussi mobilisé pour approvisionner le marché national en dispositifs médicaux.

Les importations marocaines des dispositifs médicaux ont en effet évolué, entre 2019 et 2020, de 138%, marquant ainsi « une croissance inédite« , selon le Conseil de la Concurrence. Ces importations, en particulier par rapport aux réactifs de diagnostic in vitro, de 482 millions de dirhams en 2019 à 1 milliard de dirhams en 2020, selon les données publiées en mai par le Conseil.

Tests de diagnostic du COVID-19, une mine d’or ?

Le département de la santé a réalisé, à lui seul, 30% des importations enregistrées en 2020. En sus, sur les 20 sociétés ayant enregistré leur réactif PCR du COVID-19, les importations de 2020 ont concerné 1734 opérateurs privés, lit-on sur le rapport du Conseil de la Concurrence. En 2021, les importations du secteur privé ont pris place avec la prédominance de quatre sociétés ayant enregistré une part de marché de 80% au cours de cette année, ajoute le même document.

La société Masterlab s’est accaparée d’une part prépondérante passant de 25% en 2020 à 39% en 2021, soit une augmentation de 14 %, suivie des sociétés Mégaflex et Stérifil, ayant importé respectivement 14% et 16% des réactifs PCR. L’analyse du marché effectuée par le Conseil a aussi fait ressortir la dominance de la société « IM ALLIANCE » dont la part de marché est passée de 73% en 2020 à 86% à fin octobre 2021, soit une évolution de 4%.

Quant à la production de ces dispositifs, la société Moldiag, par exemple, a produit 3 millions de kits RTPCR du COVID-19 et a commercialisé plus de 2,5 millions de kits sur le marché national à fin novembre 2021. La capacité de production de la société Medi est estimée à 1 million de tests par mois avec un coût de revient de 30 DH par test.

S’agissant du marché aval, l’autorisation des laboratoires privés à réaliser les tests Covid leur aurait permis d’accroître considérablement leurs gains. Avant juillet 2020, le marché aval des tests COVID-19 a été confié uniquement aux laboratoires publics avec un nombre de 31 laboratoires. Avec l’autorisation du secteur privé en juin 2020, le nombre total de laboratoires du réseau est passé de 31 à 200 laboratoires au 1er septembre 2021, puis à 269 laboratoires au premier décembre 2021, avec une prédominance des laboratoires privés de 87%, note le Conseil de la Concurrence.

Les calculs estimatifs réalisés par les services du Conseil sur la base des données collectées auprès des opérateurs concernés ont permis de ressortir que pour un laboratoire privé réalisant à la fois les cinq tests Covid, à savoir les tests PCR conventionnelle, PCR rapide, antigénique, sérologique qualitatif/quantitatif et sérologique automatisé, le résultat net de ce laboratoire aurait augmenté d’une marge nette de plus de 5 Millions de dirhams sur trois années, soit plus de 1,7 million de dirhams sur une seule année.

Équipements de protection, un terrain fertile pour les industriels marocains 

La hausse soudaine de la demande mondiale sur les équipements de protection a été derrière une pénurie qui a risqué de fragiliser les systèmes sanitaires des pays du monde. Dès le déclenchement de la crise, Etats, entreprises privées, hôpitaux, et particuliers sont entrés dans une concurrence pour se procurer des masques, gants, gels sanitaires etc.

Le marché mondial des masques de protection a connu une croissance « sans précèdent » de 223,2% en 2020, pour atteindre une valeur de 23,7 milliards de dollars en 2021, selon Fortune Business Insights. Le marché national a aussi suivi une dynamique similaire de croissance.

Au Maroc, 60 usines de textile marocaines se sont spécialisées dans la production des masques, assurant une capacité de production totale des masques estimée à 16 millions par jour, dont 14 millions masques non tissés et 2 millions de masques en tissu. Fille de la pandémie, l’essor de cette industrie a permis aux opérateurs marocains de réaliser d’importants revenus, notamment après l’autorisation de l’exportation de ces produits. En moins d’un mois, entre le 21 mai 2020 jusqu’au 8 juin 2020, les producteurs marocains ont exporté près de 18,5 millions d’unités. En 2020, la société Gigalab, à titre d’exemple, a réalisé un chiffre d’affaires de 36 millions de dirhams.

D’autres industries ont également vu leurs activités évoluer durant la crise. Remise en état, la seule usine au Maroc spécialisée dans la production de «l’éthanol» a pu assurer une production de 240 hectolitres par jour de cet alcool essentiel pour la fabrication de désinfectants, avait dévoilé à la Chambre des représentants l’ancien ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy. En outre, les opérateurs marocains se sont également dirigés vers la fabrication des respirateurs artificiels. La capacité théorique nationale de production de ces dispositifs avait été estimée à 1.000 respirateurs artificiels par semaine en 2020, selon les données partagées par l’ex-ministre.

Vaccins…quel prix pour sortir de la crise ?

Une fois les vaccins disponibles sur le marché mondial, le Maroc a lancé une stratégie nationale de vaccination contre le Covid ayant permis d’immuniser plus de 64% de la population. Les premiers vaccins à atteindre le Maroc ont été Sinopharm et AstraZeneca. Le pays a ensuite acheté le vaccin Johnson & Johnson et a récemment reçu le vaccin Pfizer-BioNTech. Dans tout le pays, quelque 420 centres de vaccination ont été mis en place, et les vaccins ont été administrés aux citoyens marocains et aux résidents dans des centres de vaccinations publics.

Certes, la vaccination gratuite a permis l’accélération de l’immunisation de la population et une adhésion collective à cette campagne de grande envergure, mais le coût pour l’Etat a été élevé. Jusqu’au mois de septembre 2020, le pays avait administré au moins 45 millions de doses. Selon des données relayées par la presse marocaine, à fin septembre 2021, le Maroc aurait dépensé 6,79 milliards MAD pour l’achat de vaccins anti-COVID-19.

 Les fonds alloués à la campagne de vaccination ont été principalement puisés dans le Fonds spécial créé en mars 2020 pour la gestion de la pandémie. Les dons du secteur privé, des citoyens marocains et du budget de l’État se sont élevés à 34 MMDH, dont 29 MMDH dépensés en 2020, selon les données gouvernementales. En outre, la réhabilitation du secteur de la santé a coûté 3,2 milliards de MAD (352 millions de dollars). L’argent a été investi pour acheter du matériel hospitalier, des médicaments et des produits pharmaceutiques.

Aujourd’hui, le Maroc s’apprête à tourner la page de la pandémie en assurant la relance de l’économie. Ayant fixé d’ambitieux objectifs de développement et une feuille de route bien détaillée, en l’occurrence le Nouveau Modèle de Développement (NMD), le pays, naviguant une conjoncture mondiale complexe, avance d’un pas sûr vers une véritable transformation.

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