Des nouvelles de nos vacances?
Le bikini bleu de Kolinda
Août au Maroc… La chaleur d’un invincible été. Reconnaissons que notre été est un peu pourri, comme assommé sous le hashtag du ridicule «Soisunhomme», suivi du péremptoire «couvre ta femme» ! Quelle absurdité que cette virilité perdue, ne tenant plus qu’à l’ourlet périlleux d’une petite jupe. Conséquence de cette mauvaise blague, nous n’irons plus à la plage, l’envie nous en est passée. Comme il a bien fallu passer le temps, notre invincible été s’est réfugié dans les pages people des journaux où nous avons fait la connaissance du petit bikini de la Présidente croate, Kolinda Grabar. J’ai scruté les réactions des uns et des autres sur les réseaux sociaux et je peux vous affirmer que ce maillot bleu, généreux sous toutes les coutures, a été salué à l’unanimité par nos hommes à nous, soudain devenus très tolérants. Bref, rien de nouveau sous le soleil de la décence. A l’étrangère, le beau maillot, à nous l’étouffement entre ciel et sable. C’est vrai, la généreuse Kolinda Grabar est éblouissante. C’est vrai que nous, nous ennuyons ferme, alors creusons un peu, histoire de la mettre tout à fait à nu et, là, stupeur, y a pas photo : la Présidente nous fait sacrément peur.
Au début, le décor est grandiose. Une finale de Coupe du monde entre pays européens, France-Croatie et des fans zones en délire. (Nous gardons le souvenir ému de nos Lions, mais ce n’est pas ici le sujet). Dans les tribunes officielles de la finale, une supporter de choc en la personne de la Présidente de la Croatie, ce jeune pays de 4 millions d’habitants. La Présidente fait sensation sur les gradins, en maillot à damiers aux couleurs du pays. Oui, encore un maillot. C’est obsédant. Certes, on l’a déjà vue, quelques mois plus tôt, en treillis et tirant au fusil d’assaut, en visite officielle des casernes. Façon madame Poutine, blonde et gravement courageuse. L’image est très politique.
Classée selon Forbes 39ème femme la plus puissante au monde, elle tient à montrer l’exemple. Pour assister aux matchs de son équipe nationale, elle prend un congé sans solde et règle rubis sur l’ongle son billet d’avion en classe économique. A ce moment, revendiquer son origine modeste nous semble une humilité bien plus classieuse qu’un maillot. Quel qu’il soit. Mais nous allons évidemment déchanter.
La récupération politique qui se « foote » du monde
Rien n’est moins simple qu’une image. Derrière le miroir médiatique, une autre réalité se profile. Hors papier glacé, la réalité de Kolinda est plutôt surprenante. Fille de boucher, études en Californie, Maîtrise de langues étrangères et de relations internationales à l’université de Zagreb, sa carrière démarre sous les chapeaux de roue. La jeune femme devient haut-fonctionnaire avant d’intégrer le corps diplomatique croate en 1997. Députée, elle est nommée ministre de l’intégration européenne, puis ministre des affaires étrangères en 2005 et ambassadrice des Etats-Unis à Washington en 2008. Quelques années plus tard, c’est la consécration, la politicienne est élue première Présidente femme de la Croatie. Elle a 47 ans au compteur et le monde s’intéresse de plus près à cette jolie apparition. Pourtant, très vite, l’image se fissure. On apprend des choses. On apprend que Kolinda a le goût radical. Assumant des positions nationalistes et très conservatrices, on la retrouve après son élection, en photo au premier rang, à la célébration de l’Opération Tempête, ces bombardements aériens qui ont permis à la Croatie de détruire la république serbe de Krajina avec la volonté affichée d’y opérer un « nettoyage ethnique ». Pour compléter le tableau inquiétant, on aperçoit la belle blonde en 2017, toujours souriante, posant au mémorial de Bleiburg, site où furent éliminées des centaines de personnes accusées d’avoir fait partie du régime oustachi en 1945. On peut donc la contempler, posant en souriant pour la photo, à Bleiburg, lieu du pèlerinage annuel des nationalistes et néo-nazis croates…
Retour en Russie. Le show est parfait et le maillot croate à damiers rouges et blancs embellit le teint de Kolinda sous les caméras. Elle embrasse les joueurs à tour de bras et multiplie les démonstrations chaleureuses envers tous. Kolinda a du coeur. C’est une vedette. Le foot mondial comme tout autre événement d’envergure poursuit son exercice de récupération politique et nous sommes consternés de constater que nous n’y échappons pas. Jamais. Foule sentimentale que nous sommes, gagas des fêtes et des plages. Tandis que les Marocaines sont interdites de bikini par la force des réseaux sociaux. Le réseau social, très royal, fait encore sa loi derrière la campagne de promo de la célèbre blonde au bikini bleu. L’image s’affiche partout. Mais patatras… Tout s’effondre … Et, qu’apprends-je ? La photo du bikini qui a fait le tour du monde, celle qui a révolutionné la mystique des hommes marocains … est un montage ! Mais comment est-ce possible ? La vérité éclate, il ne s’agit pas de Kolinda, toute en formes et en bleu sur l’image ! Eh non, ce n’est pas elle ! Bingo, il s’agit en fait du maillot, des fesses et des seins de l’Américaine Coco Austin, épouse vertueuse de la star du rap, Ice-T.
Notre invincible été en a pris un coup.
Valérie Morales Attias