Demain l’Apocalypse

Quatre ans sont passés depuis la destitution et le meurtre de Mouâmar Kadhafi par un commando des services français qui l’a délogé de sa trappe. Quatre ans également que la Libye est plongée dans le chaos. Barack Obama, Nicolas Sarkozy, David Cameron et tous ceux qui leur ont emboîté le pas dans l’effondrement du régime libyen, continuent à se frotter les mains. D’autant plus que, non contents d’avoir organisé une mise à mort de l’ancien dictateur, les mêmes se sont retrouvés quasiment sur les terrains syrien et irakien, Nicolas Sarkozy ne quittant le pouvoir qu’en mai 2012. Pourtant, même après avoir quitté l’Elysée, il n’a cessé de s’en vanter et de ses tresse des couronnes de gloire, reprochant à son successeur socialiste d’avoir mis fin à l’intervention de la France en Libye.

Quels regards peuvent-ils, ces dirigeants du monde, jeter encore sur leur « œuvre » qui ne fait pas que des heureux, ne manque pas de susciter encore de violentes critiques, y compris dans le camp occidental ? Les Etats-Unis avaient violemment bombardé la Libye et paralysé les infrastructures militaires du régime, ils ont ainsi facilité l’intervention franco-britannique qui s’est inscrite de facto dans une entreprise de coalition spontanée à un dénominateur commun : la volonté de défaire une partie du monde arabe.

Les motivations pour défaire le régime de Kadhafi n’ont jamais été explicitement exprimées. Elles relèvent de l’inavouable dessein des puissances et de leurs services sur fond d’intérêts non moins inavoués qui, pétrole et gaz obligent, tiennent aussi à une géopolitique fugace et mouvante, pour ne pas dire insaisissable. La guerre civile en Syrie a suivi celle de la Libye, vaste débandade meurtrière qui, d’une part a pris l’opinion publique internationale au dépourvu – car le régime de Bachar, héritier de son père al-Assad, paraissait inamovible et intouchable devant l’Eternel – et, d’autre part, l’a livrée aux impitoyables appétits du groupe de l’Etat islamique. Lequel, en s’emparant de Raqqa en août 2014, a supplanté dans l’inconscient populaire al-Nosra, pourtant mouvement syrien authentique jusque-là soutenu financièrement et militairement par la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, Qatar…et tous ceux qui tablaient sur une chute du régime bâassiste. Contre Bachar al-Assad tous les arguments étaient brandis pour précipiter sa chute, et la presse occidentale, avant de se raviser, n’a eu de cesse entre 2011 et 2015, de l’accabler en publiant images des gazages chimiques des populations et reportages de bombardements de civils. Les chancelleries occidentales et leurs « services » s’en sont donnés à cœur joie, non sans se mordre la queue après avoir compris qu’en fait d’opposition politique à Bachar al-Assad, ce sont des groupes jihadistes et islamistes radicaux qui étaient aux portillons du pouvoir…

La gestion de la crise syrienne n’a pas encore livré ses secrets désastreux et les mouvements de départ de Syrie, ces cortèges de réfugiés et d’exilés vers les « mirages » européens nous en donnent l’amer et triste goût quand, en parallèle, la guerre civile fait plus de 300.000 morts et détruit le pays le plus emblématique et le peuple le plus cultivé du monde arabe. Si l’on pousse l’analyse vers le nord-ouest du pays, on tombe sur l’Irak, lui-même convoité dans sa partie est par l’Etat islamique qui y a semé la terreur, conquis en juin 2014 Mossoul avec une facilité déconcertante, détruit Palmyre et menace toujours Alep et, surtout, dessiné une carte géopolitique califale qui, faute de neutraliser à temps les troupes de Abou Bakr al-Baghdadi, modifiera la région avec de troublantes conséquences à moyen terme. Ce sont le maintien et la stabilité des pays comme l’Arabie saoudite, le Yemen , Qatar, Koweit, Bahrain, l’Egypte et, au-delà la Libye voire la Tunisie qui sont menacés.

Si les Occidentaux prennent peu à peu conscience de telles évidences – trop tard à notre avis – , ils demeurent otages de leurs propres contradictions. Les Barack Obama, les David Cameron, les François Hollande pour ne citer que ces principaux « va-t-en-guerre », ne resteront pas au pouvoir, comme Sarkozy qui a lancé la guerre en Libye. Ils partiront dans quelques mois et déjà, il convient de prévoir une redistribution des cartes géopolitiques. Le président américain, le doigt sur la bouche, exprime ses regrets de n’avoir pas su régler à temps le conflit libyen, autrement dit éviter le chaos auquel on assiste à présent, désarmés et impavides, il a retiré en grande partie ses soldats de l’Irak, mais il a laissé, fort heureusement dira-t-on , le champ libre à Vladimir Poutine en Syrie qui a stoppé l’offensive jihadiste. Pour autant, leurs successeurs aux uns et aux autres ne maîtriseront pas ces dossiers complexes du jihadisme avec l’aisance et l’expérience nécessaires. On redoute en effet la montée en puissance torrentielle et cataclysmique de Donald Trump aux Etats-Unis, amateur du fameux « Big stick »… Autant dire aussi que le monde n’a pas fini de vivre avec le terrorisme jihadiste qui, tel un spectre apocalyptique, élargit ses fronts…

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