Dissolution du parlement tunisien : La crise politique amorce un nouveau tournant
La crise politique que vit la Tunisie avec la tenue mercredi d’une séance plénière à distance du parlement gelé depuis le 25 juillet 2021, a marqué un tournant grave, franchissant un palier dont les conséquences demeurent imprévisibles.
Cette manœuvre, menée par plusieurs députés avec l’objectif de débattre « d’une alternative constitutionnelle mettant fin aux mesures d’exception et redonner au peuple son droit d’exercer sa souveraineté à travers les urnes« , a poussé le Président Kaïs Saïed à annoncer la dissolution du parlement et ce, conformément à l’article 72 de la Constitution du pays.
Cet article stipule que « Le Président de la République est le Chef de l’Etat et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution« .
D’après un grand nombre de politologues et d’observateurs, les événements se sont accélérés et la réaction des pouvoirs publics fut à la mesure de l’affront lancé par les 116 députés qui ont pris part à cette réunion.
Face à cette crise politique sans précédent qui menace l’unité du pays et de ses institutions, le Président Saïed a soutenu qu’il assumera ses responsabilités et ne lésinera sur aucun moyen pour sauver le pays des ennemis qui le guettent que ce soit à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur.
Les députés à l’origine de l’organisation de cette session ont cherché à créer une sorte de fait accompli et à jouer sur l’effet de surprise pour mettre dans l’embarras le président Saïed et faire échouer sa feuille de route qui prévoit notamment l’organisation d’un référendum le 25 juillet et des élections législatives anticipées en décembre.
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A l’issue de cette séance plénière tenue à distance, les députés présents représentant cinq blocs parlementaires ont voté la loi 01/2022 décrétant la fin des mesures exceptionnelles et l’annulation de l’ensemble des décrets présidentiels depuis le 25 juillet 2021.
Le président de la séance, Tarek Fetiti, a fait savoir que la loi adoptée entre vigueur à l’issue du vote, évitant ainsi le piège de sa non-publication éventuelle au journal officiel de la République tunisienne.
Malgré ses mises en garde contre toute décision émanant de ce parlement qui « est nulle et non avenue », le président de la république n’a pas hésité de passer de la parole à l’action.
Il a présidé au cours de la même journée une réunion d’urgence du conseil de sécurité nationale, reçu la cheffe de gouvernement et la ministre de la justice, qualifiant cette réunion « de tentative de coup d’état avortée », d’ »illégale » et d’ »atteinte à la sécurité intérieure et extérieure du pays« .
Dans la foulée, il a annoncé que les organisateurs de cette réunion répondront de leurs actes et feront objet de poursuites judiciaires.
Visiblement irrité et en colère, le chef de l’Etat tunisien s’est exclamé à l’adresse des membres du conseil national de la sécurité dont la cheffe de gouvernement : « Pourquoi ils redoutent le référendum, les élections et le recours à la légitimité du peuple ? ».
Pour lui, ces députés ont perdu toute légitimité, toute crédibilité et leur action procède plutôt d’un esprit confrériste que d’une réelle volonté de sauver la démocratie ou les droits et libertés.
Tout en accusant les députés de comploteurs contre la sûreté nationale, il a soutenu qu’il s’agit d’une violation flagrante de la loi annonçant avoir appelé la ministre de la Justice à ouvrir une enquête judiciaire au sujet de ces agissements irresponsables.
Le président de la république a tenu en même temps à rassurer les Tunisiens affirmant que « leurs décisions n’ont aucune valeur et qu’il n’existe qu’une seule légitimité dans le pays et qu’ils ne parviendront jamais à diviser les Tunisiens et à semer la zizanie ».
Il a fait savoir qu’ils essayent de jouer le rôle de la victime, au moment où ils sont les responsables des malheurs des Tunisiens et les pires ennemis des droits et libertés. D’où la nécessité, selon lui, d’agir vigoureusement pour sauvegarder l’Etat, les institutions et la volonté populaire.
Au regard de la nouvelle donne, les experts de la scène politique tunisienne estiment que la manœuvre des députés consiste à exercer une pression et à mener une guerre psychologique sur les pouvoirs pour les désarçonner.
Cette manœuvre vise également à permettre à certains élus de se redonner une nouvelle légitimité tout en cherchant à capoter le processus présidentiel qui doit déboucher en décembre prochain à l’organisation de nouvelles élections législatives.
(Avec MAP)