Diplomatie culinaire

Par Mohamed Benfadil

A 71 ans, l’entrepreneur marocain le plus célèbre des Etats-Unis n’a pas encore dit son dernier mot. Le regard toujours perçant mais très adouci par des lunettes rondes d’intellectuel nostalgique, Rashid Choufani, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, a encore plus d’un tour dans son sac.

Plus reputé pour avoir fait le bonheur du fameux Pavillon du Maroc à Disney World, notamment grâce aux restaurants qu’il y a installés et à leur tête Marrakesh, son nom est également associé, même à tort, aux générations de Marocains amenés chez l’oncle Sam pour contribuer au rayonnement culturel de leur pays d’origine.

Il s’en défend modestement, en tout cas en mettant la balle dans le camps de Walt Disney World. Laquelle compagnie, affirme-t-il, se réserve le droit de faire venir ces ressortissants dans un cadre contractuel et, en général, à durée déterminée. Au même titre d’ailleurs que ceux d’autres pays représentés dans cette plaque tournante unique du tourisme mondial.

Ayant enchaîné les succès dans l’immobilier et l’hôtellerie, mais surtout en tant que restaurateur, cet ex-juge-arbitre du Bocuse d’or, sorte d’Olympiades de la cuisine, vient de mettre les petits plats dans les grands en ouvrant un restaurant haut de gamme super raffiné dans l’un des quartiers les plus huppés d’Orlando.

Dénommé Urban 40 et destiné au gotha de Floride, cette nouvelle unité de l’empire gastronomique de Choufani, qui en compte 17, donne un avant-goût de la nouvelle stratégie d’expansion du groupe. Au menu de ce nouveau joyau de la cuisine internationale, à titre d’exemple, la luxueuse soupe française billi-bi de moules au safran le disputera aux pâtes à la bolognaise au boeuf, les fameuses Grana Padano, et à une multitude de desserts tous plus délicieux les uns que les autres.

Pour gagner ce nouveau pari, Rashid Choufani n’a pas hésité à s’offrir les services de chefs aussi prestigieux que le cordon bleu français Jean-Stéphane Poinard ou encore la chef-patissière américaine Amanda McFall. Les convives étant ainsi entre de bonnes mains, ils n’ont plus qu’à se laisser emporter dans un décor rétro et nostalgique des années 40, le tout sur fond de douce musique d’orchestre.

Les élites d’Orlando étant au premier chef ciblées, l’emplacement de ce nouveau restaurant n’est donc pas le fruit du hasard. Des champions de golf tel Tiger Woods à ceux de baseball tel Johnny Damon, qui a d’ailleurs grandi et résidé à deux pas dudit restaurant, en passant par les stars du NBA tel Shaquille O’Neal, tout ce beau monde à goûté, ou goûtera un jour, aux délices de la bonne bouffe « choufanienne ».

Pour bâtir et maintenir debout cette pyramide culinaire, Rashid Choufani s’est toujours entouré des compétences nécessaires. Pour lui, le cheminement professionnel, le fameux « track record », et la formation intra muros ou « in house » de ses recrues sont des critères incontournables. Tous ses collaborateurs, a fortiori les plus proches, ont emprunté ce labyrinthe d’embauche. Ce vieux routier de l’investissement dans la pierre, qui a, sans jeu de mots, parallèlement fait confiance à son palais pour faire son beurre, n’est pas près de s’arrêter en si bon chemin.

Dans les cinq prochaines années, le groupe ouvrira en effet d’autres restaurants de même type dans d’autres importantes villes de Floride, telles Sarasota, Tampa, West Palm et Miami.

Par ailleurs, pour pérenniser cette entreprise et en alléger le poids qui pèse désormais lourd sur ses épaules, son âge oblige, Rashid Choufani a opté pour un organigramme simple et efficace. La vieille dénomination e-brands restaurants qui présidait aux destinées d’une quinzaine d’unités, a ainsi cédé la place à une sorte de holding articulé autour de ses deux marques de restaurants, Paradiso 37 et Urban 40.

Cette dernière étant la propriété de son fils Jaafar, un avocat trentenaire qui s’est fait un prénom surtout grâce à son autre passion d’agent sportif. Dénommé Boulevard Restaurants, le holding ainsi créé est présidé par le père. La gestion quotidienne du groupe étant assurée par le fils, aidé en cela par Abdessamad Kostali, un autre Marocain ayant fait ses preuves dans l’univers prestigieux du leader mondial de l’hôtellerie Hyatt Regency.

Sorte de cheville ouvrière du nouveau groupe, ce fier fils de Settat a bâti sa réputation commerciale sur l’exploitation de l’information qui réside dans le détail. Pour lui, un commerçant qui se respecte doit gagner de l’argent en achetant, pas en vendant.

Le reste des activités, notamment immobilières, de Rashid Choufani est organisé en trust ou revêt un caractère familial. Passionné de golf, il a souvent tapé dans la petite balle blanche en compagnie de champions et participe activement au développement de sa communauté.

Concernant l’investissement au pays, Rashid Choufani dit rester ouvert à toute offre de partenariat en vue de contribuer au développement économique de sa mère-patrie, notamment dans le domaine du tourisme et de la gastronomie auquel il doit son succès.

D’un premier restaurant ouvert au Maroc en 1974, il en a lancé six autres avant l’appel d’Orlando. Ville qui lui a ouvert ses bras et l’a porté au Zénith du tourisme mondial.

Marié à la Suissesse Marianne et père de Maya, une dentiste installée en Espagne, et de Jaafar, aujourd’hui son bras droit dans cette jungle entrepreneuriale, le vieux lion d’Orlando n’a pas fini de rugir.

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